Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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L’infirmi`ere qui, d’ordinaire, avait le visage quelque peu s'ev`ere et se montrait toujours un tantinet brutale, souriait `a ce moment et paraissait toute douce et de fort bonne humeur.
— Monsieur le docteur, demandait-elle, est-ce qu’on peut faire entrer ? Justement on vient de demander au service des nouvelles de la bless'ee et on lui am`ene son fils `a embrasser.
Si M lle Berthe, en effet, avait un visage tout souriant, contrairement `a son habitude, c’est qu’elle tenait par la main un bambin qui n’'etait autre que le petit Gustave, celui-l`a m^eme que le p`ere Martin avait jou'e au zanzibar et dont il s’'etait d'ebarrass'e sous pr'etexte que ses mois de nourrice n’'etaient pas r'eguli`erement pay'es.
M lle Berthe, comme toutes les pierreuses de la veille, venait d’^etre touch'ee par la gr^ace de l’enfant qu’elle tenait par la main.
— On peut laisser entrer ? r'ep'eta-t-elle.
Le Dr Tillois eut un geste de m'econtentement.
— C’est insupportable ! d'eclarait-il. Cela va encore la fatiguer. Enfin, faites entrer son gosse, qu’il l’embrasse et qu’il s’en aille !
La permission 'etait donn'ee, c’'etait tout ce que voulait M lle Berthe. Elle prenait le bambin dans ses bras, elle s’approchait du lit.
Paulette de Valmondois, cependant, 'evidemment 'epuis'ee par les efforts qu’elle avait faits pour 'ecouter le juge d’instruction et lui r'epondre, avait ferm'e les yeux.
— Tenez ! appela l’infirmi`ere, regardez qui vient vous voir !…
Et elle penchait le gosse sur le lit.
Alors, l’ordinaire miracle de l’amour maternel se produisit. Il parut brusquement que Paulette reprenait conscience d’elle-m^eme, qu’elle recouvrait une subite sant'e. Ouvrant les yeux, elle avait apercu le visage de son fils. Le petit la reconnaissait `a peine, vaguement effray'e par cette dame qui 'etait si p^ale et qui bougeait si peu.
Paulette, elle, le mangeait litt'eralement des yeux.
— Oh, mon ch'eri ! murmurait-elle. Comme je suis contente de te voir !…
Et Paulette ajoutait, pensant au p`ere et `a la m`ere Martin, ne pouvant se douter de la v'erit'e :
— Quels braves gens, tout de m^eme… Ils ont d^u lire le drame dans les journaux, ils ont conduit le petit m’embrasser…
Elle s’agitait cependant, et le Dr Tillois s’en apercevait.
— Assez ! ordonnait-il. Allons, embrassez-le encore une fois, et qu’il s’en aille…
L’infirmi`ere allait d'ej`a remporter le petit Gustave lorsque celui-ci, brusquement, paraissait se souvenir d’une lecon apprise et r'ecitait des paroles qui avaient d^u lui ^etre r'ep'et'ees sur tous les tons :
— Tiens, madame, commencait-il, on m’a dit de te dire bonjour et de te donner ca, c’est pour toi !
Il levait sa petite main, il tendait un humble bouquet de violettes.
Alors Paulette de Valmondois oublia son mal, son inqui'etude et ses souffrances. Elle prit le bouquet de violettes que lui apportait son fils, elle l’approcha de ses l`evres, elle le huma avec transport.
— Ah, mon amour !… commenca Paulette.
Mais la parole s’arr^eta sur ses l`evres. Brusquement, ses yeux se r'evulsaient. Le bouquet qu’elle tenait encore tombait sur le sol.
Et, tandis que l’infirmi`ere, effray'ee, se rejetait en arri`ere, posait le petit Gustave sur le sol en lui disant :
— Ne bouge pas !
Le Dr Tillois se pr'ecipitait vers Paulette.
— Nom de Dieu ! jura le praticien.
Il oubliait en un instant sa pose, sa morgue d’homme savant, toute son attitude de grand m'edecin.
— Nom de Dieu !… fit-il encore.
Il s’'etait pench'e sur le visage de Paulette ; du pouce, il soulevait les paupi`eres retomb'ees.
Alors, il eut un cri de rage :
— Syncope foudroyante… mort subite… Ah, sapristi !…
Puis, un instant plus tard, le Dr Tillois se relevait :
— Ah, ca, murmurait-il, il y a d'ej`a la coloration de l’orbite ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Un empoisonnement ?
Le juge d’instruction tremblait de tous ses membres, M lle Berthe 'etait blanche d’'emotion.
Brusquement, des cris percants retentirent.
C’'etait le petit Gustave qui avait pris peur et qui 'eclatait en sanglots. M lle Berthe alors emporta l’enfant. Le Dr Tillois le suivit pensivement des yeux.
— Ah c`a, grommelait-il, est-ce donc lui, l’assassin ?
Une heure apr`es, le Dr Tillois se trouvait dans son laboratoire. Il avait le visage masqu'e et le pr'eparateur qui l’aidait 'etait masqu'e, lui aussi.
Devant eux, dans des fioles remplies de r'eactif, des violettes mac'eraient.
Ils paraissaient fort 'emotionn'es. Depuis trois quarts d’heure, le chirurgien n’avait pas dit un mot. Enfin, il rompit le silence :
— C’est abominable ! d'eclarait le Dr Tillois. Il n’y a aucun doute `a conserver, et c’est `a croire que nous sommes revenus `a l’'epoque des Borgia… Cette Paulette de Valmondois est morte empoisonn'ee, empoisonn'ee par les fleurs que lui a apport'ees son fils… Qui donc envoyait l’enfant, par exemple ?
Le pr'eparateur ^otait son masque, il eut un geste de doute :
— Ca, c’est plus curieux, remarquait-il. J’ai vu M lle Berthe il y a un quart d’heure, il para^it que c’est une femme qui a amen'e le petit, mais cette femme a disparu… Personne ne sait ce qu’elle est devenue…
— Naturellement ! dit Tillois.
Le chirurgien, `a deux reprises, se passait la main sur le front.
— C’est abominable ! murmurait-il. Un crime comme cela, cela vous donne le frisson !…
Et le grand chirurgien, le c'el`ebre Dr Tillois, celui-l`a m^eme qui, par ses op'erations os'ees, tentait la mort chaque jour, ne pouvait s’emp^echer de p^alir.