Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Il avait entendu la petite femme brune se nommer. Il avait retenu son nom, Delphine. Mais soudain, au moment o`u elle quittait le s'enateur, le journaliste avait 'etouff'e un cri de surprise et s’'etait vivement pench'e `a terre : la patineuse avait laiss'e tomber un objet que Fandor avait ramass'e. C’'etait un 'el'egant petit carnet recouvert de cuir et portant un chiffre en argent : D. F.
Son premier mouvement avait 'et'e de le rapporter `a la patineuse, mais c’est en vain qu’il la chercha des yeux dans la foule qui 'evoluait sur le plancher. Le journaliste, perplexe, ouvrit le calepin afin de savoir si par hasard il ne contenait pas le nom de sa propri'etaire, son adresse peut-^etre. Et, sans souci de l’indiscr'etion qu’il commettait, il en feuilleta les pages. Il n’y avait point de nom sur le calepin, mais seulement des notes trac'ees au crayon d’une 'ecriture fine et r'eguli`ere, et Fandor, en parcourant les feuillets, y retrouvait des inscriptions de ce genre :
Capiton satin blanc, fillette cent francs, le m^eme riche cent cinquante francs.
Sous plomb brocard 350, ferrures comprises grand luxe, taille moyenne, 575 francs, go^ut am'ericain 6 'ecussons : l’'ecusson, pi`ece 30 francs en argent, commission D r Palter, 13 francs.
Enfin sur une derni`ere page : Fandor lut :
Suivre l’affaire Block, 94 ans, avenue de Messine.
De plus en plus perplexe, le journaliste tourna et retourna ce petit carnet.
— Ce n’est pas ordinaire, se dit-il, que signifient ces notes ? Que peuvent-elles bien vouloir dire ? Il faudrait absolument que je puisse retrouver cette femme.
Les initiales aussi le pr'eoccupaient.
— D. F., se r'ep'eta-t-il, D. F., je sais que Dveut dire Delphine, puisque je l’ai entendue se nommer, mais F ? Ne s’agirait-il pas de Delphine Fargeaux ?
Ce nom rappelait `a Fandor un tas de choses dont le souvenir amenait un pli soucieux sur son front. Delphine Fargeaux, n’'etait-ce pas en effet une personne bizarre, dont il avait longuement entendu parler au cours de ses derni`eres aventures et dont l’existence avait 'et'e travers'ee par des drames terribles auxquels Fant^omas n’'etait pas 'etranger. 'Etait-ce bien elle ?
Fandor, `a deux ou trois reprises, fit le tour du skating, cherchant `a retrouver la propri'etaire de ce carnet. Mais ce fut en vain, et ennuy'e, il allait le porter `a l’administration, lorsque soudain il avisa sur une feuille un num'ero de t'el'ephone :
— Parbleu, se dit-il, c’est l`a une indication. Demain matin je t'el'ephonerai l`a et je demanderai :
***
— All^o, all^o, le 886-820.
Fandor, depuis dix minutes, dans une cabine t'el'ephonique, s’efforcait d’avoir une communication difficile `a obtenir.
— Pas libre, r'epondait la demoiselle du t'el'ephone.
Et Fandor s’ent^etait.
Enfin, il obtint la communication. `A l’autre bout du fil, quelqu’un, une voix m^ale lui r'epondit :
— En effet, c’est bien ici le 886-820. Parfaitement, monsieur, `a votre service. Il s’agit 'evidemment d’une c'er'emonie. Voulez-vous nous dire le quartier, nous vous mettrons en rapport avec notre agence. Dans de semblables circonstances, on aime toujours avoir quelqu’un qui s’occupe de tout.
— Qu’est-ce que me chante ce bavard ? se demandait Fandor qui, l’interrompant, finit par placer une parole :
— Je voudrais simplement parler `a M me Delphine Fargeaux, elle est bien chez vous, n’est-ce pas ?
— Est-ce personnel ?
— C’est personnel.
— Une seconde, monsieur, nous allons l’appeler `a l’appareil.
— Qui me demande ?
Le journaliste tressaillit. Il reconnaissait la voix et le l'eger accent m'eridional.
— Vous ne me connaissez pas, madame ? Mais peu importe, j’ai trouv'e hier un objet qui vous appartient, je serais d'esireux de vous le rendre, c’est un petit carnet. O`u puis-je vous l’apporter ?
Une exclamation l’interrompit :
— Ah mon Dieu ! monsieur, que je suis contente !
— Voulez-vous me donner votre adresse et je viendrai dans une demi-heure.
Mais on l’interrompit :
— Non, non, monsieur, non, ce n’est pas possible. Ou plut^ot… cependant…
L’interlocutrice s’embarrassait ; apr`es une l'eg`ere h'esitation, elle reprit pourtant :
— Vous me connaissez de vue, monsieur ?
— Certainement, r'epondit Fandor, vous ^etes une tr`es jolie personne brune…
— Eh bien, monsieur, puisque vous me connaissez, voulez-vous avoir l’obligeance de venir ce soir `a six heures au square d’Anvers me rapporter mon carnet ? Je serais bien heureuse de vous en remercier. J’esp`ere que ce rendez-vous ne vous d'erange pas ?
— Entendu, d'eclara Fandor qui voulait encore poser une autre question, mais son interlocutrice avait raccroch'e.
***
Cependant, ce m^eme matin, M. Dupont de l’Aube, pommad'e, ras'e de frais, descendait d’un taxi-automobile `a l’entr'ee de la rue de la Croix-Nivert.
— Dr^ole de quartier `a habiter pour une demi-mondaine, pensait-il, cependant qu’il s’avancait `a pied dans la rue de Grenelle.
Le s'enateur, tout guilleret, portait pr'ecautionneusement un carton plat, qui lui avait 'et'e remis une demi-heure auparavant dans un grand magasin o`u il s’'etait rendu. Ce carton plat contenait une d'elicieuse paire de jarretelles roses que le vieux s'enateur, qui n’avait point oubli'e sa rencontre de la veille, d'esirait offrir `a sa nouvelle connaissance.