Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
L'eon Drapier 'etait tr`es 'emu, Mix demeurait calme.
— Eh, je l’esp`ere bien ! riposta le policier, qu’on s’apercevra de la disparition de ce chapeau !…
Puis, prenant le directeur de la Monnaie par les revers de son veston, il lui expliquait brusquement :
— Mais comprenez donc mon plan sapristi !… En ce moment, toutes ces affaires sont claires, et toutes ces affaires tendent `a conclure `a votre culpabilit'e. Bon, qu’est-ce que je fais, moi ? J’embrouille tout. Quand j’aurai tout embrouill'e, il est 'evident que l’on ne comprendra rien `a ce qui s’est pass'e. Et, quand on n’y comprendra plus rien, on ne pourra pas vous soupconner…
Mix, en r'ealit'e, embrouillait en effet les choses de facon extraordinaire. Quelques instants plus tard, comme il indiquait `a L'eon Drapier qu’il 'etait temps de se retirer si l’on ne voulait pas s’exposer `a une rencontre avec la magistrature officielle, susceptible de venir perquisitionner `a midi, Mix continuait :
— Et maintenant, toute la lyre !… Nous allons faire les traces d’un nouvel attentat !
Le policier allait c'er'emonieusement fermer la porte de la chambre de Paulette, puis il tirait de sa poche le revolver que lui avait confi'e Drapier et, tranquillement, l^achait cinq coups dans les battants de bois apr`es s’^etre assur'e toutefois que l’arme 'etait de petit calibre et n’allait pas faire un bruit tel qu’on p^ut s’en 'emouvoir dans l’immeuble.
— Voil`a ! d'eclarait alors Mix en se frottant les mains. Si maintenant la magistrature arrive `a vous faire endosser la responsabilit'e de ce crime-l`a, je veux bien ^etre pendu !…
Les deux hommes sortirent de l’appartement sans encombre, Mix 'etait arriv'e, habile d’une mani`ere remarquable, `a fermer la porte qui ne pr'esentait m^eme point de traces d’effraction.
— O`u allons-nous, maintenant ? demanda L'eon Drapier.
Le pauvre homme 'etait toujours quelque peu ahuri.
L’extraordinaire enqu^ete que venait de faire en sa compagnie le policier Mix avait achev'e de lui faire perdre le peu de sang-froid qui lui restait. Il sursauta en 'ecoutant la r'eponse du policier :
— Bon ! disait Mix, nous venons de r'egler une premi`ere affaire, nous venons d’embrouiller `a merveille la tentative d’assassinat dont a 'et'e victime votre ma^itresse ; reste encore le crime de votre valet de chambre. Nous retournons chez vous, cher monsieur, nous allons faire `a votre appartement exactement ce que nous avons fait ici. M^eler tout, brouiller tout, rendre tout ind'echiffrable !…
L'eon Drapier, cependant, sursautait encore :
— Mais, protestait-il, cela n’est pas possible, `a la fin !… Votre audace me bouleverse !… Monsieur Mix, vous ignorez que, chez moi, tout a 'et'e mis sous scell'es, il y a les scell'es sur la porte de la pi`ece o`u l’on a retrouv'e le cadavre…
— Eh bien ? demanda Mix.
— Eh, bien, l’on n’entre pas !…
Mix, pour toute r'eponse, haussait les 'epaules, et fouillait dans sa poche de facon significative.
Il en tira une bande de toile, de la cire rouge, une sorte de cachet aussi.
— Les scell'es, mon cher monsieur, expliquait Mix, cela s’enl`eve et cela se remplace. Vous voyez que j’avais pr'evu la difficult'e et que j’ai le mat'eriel n'ecessaire !
Mix 'eclatait d’un petit rire discret, probant t'emoignage de sa parfaite tranquillit'e d’^ame, il frappait brusquement sur l’'epaule du directeur de la Monnaie.
— Mais ne vous faites donc pas de mauvais sang ! affirmait Mix. Puisque je vous dis qu’on trouvera le coupable et que je vous sauverai !
Cet 'etrange et audacieux policier parlait avec un tel sang-froid, une si compl`ete assurance que L'eon Drapier finit par hocher la t^ete, r'epondant `a voix basse :
— Ah ! monsieur Mix, cher monsieur Mix, je serais joliment content si vous pouviez dire la v'erit'e, et je vous remercie de tout mon coeur de ce que vous faites pour moi !…
X
Au zanzibar
— Et alors, p`ere Martin ? Quel num'ero c’est-il, celui-l`a ?
— Comment, p`ere Jules ! Vous n’le r’connaissez pas ? C’est le num'ero quatre…
— Ah oui ! Celui que vous avez depuis six mois !…
— Celui-l`a m^eme, p`ere Jules. Et, entre parenth`eses, j’esp`ere bien l’garder six mois encore !
Jules, le facteur, en 'ecoutant cette r'eponse, ne retenait pas un grand 'eclat de rire joyeux.
— Farceur !… faisait-il. Vous n’allez pourtant pas me jurer que vous pleureriez toutes les larmes de votre corps si le num'ero quatre allait faire un tour au cimeti`ere !…
L’id'ee devait ^etre plaisante, car le p`ere Martin 'eclatait de rire, d’un grand rire de brave homme.
— Ma foi, ripostait-il, le fait est que j’me moque pas mal qu’ils claquent, en g'en'eral, mes num'eros !… Mais en ce moment, tout de m^eme, cela me ferait deuil de voir filer celui-l`a… L’Assistance devient d’plus en plus s'ev`ere, y a des tourn'ees d’inspection, et j’ai comme une id'ee qu’y va falloir qu’on soit un peu s'erieux dans le pays !
Il riait encore, puis il proposait :
— Un verre de vin, p`ere Jules ?
— Si vous voulez, p`ere Martin !
Le p`ere Martin leva son 'enorme main calleuse et, d’une gifle formidable, 'eveilla l’attention du num'ero quatre.
— Allez, ouste !… deux verres, et la bouteille ! Tu m’comprends, hein ? T^ache voir `a filer droit !
Le num'ero quatre 'etait un garconnet de six `a sept ans qui avait bien la plus d'elicieuse figure que l’on p^ut imaginer. C’'etait un v'eritable ch'erubin `a la chevelure blonde, toute boucl'ee, aux grands yeux bleus innocents, `a l’air intelligent, qui sans doute e^ut 'et'e un charmant enfant s’il n’avait paru vivre perp'etuellement dans une angoisse profonde, le bras `a demi lev'e `a la hauteur du visage, et cela pour 'eviter, autant qu’il le pouvait, les gifles, les taloches dont il 'etait incessamment gratifi'e.