Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— C’est cela m^eme, mes enfants.
— Mais tu nous avais dit que c’'etaient des sous. Un tr'esor ?
— Eh bien, c’est un tr'esor.
Barnab'e et le p`ere Teulard portant le coffre de l’horloge, et ployant sous le faix, avancaient avec peine dans la boue grasse.
Bient^ot, cependant, ils laiss`erent tomber leur fardeau `a terre, ils d'esignaient au cocher John, un trou, un grand trou, une tombe creus'ee par eux quelques heures auparavant.
— Voil`a l’endroit, disait Barnab'e. Ca va-t-il ?
— Ca va tr`es bien, r'epondit le cocher.
Il donna un coup de pied dans le coffre de bois, et il ordonna :
— Allons, pressons-nous. Mettez ca l`a-dedans et rejetez la terre par-dessus.
Les pellet'ees tomb`erent d’abord r'eguli`erement sur le coffre de bois, 'eveillant de sourds 'echos. L’op'eration semblait devoir s’achever sans encombre, lorsque soudain, Barnab'e se jeta sur le p`ere Teulard, lui empoigna le bras, l’emp^echa de continuer sa besogne :
— Ah nom de Dieu, jurait Barnab'e, 'ecoute voir, 'ecoute un peu.
Un instant, les deux fossoyeurs pr^et`erent l’oreille, puis Barnab'e se tourna vers John :
— Mais sacr'e bon sang, cria-t-il, c’est un crime que tu nous fais commettre l`a ? R'eponds, nom de Dieu. Y a quelqu’un dans c’te bo^ite ? Quelqu’un qui vit ? Tu nous fais enterrer quelqu’un de vivant ?
Mais la voix du fossoyeur s’'etrangla. En se retournant, ce n’'etait plus John qu’il avait apercu, c’'etait la silhouette tragique d’un homme v^etu de noir, le visage dissimul'e sous une cagoule noire, c’'etait la silhouette l'egendaire du terrifiant Fant^omas.
Et Barnab'e comme dans un cauchemar, se rejetant de c^ot'e, bousculant son ami le p`ere Teulard, 'epouvant'e par le r^ale sourd qui montait du fond de la fosse, entendit une voix sarcastique sortir de dessous la cagoule, une voix qui disait :
— Il n’y a plus de John ici. Regarde, camarade. C’est Fant^omas qui te parle. Et puisque tu es si curieux, Fant^omas va te renseigner. Tu pr'etends qu’il y a quelqu’un dans cette horloge que tu enterres. Mon Dieu tu ne te trompes pas. Il y a l`a une femme, elle s’appelle Delphine Fargeaux. Tu vois que je te donne tous les renseignements qui peuvent t’^etre agr'eables. Elle est endormie, elle est endormie gr^ace `a du chloroforme et sans doute, elle commence `a se r'eveiller. Oh cela n’a aucune importance, continue ta besogne, mon ami, fais ton office de fossoyeur, tant pis pour elle, si elle s’est r'eveill'ee. Elle n’avait qu’`a continuer `a dormir, elle n’aurait pas compris qu’on l’enterrait vivante.
Comme terrifi'es, hagards, Barnab'e et le p`ere Teulard demeuraient encore immobiles, Fant^omas soudain avanca d’un pas.
Dans sa main, un revolver brillait, qu’il braquait vers les fossoyeurs :
— Allons, commanda-t-il, faites votre besogne, j’attends.
Et les pellet'ees tomb`erent, r'eguli`eres, sur la grande horloge normande.
27 – LE SECRET DU FANT^OME
— Ah, malheur, j’en ai les sangs tout retourn'es…
— Et moi donc, je ne vois plus clair, tant j’ai l’esprit `a l’envers.
Barnab'e et le p`ere Teulard fuyaient `a travers le cimeti`ere, poussant des cris apeur'es. Ils fr'emissaient, tr'ebuchaient au contact des tombes dans lesquelles ils butaient perp'etuellement. Leurs dents claquaient.
Les deux fossoyeurs arriv`erent enfin `a l’extr'emit'e du cimeti`ere du c^ot'e de la rue de Maistre et tent`erent d’escalader le mur par-dessus lequel, une heure auparavant Fant^omas et ses complices avaient fait basculer la grande et myst'erieuse horloge dans laquelle le monstre avait enferm'e l’infortun'ee Delphine Fargeaux.
Le p`ere Teulard et Barnab'e parvinrent `a enjamber le mur et se tenaient un instant sur la cr^ete, mais, brusquement tir'e en arri`ere par Barnab'e, le p`ere Teulard retomba dans la n'ecropole.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Il y a, fit-il, que si nous 'etions descendus dans la rue on 'etait s^urement rencontr'es par la police, tu n’as pas remarqu'e ce groupe ?
— Non.
— Eh bien, poursuivit Barnab'e, c’'etaient des agents, ils r^odaient autour de la charrette `a bras que les copains de Fant^omas n’ont pas fait dispara^itre. S^ur qu’il va y avoir du vilain.
— Eh bien, on est frais !
Et, le fossoyeur en chef se laissait choir, tombait litt'eralement sur la bordure d’un trottoir.
— Viens, par l’autre c^ot'e, nous sortirons du cimeti`ere par l’avenue Rachel. L`a, il n’y aura personne pour nous g^ener et puis, apr`es tout, il suffit de passer avec autorit'e, on est fonctionnaire, non ? Barnab'e, on va s’en aller.
Soudain, le p`ere Teulard s’arr^eta :
— Barnab'e, s’'ecria-t-il, il va falloir passer sous le pont.
— Sous le pont Caulaincourt ?
— Il le faut bien, n’ayons pas peur.
— Il y a pis que le spectre, le chemin que nous suivons en ce moment va nous obliger `a passer `a nouveau pr`es de la fosse `a peine referm'ee dans laquelle nous avons enterr'e la femme vivante.
Teulard recula :
— Non, cria-t-il, non, ne passons pas par l`a, on va prendre l’all'ee du sud, on fera un d'etour.
— C’est par l`a que s’est enfui Fant^omas, nous allons sans doute le retrouver.
— Peu importe. Tout plut^ot que de repasser l`a !
Ils avanc`erent en silence, parvinrent, dans le voisinage du caveau de la famille de Gandia, c’est-`a-dire `a petite distance du pont Caulaincourt qui projetait sa grande ombre sur le cimeti`ere. Soudain, les deux hommes pouss`erent un cri, tomb`erent l’un sur l’autre.
— Le fant^ome, avaient-ils murmur'e.
`A quelques m`etres, en effet, devant eux, se dressait la silhouette myst'erieuse et tragique de l’'enigmatique et sinistre apparition qui, depuis plusieurs semaines, terrifiait la capitale.