Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Il y eut `a l’int'erieur de la Maison-Verte un grand brouhaha, des bruits de pas, des all'ees et venues stup'efaites.
`A la fin, la porte s’entreb^ailla et le visage effar'e d’un homme d’une trentaine d’ann'ees apparut devant Juve :
— Vous demandez ? vous ^etes Francais ? Comment avez-vous su mon adresse ?
L’homme dormait encore et embrouillait les questions. Juve n’h'esita pas, d’un coup d’'epaule, il ouvrit la porte, il entra, il la referma sur lui.
— Jos'e, j’ai `a te parler.
Jos'e l’Espagnol paraissait effray'e.
— Mais Se~nor, qui ^etes-vous donc ?
— Peu importe.
Juve entra^inait toujours l’homme ; assur'ement, si dans ses conversations de la soir'ee, si au cours de son enqu^ete, Juve s’'etait fait donner l’adresse, il s’'etait fait aussi expliquer la facon dont la maison 'etait construite. Il entra^inait en effet Jos'e vers une sorte de petit jardin, un
— Jos'e, j’ai `a te parler, r'ep'eta-t-il.
— `A me parler ? r'epondait l’autre, le se~nor veut me parler ? le se~nor sait donc qui je suis ?
La figure de Juve p^alissait encore plus s’il 'etait possible, cependant qu’une expression de rage contractait ses traits :
— Tu es le bourreau, faisait-il, et c’est toi qui, tout `a l’heure, au petit jour, vas tuer sur la Plaza Mayor.
— C’est vrai se~nor, mais comment ?
— Tais-toi, interrompit Juve.
Le policier avait plong'e la main dans la poche. Cependant que le bourreau stup'efait, car Jos'e 'etait bien le bourreau, le consid'erait, Juve tirait une pleine poign'ee d’or, qui repr'esentait 'evidemment tout l’argent monnay'e qu’il avait emport'e de France.
— Jos'e, demandait Juve, aimes-tu l’or ?
Les yeux du bourreau flamboy`erent : une lumi`ere soudaine s’'etait faite dans son esprit. `A la question de Juve, il recula de trois pas, les mains jointes et appuy'ees sur sa poitrine.
— Le se~nor est Francais ? dit tout bas Jos'e, et c’est un Francais que je garrotte tout `a l’heure, le se~nor veut ? Oh, je comprends, mais c’est impossible.
— Tu ne comprends rien, dit Juve.
Et, en m^eme temps le policier jeta des louis d’or sur le sol.
— Tiens, tu les prendras demain. 'Ecoute Jos'e. 'Ecoute bien : ce que je viens de te donner, ce n’est rien, si tu fais ce que je veux, tu recevras dix fois autant de pi`eces d’or.
— C’est impossible, se~nor.
— Mais tais-toi donc Jos'e. Tu ne me comprends pas.
— Se~nor, vous voulez sans doute que je sauve le condamn'e.
— Non, ce n’est pas cela que je veux.
Juve venait de parler avec une rage 'epouvantable. Il avait protest'e si violemment qu’il ne voulait point sauver le condamn'e `a mort que Jos'e le croyait. Le bourreau roulait des yeux 'etonn'es, il ne comprenait plus du tout ce qu’allait lui demander l’'etrange visiteur nocturne.
— Se~nor, que d'esirez-vous de moi ? interrogeait l’Espagnol.
Et Juve alors, se rapprocha de l’homme. Il se pencha sur lui, il lui souffla au visage plus qu’il ne les lui murmurait, ces mots extraordinaires :
— Jos'e, je ne connais point le condamn'e que l’on ex'ecute demain, peu m’importe, qui il est. Peu m’importent ses crimes. Ce n’est pas cela, ce n’est pas sa gr^ace que je veux. 'Ecoute ! 'Ecoute, bourreau, tu as devant toi un insens'e, un d'ement, un fou. Un malheureux aussi qui n’a qu’une passion : la passion de la mort.
— La Madone me prot`ege !
Entendant Juve, le bourreau venait de se signer encore, et tremblait maintenant de tous ses membres. Et Juve poursuivait :
— J’ai la passion de la mort, comprends-tu ? Je ne suis heureux que lorsque j’entends des r^ales d’agonie, que lorsque je tue. Ah, bourreau, c’est horrible, mais je souffre de cette 'etrange folie. Et je suis honn^ete homme pourtant, je suis un honn^ete homme, mon Dieu. Et je ne puis pas tuer jamais, car il est interdit de tuer, car il est impossible de tuer.
— Se~nor, se~nor, vous me faites peur !
— Non, n’aie pas peur, Jos'e, je t’ai donn'e de l’or, je t’en donnerai d’autre, comprends moi bien, voil`a tout ce que je veux de toi. Oh, c’est si simple, cela a si peu d’importance, et je te paierai si richement que tu ne peux pas refuser. Je veux que tu me pr^etes tes habits. Je veux que tu me laisses prendre ta place demain aupr`es du garrot. Je veux que tu contentes ma passion. Je veux que ce soit moi qui ex'ecute `a ta place. Dis, tu acceptes ?
— La Madone me garde ! r'ep'etait le bourreau.
Mais Juve, admirable dans la com'edie qu’il jouait, poursuivait toujours d’une voix insens'ee :
— Pour satisfaire ma passion, vois-tu, pour satisfaire le besoin de mort que j’ai, je me suis fait l’errant perp'etuel du monde entier. Quand je sais qu’il y a une ex'ecution quelque part, c’est moi qui veux la faire. Je m’arrange pour ^etre partout, je connais tous les bourreaux du monde. Les bourreaux. Mais il n’y a pas d’autre bourreau que moi. C’est toujours moi qui tue en tous pays, partout te dis-je. Car partout les bourreaux me connaissent et partout ils consentent `a ce que je les remplace. Tu seras riche, Jos'e, acceptes-tu ?