Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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M lle Berthe se rangea pour laisser passer une civi`ere dont le drap se tachait de rouge.
— Une h'emorragie ? demandait-elle.
— Oui, fit l’un des porteurs.
Et il confiait, dans un sourire :
— Para^it que c’est une gaffe, un coup de bistouri de trop !
M lle Berthe eut un sourire. Elle escomptait imm'ediatement, apr`es cette confidence, l’un de ces scandales qui, de temps `a autre, divertissaient tout l’h^opital, c’est-`a-dire une maladresse d’un chirurgien amenant, dans de f^acheuses conditions, la mort d’un op'er'e.
— Qui traitait ? demandait-elle.
Mais la question s’arr^eta net sur ses l`evres. Un homme, en grand tablier blanc, la t^ete coiff'ee d’une calotte noire, entour'e d’une dizaine de jeunes gens 'egalement v^etus de blanc, sortait d’une des salles d’op'eration. C’'etait le Dr Tillois. Il professait encore :
— Vous avez vu, messieurs, le terrible danger de la r'esection que je tentais ce matin. L’h'emorragie qui s’est d'eclar'ee 'etait impossible `a pr'evoir, mon diagnostic 'etait exact, mais le pronostic doit ^etre d'esormais des plus r'eserv'es.
`A cet instant, le chirurgien apercevait M lle Berthe.
— Allons, faisait-il, qu’est-ce que vous faites ici `a tra^iner ? Est-on arriv'e `a la chambre 24 ?
— Je ne sais pas, monsieur le professeur. Justement, j’y vais.
— Bien, d'ep^echez-vous, dites que j’arrive tout de suite.
M lle Berthe, d`es lors, ne fl^anait pas davantage. Se sentant poursuivie par le regard inquisiteur du professeur Tillois, qui, suivant ses propres expressions, ne la gobait pas beaucoup, M lle Berthe se mettait `a courir.
Elle entrait dans une grande salle, claquait la porte, se faufilait entre les lits.
Tillois, avant de gagner la salle d’op'eration, avait d^u passer la visite et examiner les op'er'es de la veille. On achevait de faire les pansements. C’'etait, dans la salle, le terrifiant concert des hurlements que la souffrance arrache aux plus courageux. Des internes s’occupaient `a replacer les appareils, cependant que des infirmi`eres, debout derri`ere eux, leur passaient les outils n'ecessaires, les pinces `a ligatures, les flacons d’antiseptiques, les tas d’ouate, les longues bandes de tarlatane.
M lle Berthe ne pr^etait m^eme pas attention aux cris qui montaient de toutes parts. Simplement, elle interrogeait du regard un lit dont les rideaux 'etaient baiss'es.
— Tiens, le 13 est claqu'e ! pensa-t-elle.
Elle demandait confirmation `a une coll`egue qui la croisait, affair'ee.
— Il a mis l’arme `a gauche, le fr`ere ?
— Oui, cette nuit.
M lle Berthe eut encore un petit 'eclat de rire.
D'ecid'ement la veine tournait. Tillois n’avait pas de chance, ce matin. Une h'emorragie `a la salle d’op'eration et un d'ec`es pour les op'erations de la veille, le pourcentage serait mauvais, d’autant que le cas 'etait simple `a cet endroit. Qu’est-ce qu’il avait donc bien pu avoir, le 13 ? On le croyait tir'e d’affaire.
M lle Berthe quitta la salle, claqua encore la porte vitr'ee sans pr^eter attention aux hurlements de douleur qu’elle occasionnait par la brusquerie de ses mouvements.
— Quel gueulard ! pensait M lle Berthe, haussant les 'epaules `a la plainte d’un pauvre diable dont on avait, quelques jours auparavant, r'eduit une fracture au bassin.
Hors de la salle, M lle Berthe s’engagea dans un petit couloir qui conduisait `a une s'erie de chambres affect'ees aux besoins du service.
C’'etaient les chambres d’isolement. On couchait l`a les malades qui ne pouvaient s’accommoder de la salle commune, ceux dont l’'etat 'etait d'esesp'er'e, ceux aussi dont la convalescence exigeait des pr'ecautions extr^emes.
M lle Berthe croisa au passage deux hommes graves qui paraissaient chercher leur chemin avec peine.
— J’arrive `a temps ! pensa l’infirmi`ere.
Elle voulut d'epasser les deux inconnus, mais ceux-ci l’arr^et`erent :
— S’il vous pla^it, demandait l’un d’eux, avec une grande politesse. Pouvez-vous nous indiquer, mademoiselle, la chambre 24 ?
Et il se nommait, 'eprouvant le besoin de justifier sa pr'esence en pareil endroit :
— Je suis le juge d’instruction, et je viens proc'eder `a un interrogatoire.
— Veuillez me suivre, messieurs.
M lle Berthe pr'ec'eda les magistrats. Elle les conduisit jusqu’`a la porte d’une chambre, elle se retourna pour les avertir.
— Voulez-vous attendre quelques instants, messieurs ? La r`egle de la maison exige la pr'esence du chirurgien de service. M. Tillois est pr'evenu, il sera ici dans quelques instants.
— C’est fort bien, mademoiselle, c’est fort bien.
Et le personnage qui s’'etait donn'e pour le juge d’instruction s’inclinait, cependant que son compagnon, un petit vieillard `a lunettes, avait un geste d’assentiment.
M lle Berthe entra dans la chambre.
La pi`ece avait bien cette allure, `a la fois banale et tragique, qui caract'erise les chambres d’h^opital.
Elle 'etait tout simplement meubl'ee d’un grand lit de fer, au-dessus duquel pendait, attach'ee au plafond, une corde termin'ee par une poign'ee.
Il 'etait impossible, en entrant dans cette pi`ece, de ne pas comprendre que ceux-l`a seuls qui souffraient, qui risquaient de mourir, consentaient `a habiter un pareil endroit. Aussi bien qui donc aurait pu dire combien de mains crisp'ees s’'etaient accroch'ees `a cette corde, combien de corps douloureux avaient essay'e de se soulever en s’agrippant `a elle ?
M lle Berthe, du premier coup d’oeil examinait la malade couch'ee dans le lit et immobile.
— Comment ca va, ce matin ? demandait-elle par habitude de m'etier.