Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Mais don Eugenio avait dict'e ses volont'es, pr'ecis'e qu’il exigeait la simplicit'e. Puis, d’un geste digne et hautain, il signifiait `a Coquard que l’entretien 'etait termin'e. Le courtier, lentement, se retira. Comme il descendait l’escalier, avisant un domestique, qui se tenait dans le vestibule, il demanda timidement :
— Voulez-vous me permettre de jeter un coup d’oeil sur la d'efunte, histoire de bien me rendre compte que les dimensions donn'ees sont bien exactes, c’est rapport au cercueil ?
Mais le domestique foudroya du regard l’employ'e des Pompes fun`ebres :
— Monseigneur, d'eclara-t-il, a formellement interdit que qui que ce soit s’approche de la chambre mortuaire, pas plus vous que les autres ne serez autoris'e `a y p'en'etrer.
— C’est bon, c’est bon, inutile de vous f^acher.
Retroussant son pantalon, ouvrant son large parapluie, Coquard s’en alla, d'ecu, sous la pluie battante, qui transformait la rue Erlanger en v'eritable lac.
— Sale temps, grommela-t-il, et sale m'etier.
***
Par les volets entreb^aill'es, don Eugenio s’assurait que l’employ'e des Pompes fun`ebres s’'etait bien 'eloign'e. D`es lors, il quitta son poste d’observation, et traversant son bureau somptueux, il ouvrit une petite porte dissimul'ee dans la boiserie. L’infant suivit un couloir 'etroit, puis, soulevant une porti`ere, il p'en'etra dans une pi`ece 'el'egamment meubl'ee o`u se trouvait une jeune fille 'etendue sur une chaise longue. `A l’arriv'ee de don Eugenio, elle se leva, inclina l'eg`erement la t^ete.
L’infant lui r'epondit par un profond salut :
— Mademoiselle, fit-il, excusez-moi de vous d'eranger, mais voici l’heure qui s’avance, et j’avais besoin de vous parler.
— Je suis `a votre enti`ere disposition, Monseigneur.
— Et vous ^etes toujours d'ecid'ee ?
— Oui, r'epliqua la jeune fille, ce que je vous ai promis, je le tiendrai. De m^eme que vous avez respect'e la parole donn'ee, Monseigneur, de m^eme je tiendrai en tous points, la promesse que je vous ai faite.
— Ah ! s’'ecria l’infant qui dans un geste spontan'e prenait dans les siennes les mains de la jeune fille et les 'etreignait chaleureusement, jamais je ne pourrai assez vous remercier, jamais vous ne saurez le service immense que vous rendez `a ma famille, `a la dynastie, `a l’Espagne tout enti`ere.
— Je vous en prie, monseigneur, n’exag'erons rien, je vous saurai toujours gr'e de l’attitude g'en'ereuse que vous avez eue vis-`a-vis de moi, je suis sinc`erement heureuse de pouvoir vous rendre le service que vous m’avez demand'e.
— Ainsi donc, fit l’infant, puisque tout est d'ecid'e, nous n’avons plus rien `a nous dire pour le moment ?
— Plus rien, monseigneur.
L’infant se retira. Arriv'e sur le pas de la porte, il se retourna et reprit :
— Il est quatre heures de l’apr`es-midi ; vers sept heures, mademoiselle, je vous demanderai de vouloir bien ^etre pr^ete. Les domestiques seront 'econduits, nous pourrons quitter l’h^otel.
La myst'erieuse personne s’inclina. Quelques instants apr`es, elle 'etait seule, elle reprit sa place sur la chaise longue et se remit `a lire.
***
— Casimir ! Casimir !
— Voil`a, patron.
— Vite, Casimir, pr'epare le cabinet du premier 'etage, deux couverts, c’est des amoureux !
Dans le petit restaurant du Rond-Point d’Auteuil, le patron et son unique domestique s’empressaient. Ils avaient vu entrer un monsieur et une dame. Cette derni`ere portait une 'epaisse voilette, et ils avaient compris ce dont il s’agissait. Il 'etait sept heures et demie. Deux amoureux, deux amants, vraisemblablement, venaient d^iner et, `a coup s^ur, d'esiraient rester seuls. Sans les consulter au pr'ealable, et n'egligeant de leur proposer une place dans la salle commune, Casimir, sur l’instigation de son patron, les invitait `a monter un escalier conduisant `a l’entresol et les faisait p'en'etrer dans un petit salon orn'e de glaces, meubl'e d’une table, de quelques chaises et d’un divan.
— Ces monsieur et dame, d'eclara-t-il, avec un sourire 'equivoque, seront tout `a fait tranquilles ici ; s’ils veulent bien me commander le d^iner tout de suite, je ne les ferai pas attendre.
Le couple jeta un regard distrait sur la carte, puis, commanda un repas frugal dont le garcon prit bonne note.
— Du champagne, naturellement ?
Mais la dame voil'ee hocha la t^ete. Son compagnon commanda simplement :
— Une bouteille d’eau min'erale.
Lorsque Casimir se fut retir'e, l’homme s’excusa :
— Je suis d'esol'e, mademoiselle, fit-il, de vous avoir amen'ee dans un endroit aussi peu digne de vous, mais nous sommes s^urs de n’^etre pas remarqu'es.
Avec gr^ace et lenteur, la jeune personne enlevait sa voilette :
— C’est parfait comme cela, Monseigneur, dit-elle, au surplus, nous n’allons pas nous 'eterniser ici.
Les deux myst'erieux convives du petit restaurant d’Auteuil que Casimir et son patron prenaient pour des amoureux, n’'etaient autres, en effet, que don Eugenio, infant d’Espagne, et la jeune fille avec laquelle il s’'etait entretenu deux heures auparavant dans sa majestueuse demeure de la rue Erlanger.
`A la grande surprise du garcon, ce couple acheva rapidement son d^iner, puis disparut. Les amoureux, si c’en 'etait, n’avaient pas pass'e, en tout, plus de trois quarts d’heure dans l’'etablissement.
Silencieux, marchant vite l’un `a c^ot'e de l’autre, ils regagn`erent, par les rues d'esertes d’Auteuil, la rue Erlanger, plus d'eserte encore. Par une porte de service, ils p'en'etr`erent dans l’h^otel, mais, comme ils entraient dans le vestibule, et que l’infant d’Espagne tournait le commutateur, la jeune fille et lui-m^eme sursaut`erent. Au milieu du hall, on avait pos'e une grande bi`ere oblongue, orn'ee de poign'ees d’argent. Tous deux s’'etaient arr^et'es, tressaillaient, n’osant se regarder. L’infant prit la parole :