Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— M me Poucke ? disait-elle, on n’a pas ca dans la maison…
Alors Martin se frappa le front d’un air d’intelligence.
— Ah mais, c’est vrai ! reprenait-il, je m’gourre… on m’a donn'e un aut’nom, attendez voir…
Il sortit de sa poche un carnet crasseux, il mouilla son doigt, feuilleta longuement les pages. Soudain, il tressaillit de satisfaction.
— Ah, voil`a !… fit-il. Pardon, erreur, excuse… C’est moi que j’me gourrais en effet. C’est pas M me Poucke que j’viens voir, c’est une dame Paulette, Paulette de Valmondois.
La concierge, cette fois, parut fort int'eress'ee.
— Tiens ! fit-elle, curieusement. Pourquoi alors que vous l’appeliez Poucke ?
— Parce que c’est le nom de son gosse, fit le p`ere Martin. La dame nous a pr'evenus, rapport `a la d'eclaration. Mais elle… c’est pas Poucke, qu’elle s’appelle, c’est Valmondois…
Et il disait cela en riant, l’air amus'e, tout gaillard `a la pens'ee qu’'evidemment M me de Valmondois s’appelait Poucke en r'ealit'e et qu’elle avait pris un nom de guerre.
La concierge, de son c^ot'e, examinait le gosse avec des airs int'eress'es, des regards qui luisaient d’amusement.
— Et c’est son fils ? demandait-elle. Tout d’m^eme, c’est-y rigolo, quand on a des gosses, de n’pas les 'elever soi-m^eme !… Moi, tenez j’ai qu’un chien, mais j’m’en s'eparerais pas !
Le p`ere Martin, `a ce moment, ne savait trop que r'epondre. Il ne voulait pas s’engager.
— Oh, c’est selon ! fit-il. Chez nous, l’m^ome, n’'etait pas malheureux. D’abord, on aime les gosses. Hein, c’est pas vrai, ca ? Dis bonjour `a la dame, Gustave !
L’enfant ne broncha pas naturellement. Il 'etait si bien habitu'e `a ^etre appel'e num'ero quatre qu’il ignorait `a peu pr`es son pr'enom.
Martin, pourtant, s’ent^etait. Par habitude, il gifla le m^ome.
Mais la concierge, `a ce moment, l’interpellait :
— Eh, laissez-le donc ! faisait-elle. On ne conna^it pas la politesse, `a son ^age !
Puis, appuy'ee sur son balai, elle demandait encore :
— Alors, comme ca, vous le menez voir sa m`ere ? Vous vouliez parler `a M me de Valmondois ?
— Oui. Elle est l`a ?
— Non, riposta tranquillement la concierge. Elle a 'et'e assassin'ee, elle est `a l’houstot.
— Nom de Dieu !… s’'etonna Martin. Elle est `a l’h^opital !… Ah ! c’est bien ma veine !
Et, de col`ere, il ass'ena au gosse une formidable gifle.
— Bon sang ! vas-tu finir de chialer, toi ?… Que j’t’entende encore et tu vas pleurer pour quelque chose !
Puis il interrogea, la voix tremblante :
— Non, vrai, c’est pas des blagues ? Vous dites qu’elle est `a l’houstot ?
Une heure plus tard, dans un bouge du boulevard de la Chapelle, on faisait vacarme, on applaudissait, on riait, on semblait s’amuser ferme.
Il y avait l`a toute une bande de braves gens qui n’'etaient autres que : OEil-de-Boeuf, Bec-de-Gaz, D'egueulasse, Fumier, Mon-Gnasse, d’autres encore.
Les femmes n’'etaient pas les moins nombreuses. La Puce s’appuyait sur l’'epaule de Gueule-de-Bois. Ad`ele, un peu plus loin, se disputait ferme avec la Grande Lucie, qui, la veille au soir, avait voulu lui prendre sa place sur le trottoir.
Au comptoir, enfin, l’Empoisonneur tr^onait, les manches relev'ees jusqu’au coude, remuant d’un air las, dans une cuve pleine d’eau sale, de petits verres.
Il r'egnait chez ce mastroquet une chaleur 'etouffante. Un parfum de tabac se m'elangeait `a des relents d’alcool et tout semblait poisseux, comme humide de liqueur renvers'ee.
Quelques instants plus t^ot, l’assembl'ee avait accueilli avec des cris de satisfaction l’entr'ee de deux personnages qui n’'etaient autres que Martin et le num'ero quatre.
Martin n’avait pas toujours 'et'e le nourricier de Longjumeau. Longtemps, il avait, aux Halles, rempli les fonctions de balayeur. Il 'etait connu, estim'e, on savait que par deux fois il avait fractur'e la caisse d’un mara^icher et que, s’il avait 'et'e cass'e de son emploi, c’'etait qu’un beau soir, 'etant ivre, il avait, pour un pari ridicule, `a moiti'e assomm'e un bourgeois en lui jetant sur la t^ete, du haut du pavillon, un 'enorme sac de carottes.
Martin avait conserv'e des amis parmi les poteaux de la Villette, comme parmi les gars des Halles. On le voyait rarement, mais quand il apparaissait on lui faisait toujours f^ete.
— Ah ! bon Dieu ! criait l’Empoisonneur, patron du bouge, qui poss'edait une extraordinaire voix et ne quittait jamais l’abri de son comptoir de zinc. Voil`a l’Ours !
On s’'etait alors lev'e en d'esordre, on avait couru au p`ere Martin dont le sobriquet 'etait 'evidemment assez compr'ehensible.
— Non, ma vieille ! criait-on. Pas possible !… C’est toi qui rappliques ?… Et alors, quoi de neuf ? Et ta gonzesse ?… Et tes m^omes ?… C’est un produit, que tu nous am`enes ?
Tout heureux de se retrouver dans une atmosph`ere amicale, Martin avait serr'e les mains tendues, affirm'e qu’il n’y avait rien de neuf, que sa gonzesse engraissait toujours et que le num'ero quatre 'etait en effet un produit de son 'elevage.
— Et puis, c’est pas tout ca ! concluait-il. J’ai une thune qu’y faut que j’casse, aboulez des vertes, l’Empoisonneur ! C’est ma tourn'ee pour les aminches !
Instantan'ement, une formidable beuverie s’organisait alors. L’absinthe remplissait les grands verres, on trinquait, on causait, on 'echangeait des nouvelles, cependant que les tourn'ees succ'edaient aux tourn'ees, personne ne voulant ^etre en reste et chacun tenant `a offrir la sienne.