Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Ordre du roi, se~nor, je ne vous ex'ecute point. Quand je rel`everai le voile, faites le mort.
Et, J'er^ome Fandor n’eut point le temps de r'efl'echir. Le roulement de tambour encore. Les clameurs de la populace s’'elevaient toujours vers le ciel pur, il percevait le pas du bourreau tournant autour du garrot, revenant devant lui.
Une main rude lui appliquait un mouchoir sur les traits :
— Tirez la langue, se~nor.
Fandor eut `a peine le temps d’ob'eir `a l’ordre qu’on lui donnait qu’une main enlevait le voile qui lui masquait le visage : la m^eme clameur qui montait de toutes les poitrines depuis quelques instants, redoubla. Abasourdi, Fandor voyait qu’`a nouveau on lui jetait le voile sur le visage et c’'etait `a peine si pendant qu’il d'efaillait il entendait une voix qui murmurait tout pr`es de lui, tremblante :
— Bourreau, au nom de la loi, je vous requiers d’emporter le cadavre du supplici'e et de l’ensevelir. Dieu ait l’^ame de J'er^ome Fandor !
***
— Eh bien, Fandor ?
— Eh bien, Juve ?
— Comprends-tu quelque chose ?
— Je commence `a comprendre.
Les deux ins'eparables amis, Juve et Fandor, le journaliste et le policier, les deux compagnons de tant de luttes et de tant d’aventures, les deux ennemis de Fant^omas, les deux h'eros, se trouvaient dans un compartiment de premi`ere classe du Sud-Express et devisaient tranquillement.
Juve continuait le r'ecit qu’il faisait `a Fandor depuis quelques instants :
— Tant mieux si tu commences `a comprendre, bougre d’abruti, disait Juve, mais je reprends o`u j’en 'etais.
Et, apr`es s’^etre frott'e les mains, avoir ri tout seul, puis envoy'e un coup de poing amical dans la poitrine de Fandor qui ne semblait pas moins joyeux que lui, Juve ajoutait :
— Donc, mon petit, au moment m^eme o`u je m’appr^etais `a te sauver du garrot en t’ex'ecutant moi-m^eme et en t’ex'ecutant pour la frime, bien entendu, le vrai bourreau que je remplacais ayant obtenu d’ex'ecuter `a sa place `a prix d’or, a fait son apparition sur l’'echafaud. Ma foi je n’insisterai pas sur l’angoisse que j’ai connue alors, ah quelle fichue minute mon petit Fandor ! J’ai 'et'e empoign'e par les alguazils, rou'e de coups, mes vocif'erations se sont perdues dans le roulement des tambours, bref, j’ai compris que tu 'etais irr'evocablement perdu. Ah oui, quelle fichue minute !
Et comme Juve s’interrompait, Fandor souriait :
— Dites donc, c’'etait surtout pour moi que la minute 'etait fichue. Je vous avais reconnu, savez-vous ?
— Je l’ai bien compris `a ton mouvement alors que tu commencais `a monter sur l’'echafaud. Mais passons. Donc Fandor on m’emportait. `A ce moment, je t’avoue que j’'etais pr^et `a tout, je cherchais dans la poche de mon pantalon mon fid`ele browning et je m’appr^etais `a faire une b^etise, `a tirer sur le bourreau, `a massacrer le plus de monde possible, `a te sortir co^ute que co^ute d’affaire ou du moins `a t^acher de te sortir d’affaire, car c’'etait `a peu pr`es impossible, lorsque subitement, je me suis tenu tranquille et je suis devenu doux comme un petit saint Jean. Ah, mon cher Fandor, je te donne en mille pourquoi j’ai cess'e de me d'ebattre ?
— Parbleu, vous veniez de vous rappeler que vous 'etiez mon h'eritier, Juve.
— Tais-toi, sacr'e farceur, tu plaisanteras tout `a l’heure si le coeur t’en dit. En ce moment, 'ecoute-moi. Devines-tu pourquoi je cessais de me d'ebattre ?
— Ma foi, non, que diable pouviez-vous voir ?
Mais Juve ne se h^ata pas de r'epondre. Il sourit, il fit une petite pause et seulement, quand Fandor sembla pr^et d’'eclater, fou d’impatience, il se d'ecida `a reprendre :
— Mon bon Fandor, disait Juve, `a ce moment je voyais beaucoup de monde autour de moi et dans ce beaucoup de monde, j’ai apercu une femme, une femme qui me faisait signe de me taire, une femme qui 'etait bl^eme d’'emotion, qui me suppliait de me tenir tranquille.
— Qui 'etait-ce ?
— C’'etait H'el`ene, Fandor ! La fille de Fant^omas, c’'etait celle que tu aimes, qui t’aime, c’'etait celle `a qui tu dois la vie.
Et comme, devenu bl^eme `a son tour, Fandor, fou de joie `a la pens'ee qu’H'el`ene l’avait sauv'e, se taisait, Juve, reprit lentement :
— On me l^achait `a cet instant, H'el`ene m’approchait. Tandis que l’on se bousculait autour de nous, je l’entendais qui me disait :
— Juve, le bourreau est gagn'e, j’ai pu faire intervenir le roi, ne vous inqui'etez pas, il a l’ordre formel d’'epargner Fandor, soyez `a cinq heures au bois de Campana. J'er^ome Fandor vous y rejoindra.
Mais Fandor n’'ecoutait plus Juve. Tout bas, le journaliste comme victime d’une nouvelle hallucination, r'ep'etait un mot, un nom :
— H'el`ene, disait J'er^ome Fandor, c’est H'el`ene qui m’a sauv'e.
— Parfaitement. Tu peux dire qu’elle a habilement fait les choses. Mon petit Fandor, apr`es m’avoir annonc'e que je te retrouverais `a cinq heures au bois de Campana, l`a o`u nous nous sommes retrouv'es, en effet, puisque c’est l`a que la voiture dans laquelle on t’a jet'e t’a conduit, H'el`ene a disparu, elle s’est perdue au sein de la foule qui se bousculait toujours pour mieux voir. J’ai cherch'e `a la retrouver. En vain. J’ai parcouru la Plaza Mayor dans tous les sens. H'el`ene 'etait partie.
Et tout bas Juve ajoutait :
— Mais ma foi, je m’en contrefichais. Ce qui m’int'eressait avant tout, c’'etait de savoir si tu 'etais sauf. Retrouver H'el`ene, dame, c’est `a quoi nous allons nous occuper maintenant, maintenant que le Sud-Express vient de nous faire franchir la fronti`ere et que tu es d'efinitivement hors de la main des capucins. Tout de m^eme, sais-tu que tu lui dois une fi`ere chandelle `a la fille de Fant^omas ?
Et cette fois, Juve se taisait, n’ajoutait pas un mot. Fandor ne l’'ecoutait plus. Le front entre les mains, il songeait 'eperdument, il oubliait la mort qui avait 'et'e si proche, il oubliait les angoisses des derni`eres heures qu’il avait v'ecues, il pensait `a la fille de Fant^omas, `a celle qu’il aimait de toute son ^ame.
25 – L’AMOUREUSE DU BARON
Lorsque Delphine Fargeaux avait assist'e en t'emoin horrifi'e au meurtre de Backefelder, elle s’'etait enfuie, affol'ee, se demandant si elle ne courait pas elle-m^eme un terrible danger et si la Recuerda, en s’'echappant, n’allait point se jeter sur elle et lui faire subir le sort du malheureux milliardaire am'ericain.
Ce n’est qu’une demi-heure plus tard, alors qu’elle 'etait partie `a l’aventure, qu’elle avait suivi des rues au hasard, tourn'e sur elle-m^eme, qu’elle s’'etait perdue dans Paris, que Delphine Fargeaux retrouvait son calme et se rendait compte que ses craintes 'etaient vaines et qu’en r'ealit'e, si la Recuerda avait tu'e Backefelder, c’est que, tr`es probablement, elle avait eu des motifs d’en vouloir `a l’Am'ericain alors qu’elle n’en avait aucun, qu’elle ne pouvait pas en avoir pour se venger de Delphine.