Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Or, `a un moment donn'e, Firmain, qui pr^etait l’oreille, laissa 'echapper une exclamation.
— Ca y est, voil`a la roulante de Rosny-sous-Bois !
Il avait reconnu – au coup de timbre – le tramway venant de cette localit'e.
D`es lors il sortit de derri`ere sa cachette, revint dans la direction de l’escalier m'etallique qui acc'edait `a la berge.
Puis il attendit un homme qui pr'ecis'ement `a ce moment le descendait et, lorsque ce personnage fut arriv'e `a quelques pas de lui, Firmain, touchant du doigt sa casquette, articula ces simples mots :
— Salaud ! salut !
Le nouveau venu r'etorquait alors :
— Salut ! salaud !
Et apr`es cet 'echange de propos qui, 'evidemment, constituait un signal et un moyen de se reconna^itre, les deux hommes s’'ecart`erent de l’escalier et descendirent le long du quai, fort 'etroit, jusqu’au bord de la Seine.
Le personnage qui 'etait venu rejoindre Firmain 'etait un solide gaillard aux 'epaules carr'ees. Son visage paraissait ras'e, il 'etait toutefois difficile d’en apercevoir les traits, car le col de son manteau 'etait relev'e jusqu’au dessus de ses oreilles et son chapeau mou `a large bord abaiss'e sur ses yeux.
— Alors, interrogea-t-il `a br^ule-pourpoint, m’as-tu fait le plan de la t^ole ?
Pour toute r'eponse Firmain sortait de sa poche un papier sur lequel figurait, dessin'ee `a la h^ate, mais avec exactitude, la r'epartition exacte d’un appartement, avec de gros traits bleus figurant les portes et les fen^etres.
`A la lueur d’un bec de gaz, plac'e au-dessus d’eux sur le quai, les deux hommes examin`erent ce plan.
L’homme au visage dissimul'e demanda `a Firmain :
— O`u c’est que pieute la patronne ?
— Dans la carr'ee au fond du couloir…
— Et le singe ?
— Dans la t^ole `a c^ot'e du bureau !
— T’as les cl'es ?
— Probable ! Ne suis-je pas le domestique ? Alors, par cons'equent, j’ai la confiance !
L’homme au visage dissimul'e hocha la t^ete. Pendant quelques instants il demeura silencieux, puis il prof'era :
— Eh bien, mon vieux, d`es lors, on n’a plus rien `a se dire. Ah ! si ! tout de m^eme… Donne-moi une de tes cl'es… celle de l’escalier principal… et tu garderas celle de l’escalier de service, c’est plus naturel !
— Mais, interrogea Firmain, en h'esitant, pour quand c’est-y ? Pour ce soir ou plus tard ?
L’homme r'etorqua :
— T’occupe pas, tiens-toi pr^et… Le plus t^ot sera le mieux !
Les deux hommes alors se s'eparaient et, tandis que Firmain revenait rue de l’Universit'e, son interlocuteur, pour n’avoir point l’air de le suivre, regagnait le pont de la Concorde et regardait attentivement couler l’eau noire dans la nuit…
`A peu pr`es `a la m^eme heure, L'eon Drapier t'el'ephonait.
Sans doute avait-il obtenu la communication qu’il avait demand'ee avant le d^iner et qui paraissait tant lui tenir `a coeur, car il souriait d'esormais, faisait des gr^aces devant l’appareil.
Lorsqu’il eut raccroch'e le r'ecepteur, son visage 'etait rayonnant.
Puis, soudain, ses traits s’assombrirent :
— Ah ! sapristi ! fit-il, j’ai oubli'e de donner des instructions `a ce nouveau domestique au sujet de… pr'ecis'ement…
M. L'eon Drapier se promena de long en large dans son cabinet.
— C’est emb^etant, songeait-il, je n’aime pas quand c’est ma femme qui engage un valet de chambre… Il est 'evident que celui-ci me para^it fort bien… beaucoup trop bien, peut-^etre… Qu’est-ce qui lui a pris, `a Eug'enie, d’engager ce garcon-l`a ?… J’ai essay'e de lui faire peur en lui disant que cet homme avait un mauvais regard, elle qui est si peureuse `a l’ordinaire n’a pas eu l’air de s’en 'emotionner.
L'eon Drapier, qui venait d’ouvrir un tiroir, paraissait de plus en plus soucieux.
— Il n’y a pas `a dire… quelqu’un a fouill'e dans mon bureau. Ce d'esordre n’existait pas hier. Est-ce que, par hasard, Eug'enie se douterait de quelque chose ? Non ! pourtant, c’est impossible ! Et cependant…
L'eon Drapier se promenait encore, il avait l’air de plus en plus agac'e.
— Ca c’est vu… ca c’est vu, ces choses-l`a… J’ai une femme qui est capable de faire un coup pareil… et puis pour se renseigner, savoir ce qu’elle veut savoir, elle n’h'esiterait pas `a aller jusqu’`a introduire un espion chez moi… Oh ! si jamais cela 'etait, par exemple !… Je me montrerais tel que je suis ! Et c’est extraordinaire… J’en ai le pressentiment. Ce Firmain n’a pas une t^ete de domestique… Mais l`a, pas le moins du monde… Si c’'etait un espion ? un agent de police ? un mouchard ?…
II
Un mensonge grave…
Eug'enie Drapier s’'etait couch'ee, ce soir-l`a, un peu plus tard qu’`a l’ordinaire.
Minuit avait sonn'e depuis vingt minutes environ lorsqu’elle se mettait au lit. Non seulement en bonne ma^itres se de maison elle avait 'et'e surveiller les rangements effectu'es par son nouveau domestique, s’assurer que l’argenterie 'etait au complet, mais encore Eug'enie Drapier avait cru bon, une fois le personnel parti, de veiller plus minutieusement encore qu’`a l’ordinaire `a toutes les fermetures de la maison.
Elle avait v'erifi'e les persiennes, les verrous de la cuisine, comme ceux de la porte d’entr'ee.
Sachant son mari dans son cabinet de travail et certaine qu’il ne viendrait pas se moquer d’elle, l’'epouse du haut fonctionnaire n’avait pas d'edaign'e de s’agenouiller dans la salle `a manger et dans le salon pour regarder sous les meubles afin de s’assurer qu’ils ne dissimulaient personne de cach'e !
Le balcon et les grands rideaux, que l’on tirait sur les fen^etres du salon, avaient 'et'e l’objet 'egalement d’une visite minutieuse et sp'eciale.