Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Si l’on me demande, avait murmur'e le journaliste, on ne me trouvera pas et voil`a tout. Zut ! j’en ai assez de travailler, je baptise dimanche le jour qui vient et je fais la grasse matin'ee.
Fandor devait avoir, `a coup s^ur, grand besoin de repos pour agir ainsi. Couch'e au petit jour, il dormit tranquillement, sans prendre conscience des heures, longtemps, tr`es longtemps.
— Cinq heures ! s’exclama Fandor, r'eveill'e. Ca n’est pas possible, ma montre est arr^et'ee ! Tant pis, d'eclara froidement Fandor, je ne passerai pas `a la Bourse, aujourd’hui. Mais avoir trouv'e un cheval dans les rues de Paris, songeait-il, c’est d'ej`a int'eressant. J’ignore si on me le rendra dans un an et un jour, `a la facon d’un vulgaire trousseau de cl'es n’ayant pas 'et'e r'eclam'e. Mais, c’est insuffisant. Ma soir'ee d’hier m’a appris autre chose, m’a fait faire d’autres d'ecouvertes. N’emp^eche. Qui diable est la femme qui a enfourch'e ce cheval pour s’enfuir ? Il faut que je le sache et, ventre du diable ! je le saurai.
Fandor n’'etait pas breton, mais e^ut assur'ement m'erit'e d’^etre n'e dans la p'eninsule armoricaine, vu la duret'e de son cr^ane, ins'eparable, dit-on, de l’ent^etement.
— Je saurai qui est cette femme.
Il prononca cette phrase `a plus de dix reprises cependant qu’il s’habillait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Les recherches que le journaliste m'editait d’entreprendre 'etaient difficiles `a mener `a bien. Les apaches sont si nombreux `a Paris, la population louche du boulevard de Grenelle est si vagabonde aussi qu’il paraissait `a peu pr`es illusoire de vouloir retrouver la femme qui l’intriguait si fort. Mais Fandor 'etait ent^et'e.
Fandor, d’ailleurs, dans l’espoir de rencontrer celle qu’il cherchait, n’avait pas ourdi un plan bien compliqu'e. Il poss'edait ce flair sp'ecial qui est celui des agents de la S^uret'e, des policiers, des chasseurs aussi, il devinait, e^ut-on cru, o`u pouvait g^iter le gibier sur les traces duquel il s’acharnait.
— La bande a fait de l’argent, hier soir, s’'etait dit Fandor, car la sacoche 'etait bien garnie. Ils ont 'et'e la boire, assur'ement, ils boiront encore ce soir, et c’est `a table ou devant un comptoir que je rencontrerai mon monde.
Fandor, avec une belle tranquillit'e, se rendit alors au commissariat de police du boulevard de Grenelle. Il y trouva un brigadier un peu plus 'eveill'e que celui qu’il avait entretenu la veille et se fit indiquer par lui les bouges mal fam'es qui restaient ouverts le plus tard dans la nuit.
Puis, nanti de ce renseignement pr'ecieux, l’^ame assur'ee, la d'emarche fort calme, Fandor se rendit dans la rue du Th'e^atre et, m'ethodiquement, commenca `a visiter les bars interlopes.
Il entra dans dix cabarets diff'erents, but, et fit semblant de boire mais sans r'esultat. `A minuit, Fandor d'esesp'erait presque de r'eussir `a retrouver un membre quelconque de la bande, mais, en revanche, il 'etait devenu l’ami d’un brave chiffonnier qu’il avait invit'e `a l’accompagner, auquel il avait pay'e de nombreuses tourn'ees, et qui, les ayant bues consciencieusement, se trouvait plus qu’aux trois quarts dans les vignes du Seigneur.
— Mon poteau, d'eclarait l’homme en serrant tendrement le bras de Fandor qui le remorquait le long des arcades du m'etropolitain, je ne sais pas ce que tu fais dans le civil, mais, dans le militaire, s^ur que t’aurais 'et'e un rude chasseur d’Afrique. Allons boire un verre !
— Allons boire un verre, r'epondit Fandor. Et, en m^eme temps, le journaliste songeait :
— Ah c`a, nom d’un chien, il est in'epuisable ce bonhomme-l`a, c’est le Bottin des marchands de vin. Nous sommes entr'es dans plus de cinquante mastroquets, et il en conna^it toujours.
Ils avaient en effet visit'e des bouges `a soldats, comme il n’en manque pas autour du quartier Dupleix, puis ils avaient gagn'e d’infects zincs le long du boulevard et, maintenant, le chiffonnier guidait Fandor dans des caveaux empuantis, 'elev'es au fond de cours infectes, o`u la police ne devait jamais se risquer.
Fandor, avec un petit frisson, car, v'eritablement, l’endroit 'etait sinistre, entra derri`ere le chiffonnier dans la derni`ere cave que celui-ci lui indiquait. Ce n’'etait plus m^eme un bistrot, c’'etait tout ce que l’on voulait : hangar, caverne, cave, souterrain, n’importe quoi. Il y avait l`a, sur des planches entaill'ees, de grands tonneaux appuy'es l’un sur l’autre. On prenait un verre et on le remplissait au robinet, on se so^ulait librement, pour un prix fixe, pay'e `a l’entr'ee.
— C’est des crus de Bourgogne, annonca le chiffonnier d’un ton confidentiel.
Ainsi le journaliste avait `a peine franchi le seuil de ce bouge ignoble qu’il avait 'eprouv'e un v'eritable saisissement en apercevant, parmi la foule d’hommes et de femmes qui se trouvaient d'ej`a r'eunis l`a, qui ? L’apache B'eb'e.
Fandor, bien entendu, avant de sortir de chez lui, s’'etait d'elicatement fait une t^ete qui ne rappelait son propre visage que de fort loin.
Deux sourcils postiches, une moustache coll'ee, un coup de crayon gras sous les yeux l’avaient suffisamment chang'e. N’emp^eche, il avait tressailli en reconnaissant B'eb'e.
B'eb'e, mais c’'etait l’un des lieutenants de Fant^omas, l’un des plus cruels, des plus f'erocement sanguinaires parmi ceux qui avaient jadis travaill'e avec le bandit, qui 'etaient toujours pr^ets, sans doute, `a se grouper encore `a ses c^ot'es, si d’aventure il r'eapparaissait pour enr^oler les soldats de l’arm'ee du crime.
— B'eb'e, murmura Fandor, oh, oh, est-ce que par hasard ?
`A la lueur fumeuse d’une petite lampe, le journaliste venait d’apercevoir, derri`ere une futaille, toute une s'erie d’individus dont la seule vue le frappait de stupeur. Ils 'etaient tous l`a, les bandits redoutables, les compagnons de Fant^omas. Et Fandor, reconnaissait : Bec-de-Gaz, OEil-de-Boeuf, Ad`ele, Marie Legall, la petite bonne du bureau de placement Thorin, tous, toutes.
— Jour de ma vie, murmura Fandor, est-ce que je ne vais pas voir Fant^omas ?
Mais ce n’'etait pas lui qu’il apercut soudain et qui le fit bl^emir. Non. De l’ombre, une femme venait de sortir, joyeuse, esquissant un pas de danse.
Cette femme, Fandor ne la connaissait pas, il ne l’avait jamais vue, mais elle avait dit une parole qui ne lui permettait pas de se tromper sur son identit'e :
— Ah, mince alors, s’'etait-elle 'ecri'ee, j’en rigole encore comme une bossue, quand je pense `a la gueule du receveur, au moment o`u je raclais le flouse.
C’'etait donc elle, la femme qui s’'etait enfuie la veille au soir avec une si grande habilet'e, une si stup'efiante audace ?
— Bougre ! se dit Fandor, soudain furieux, je m’'etais bien fichu le doigt dans l’oeil.
Et, en m^eme temps, une m'elancolie soudaine lui serrait le coeur. Certes, il 'etait content que ce ne f^ut pas H'el`ene, qui, la veille au soir, avait vol'e le malheureux receveur. Il pr'ef'erait de beaucoup que ce f^ut une inconnue, mais cependant, en recherchant cette femme, cette femme qui avait audacieusement enfourch'e un cheval apeur'e, Fandor avait eu continuellement devant les yeux l’image de la fille de Fant^omas. C’'etait `a elle qu’il avait pens'e, c’'etait elle qu’il avait voulu retrouver, elle qu’il aimait, elle qui 'etait loin de ses yeux et toujours si pr`es de son coeur.