Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Deux heures plus tard, Juve, en effet, avait recu un coup de t'el'ephone de Dupont de l’Aube lui apprenant que l’affaire 'etait arrang'ee et lui donnant rendez-vous, si le coeur lui en disait, `a Madrid m^eme, o`u Fandor venait d’^etre transf'er'e aux fins d’ex'ecution, mais o`u il allait ^etre remis en libert'e sur la pr'esentation du brevet.
C’'etait `a ce rendez-vous sur la plus grande place de Madrid, `a quelques pas de la prison, que Juve se rendait.
— Ma foi, monologuait le policier, je n’ai jamais eu une grande sympathie pour Dupont de l’Aube qui m’a toujours paru un peu vaniteux, un peu plein de lui-m^eme, mais il faut convenir que, aujourd’hui, je dois le consid'erer comme un brave homme.
Or, tout en marchant, tout en s’orientant avec quelque peine dans Madrid, Juve continuait `a d'evisager les passants, `a s’int'eresser aux mouvements de la rue. Il longeait `a cet instant une sorte de boulevard, un grand corso aux trottoirs bizarrement pav'es de petites pierres rondes coup'ees de rigoles.
Juve remarquait au-dessus d’une porte le drapeau francais.
— Tiens, l’Ambassade.
Il fut sur le point de passer, puis il se retourna, revint en arri`ere, entra dans l’'edifice. En effet, les n'ecessit'es d’un climat parfois br^ulant font qu’`a Madrid toutes les administrations publiques restent ouvertes jusqu’`a dix heures du soir. Juve p'en'etra dans les bureaux au moment o`u les employ'es s’appr^etaient `a partir.
— Messieurs, demanda Juve, seriez-vous assez aimables pour me communiquer les feuilles de l’Havas, que vous avez d^u recevoir ?
Il tendit sa carte, justifia de son identit'e, de sa qualit'e de policier, et tr`es obligeamment, un attach'e d’ambassade, quelques instants plus tard, lui passait les d'ep^eches exp'edi'ees de Paris.
D’abord Juve n’y lisait que des renseignements peu int'eressants. Une fabrique de sucre avait br^ul'e. La gr`eve des taxim`etres s’'eternisait [14]. On avait vol'e son r'eticule `a une vieille femme alors qu’elle passait dans la rue de Rivoli. Mais soudain, Juve bl^emit, haletait, pensa d'efaillir. En grosses lettres, le policier avait lu cette nouvelle :
On a retrouv'e dans le foss'e des fortifications, le cadavre de M. Dupont de i’Aube, s'enateur, propri'etaire du journal la Capitale, et charg'e de mission officieuse en Espagne.
— Mal'ediction ! jura Juve, tout est perdu.
De ses l`evres qui tremblaient, un nom s’'echappait :
— Fant^omas.
***
Il 'etait minuit `a peu pr`es. Dans le faubourg 'ecart'e o`u s’'elevait la maison que tous connaissaient `a Madrid, chacun dormait encore et les rues, `a perte de vue, 'etaient solitaires. Un homme, pourtant, avancait `a grands pas au milieu de l’une des calles, qui d'ebouchaient pr`es de la Maison-Verte. Il 'etait v^etu `a la francaise, il paraissait rompu de fatigue, et, de temps `a autre, des mots sans suite s’'echappaient de ses l`evres :
Cet homme, c’'etait Juve. Comment Juve 'etait-il dans ce quartier d'esert de Madrid ? qu’y venait-il faire ? Pourquoi pr'ecipitait-il encore sa marche en apercevant la Maison-Verte ?
Lorsque Juve, `a dix heures du soir, avait appris dans les bureaux de l’Ambassade, cette nouvelle 'epouvantable, la mort de Dupont de l’Aube, il avait pens'e p'erir sur place. Dupont de l’Aube mort, Dupont de l’Aube assassin'e, c’'etait imm'ediatement pour Juve, la certitude que Fandor allait ^etre ex'ecut'e, que l’ordre d’extradition n’arriverait pas `a temps. Qui donc d’ailleurs avait pu tuer Dupont de l’Aube ? Qui donc, si ce n’'etait Fant^omas ?
Et Juve, en un instant, affol'e, et pourtant raisonnant logiquement, avait devin'e l’effroyable aventure : Fant^omas faisant emprisonner Fandor en Espagne. Fant^omas apprenant que Dupont de l’Aube allait sauver le jeune homme. Fant^omas attirant Dupont de l’Aube, le tuant pour laisser p'erir Fandor.
— L’ambassadeur ? avait hurl'e Juve, il faut que je parle `a l’ambassadeur.
Mais le malheureux policier qui, si joyeux encore quelques minutes auparavant, se sentait d'esesp'er'e maintenant, obtint une r'eponse 'epouvantable :
— Se~nor, l’ambassadeur n’est pas `a Madrid, il est en voyage.
— Alors, menez-moi vers la personne qui le remplace.
— Se~nor, elle est `a la cour.
— Il y a pourtant quelqu’un ici qui commande.
— Non, se~nor, il n’y a plus personne. Demain, `a deux heures, peut-^etre.
— Demain, demain, il serait trop tard.
Et si Juve n’insistait pas, c’est qu’il se rendait compte que toute d'emarche serait inutile.
Juve connaissait trop bien la bureaucratie, la crainte des responsabilit'es pour pouvoir garder l’espoir d’'emouvoir un fonctionnaire, de le faire intervenir.
— On ne me croira pas, on ne tentera rien, et pourtant !
Juve croyait vivre un cauchemar. Depuis que Dupont de l’Aube, homme pr'ecis et ponctuel, lui avait t'el'ephon'e, que la gr^ace de Fandor 'etait un fait acquis, Juve ne s’'etait plus gu`ere inqui'et'e au sujet du journaliste. Et voil`a que, brusquement, `a quelques heures de l’ex'ecution, Juve apprenait que l’extradition n’aurait point d’effet.
Et puis, brusquement, Juve s’'etait retrouv'e ma^itre de lui-m^eme.
— Il ne faut pas que Fandor meure. Il faut que je le sauve.
Juve, encore qu’il parl^at mal l’espagnol et qu’il le compr^it difficilement, se livrait `a la plus curieuse des enqu^etes : il entra dans les bars, il p'en'etra dans les maisons de danse, il interviewa des gardes civils. En deux heures, Juve fut partout, vit des quantit'es de gens, trouva moyen de se faire comprendre, inventait des histoires invraisemblables, apparaissait, disparaissait, r'eapparaissait.
Et `a minuit, Juve se trouvait devant la Maison-Verte.
Or, `a peine le policier avait-il approch'e de la lourde porte qui fermait la demeure, peinte en vert, du seuil jusqu’au toit, qu’il heurta d’un vigoureux coup de marteau :
— Hol`a, ge^olier !
D’abord, il n’obtint aucune r'eponse, mais il frappa si fort, qu’`a la fin, une voix hurla de l’int'erieur de la maison :
— Ce n’est pas l’heure.
— Eh non ! ce n’est pas l’heure, c’est un Francais qui est l`a et un Francais, don Jos'e, qui a besoin de vous voir.