Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Juve d'epouilla sans h^ate son volumineux courrier. Il trouva des cartes de Fandor, un petit mot dans lequel le journaliste lui apprenait qu’il allait reprendre momentan'ement son poste au journal La Capitaleet qu’il esp'erait bien que Juve lui ferait signe d`es son retour.
— L’animal, grogna le policier, je ne fais que cela, lui faire signe, mais comme il n’est pas chez lui, c’est exactement comme si je crachais en l’air en chantant Femme Sensible [5].
— Un monsieur qui veut vous parler, dit Jean, qu’on n’entendait jamais marcher.
— Je n’y suis pour personne ! hurla Juve. Tonnerre de nom d’un chien, est-ce que vous ne comprenez plus le francais, Jean ? Je vous ai d'ej`a pr'evenu…
— Assur'ement, vous n’y ^etes pour personne, mais vous devez l’^etre pour ce monsieur, il m’a dit de vous dire qu’il 'etait ambassadeur.
« Eh, eh, songea Juve, est-ce que, par hasard, la Cour d’Espagne aurait appris quelque chose de mes enqu^etes ?
— Faites entrer, ordonna le policier.
Quelques instants plus tard, Juve voyait se soulever la porti`ere de son cabinet de travail et sursautait, devenu bl^eme, en reconnaissant l’ambassadeur qui p'en'etrait aupr`es de lui :
— Vous, vous, vous, Backefelder ! Ah c`a, d’o`u diable sortez-vous ?
Backefelder, car c’'etait bien l’extraordinaire Am'ericain, le flegmatique « amateur » qui se passionnait pour la lutte que, depuis tant d’ann'ees, Juve soutenait contre Fant^omas, qui venait d’entrer dans le cabinet de travail du policier, ferma pos'ement la porte, sourit `a Juve, puis lui tendit la main :
— Vous allez bien, mon cher ma^itre ?
Mais Juve ne serra pas cette main tendue. Juve plaqua un vigoureux coup de poing sur son bureau, bondit au-devant de l’arrivant :
— Ah c`a, hurla-t-il, pourquoi venez-vous me voir ? Qu’est-ce que vous allez encore m’annoncer ? Comment savez-vous que je suis rentr'e ? Avez-vous des nouvelles de Fandor ?
Backefelder brossait son chapeau, souriait toujours.
— Vous permettez, demanda-t-il, que je prenne un si`ege ?
Et comme Juve ne r'epondait pas, il en prit un quand m^eme, s’assit, d'eclara avec une tranquillit'e d'econcertante :
— C’est un vilain temps, aujourd’hui. Ah, ^etes-vous pr^et `a m’'ecouter, monsieur Juve ? Je viens en ambassadeur.
— Vous venez en ambassadeur, en ambassadeur de qui ?
Comme s’il e^ut dit une chose toute naturelle, comme s’il e^ut fait une commission fort simple et nullement digne de surprendre, Backefelder riposta :
— Je viens, mon cher Juve, en ambassadeur, de la part de Fant^omas.
— Mais il est donc encore vivant ?
— Parfaitement, r'epondit-il, et je vous remercie de l’int'er^et que vous lui manifestez. Fant^omas se porte bien.
Juve, pourtant, avait empoign'e l’Am'ericain par les 'epaules et le secouait fortement :
— Fant^omas se porte bien ? ah c`a, vous ^etes fou ? Et que venez-vous m’apprendre ? Mais, parlez donc, nom d’un chien, parlez, parlez donc ! Vous me faites mourir !
Backefelder, cependant, 'eclatait de rire. Il se d'egagea de l’'etreinte de Juve, le repoussa doucement :
— Je vous r'epondrai, faisait-il, quand vous cesserez de me secouer comme un arbre et quand vous serez tranquillement assis derri`ere votre bureau, pr^et `a m’entendre comme un gentleman que vous ^etes.
— Parlez, je suis tout oreilles.
Or, Backefelder venait de tirer son portefeuille et tendait `a Juve une feuille de papier blanc, puis un stylographe :
— Cher monsieur, faisait-il, j’ignorais que j’aurais la bonne fortune de vous rencontrer chez vous et je m’'etais muni de ces accessoires indispensables `a l’accomplissement de ma mission si je vous avais rencontr'e dehors. Veuillez donc avoir l’obligeance, poursuivait Backefelder, de prendre ce stylographe et d’'ecrire, de votre plus belle 'ecriture, l’adresse de la fille de Fant^omas. Vous mettrez cette lettre sous enveloppe, vous cachetterez si vous n’avez point confiance en ma discr'etion, et je porterai le tout au Roi du Crime.
Mais, assur'ement, Backefelder e^ut parl'e chinois qu’il e^ut 'et'e mieux compris de Juve. Le policier, en effet, `a la demande plus que surprenante qui lui 'etait formul'ee, pensait que la raison l’abandonnait et qu’il 'etait victime d’une invraisemblable hallucination.
— Bon sang ! hurla Juve, que venez-vous me demander l`a ? O`u est la fille de Fant^omas ? Pourquoi ? C’est Fant^omas qui vous envoie ? S’imagine-t-il que je vais ainsi le renseigner ?
Backefelder, cependant, conservait son calme imperturbable :
— Il se l’imagine, r'epondait-il, et il n’a point tort, monsieur Juve, car voici la commission dont je suis charg'e.
— Mais, o`u est-il, Fant^omas ? interrompit Juve, sacr'e nom d’un chien, dites-moi o`u il est ! Il faut en finir !
Juve n’acheva pas. Tr`es ma^itre de lui, Backefelder avait eu un petit signe de la main qui marquait combien il lui semblait absolument impossible de donner satisfaction `a la curiosit'e du d'etective.
— Juve, vous oubliez nos conventions.
— Quelles conventions, Backefelder ?
— Les conditions dans lesquelles je me trouve, si vous le pr'ef'erez… Je vous ai d'ej`a dit que j’entendais ne faire oeuvre ni de policier ni de bandit. Je ne trahirai pas plus Fant^omas vis-`a-vis de vous que je ne vous trahirai vis-`a-vis de Fant^omas. Je vais de l’un `a l’autre, voil`a tout, en amateur. C’est par exception que j’ai accept'e de me charger d’une ambassade aupr`es de vous.