Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Au centre de la foule houleuse, cependant, la Recuerda, solidement maintenue par deux jeunes gens qui l’avaient arrach'ee, cependant que deux autres messieurs tiraient Delphine Fargeaux de ses griffes, p^ale de col`ere, la voix d'ecompos'ee, appelait son cavalier servant :
— Baron, disait-elle, faites conduire cette femme au poste, il est inadmissible…
Et Delphine Fargeaux, de son c^ot'e, criait :
— Qu’on arr^ete cette femme, c’est abominable, elle a…
Et Delphine Fargeaux allait dire : « Elle a tu'e », lorsqu’elle s’interrompit net, ayant soudain rencontr'e le regard de Stolberg.
Alors que Delphine Fargeaux, terrifi'ee par le regard du baron Stolberg, se taisait, un groupe de sergents de ville arrivait, repoussant la foule, se frayant un passage de vive force.
— Au poste, au poste ! ordonnaient les agents, vous vous expliquerez devant le commissaire. Allons, venez, vous aussi, monsieur, vous ^etes le t'emoin.
Ils encadr`erent les deux femmes, les jeunes gens qui s’'etaient empress'es de les s'eparer, ils pouss`erent tout le monde, le baron Stolberg compris, vers le poste de police install'e dans l’Op'era m^eme, qui donne rue Hal'evy.
— Allons au poste, en effet, disait Stolberg. Le commissaire comprendra tout de suite que cet incident est seulement ridicule et il nous fera tous rel^acher.
— Le commissaire de police n’est pas l`a, dit le brigadier, il ne passe au poste qu’`a une heure du matin. Tout ca, ca n’est pas clair. En l’attendant, je vais tous vous mettre au violon. Ma foi, ca vous apprendra, les uns et les autres, tout gens chics que vous ^etes, `a vous conduire comme des voyous.
Et, superbe de d'edain, merveilleux d’audace, sans s’inqui'eter des protestations que son proc'ed'e inqualifiable soulevait de la part des personnages arr^et'es, le brigadier, `a peine arriv'e au poste, fit en effet entrer les personnes qu’il venait d’appr'ehender dans le cachot o`u se trouvaient d'ej`a une dizaine d’individus arr^et'es pour tapage sur la voie publique dans la journ'ee.
— D'eplorable, dit le baron Stolberg, devenu tr`es digne, ayant retrouv'e tout son sang-froid. Messieurs, ajouta-t-il, en se tournant vers les quatre jeunes gens qui avaient 'et'e arr^et'es en m^eme temps que lui, alors qu’ils n’'etaient pour rien dans les aventures de la soir'ee, messieurs, je vous fais toutes mes excuses pour la sotte affaire o`u vous voici compromis. Voulez-vous me permettre de vous demander vos noms ? Voici ma carte. J’irai demain, si l’on me rel^ache toutefois, vous pr'esenter mes excuses.
Les autres jeunes gens riaient d'ej`a, amus'es par le pittoresque de leur arrestation et l’incompr'ehension des agents, et un 'echange de cartes eut lieu.
`A l’int'erieur du violon, cependant, Delphine Fargeaux et la Recuerda, soudain muettes l’une et l’autre, se contemplaient en silence, 'etonn'ees de l’attitude presque gouailleuse, infiniment calme en tout cas que venait d’adopter le baron Stolberg.
— Ma parole, pensait Delphine Fargeaux, je m’attends presque `a ce qu’il dise qu’il ne nous conna^it ni l’une ni l’autre.
`A peine l’'echange de cartes 'etait-il termin'e que Nicolas Stolberg, apr`es avoir jet'e un regard `a la Recuerda, s’approchait de Delphine Fargeaux. Et c’est bas, qu’il murmurait `a l’oreille de la coquette, cette phrase qui, soudain, la fit radieuse :
— Madame, excusez-moi de ne point pouvoir vous d'efendre comme je le voudrais, mon attitude doit vous para^itre r'evoltante, croyez que je suis oblig'e d’agir comme je le fais. Dans quelques instants, d’ailleurs, nous allons ^etre libres. Je vous en prie, veuillez me permettre de vous accompagner chez vous. J’ai `a vous parler.
`A peine avait-il dit ces mots qu’il s’inclinait, et, sans attendre de r'eponse, quittait Delphine Fargeaux pour s’approcher de la Recuerda :
— Ma ch`ere, d'eclarait-il `a l’Espagnole, qui le regardait avec surprise, cette petite Fargeaux est compl`etement folle. Il faut `a tout prix qu’elle cesse de nous g^ener. T^achez d’^etre raisonnable. Tout `a l’heure je partirai avec elle. Demain je vous verrai. J’ai `a causer avec vous.
Il sourit en disant ces mots, puis salua. Et, deux minutes plus tard, Stolberg s’arr^etait, respirait profond'ement :
— Mais, sapristi, dit-il, cela sent terriblement le gaz, ici.
— Et comment qu’ca sent l’gaz ! Ca l’pue `a plein nez !
C’'etait un marchand de quatre-saisons mis au violon pour refus de circuler qui donnait la r'eplique au baron Stolberg.
Mais, bient^ot, chacun faisait chorus :
— Cela infecte le gaz, d'eclarait l’un des jeunes gens arr^et'e sur les marches de l’Op'era, c’est `a croire qu’une tuyauterie quelconque est crev'ee et qu’il y a une fuite.
— 'Ecoutez donc.
Un autre jeune homme, qui avait tendu `a Stolberg une carte portant le nom : vicomte de Paluce, demandait le silence. On entendit alors une sorte de sifflement.
— Mais, reprit le baron, c’est parfaitement exact ; il y a un tuyau rompu, nous allons ^etre asphyxi'es.
`A l’endroit m^eme o`u il s’'etait appuy'e `a la muraille, quelques instants auparavant, et de facon si naturelle que personne ne s’'etait inqui'et'e de ses gestes, une tuyauterie apparente tranch'ee d’un coup de canif, l^achait du gaz.
— Nous allons ^etre asphyxi'es.
Rapidement, Stolberg traversant le violon, frappa la porte.
— Y a-t-il des agents ici ? criait-il, au secours !
La voix brutale du brigadier s’informa :
— Voulez-vous rester tranquilles, l`a-dedans, qu’est-ce qu’il y a encore ?
— Ouvrez, criait le baron. Il y a une fuite de gaz. Nous allons p'erir asphyxi'es dans votre violon.
La chose 'etait grave, 'evidemment. Le brigadier, quelle que f^ut sa brutalit'e et son intransigeance, n’osait pas refuser de v'erifier une pareille affirmation : il entrouvrit la porte, renifla, se convainquit qu’on ne lui avait pas menti.