Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Berthe, sa domestique, 'etait en effet malade, absente depuis quelques jours ; la cuisini`ere 'etait au septi`eme ainsi que le valet de chambre…
— Il faut que j’aille voir ! que je r'eveille mon mari ! que je sache ! songea M me Drapier.
Faisant effort sur elle-m^eme, elle s’arracha de son lit, passa une robe de chambre, chaussa des mules et, retenant sa respiration, r'eprimant les battements de son coeur, elle entreb^ailla doucement la porte de sa chambre.
Cette porte donnait sur le salon, un trou noir, le commutateur l’'eclairant 'etait 'eloign'e… M me Drapier n’osa s’avancer dans l’obscurit'e.
Elle revint sur ses pas et sortit par l’autre porte, celle qui donnait sur la galerie.
Elle pouvait illuminer cette derni`ere avant de s’y engager, elle le fit.
Les plafonniers lumineux 'etincel`erent, M me Drapier jeta un coup d’oeil inquiet dans le vaste couloir o`u rien ne semblait anormal.
Elle s’avanca lentement, glissant sur les tapis 'epais, regardant autour d’elle, avec des yeux 'ecarquill'es.
Par moments, elle s’arr^etait, 'ecoutait, elle n’entendait rien… puis reprenait sa marche.
Arriv'ee devant la porte de la chambre de son mari, elle appuya son oreille tout d’abord contre le panneau, dans l’espoir d’entendre quelques bruits `a l’int'erieur de la pi`ece.
Quelquefois son mari ronflait, mais cette fois-l`a le silence le plus absolu r'egnait.
D’une voix timide, 'etrangl'ee par l’'emotion, M me Drapier appela :
— L'eon !…
Elle r'ep'eta deux fois, trois fois, haussant la voix :
— L'eon, c’est moi ! Eug'enie !
Mais son mari devait dormir bien profond'ement, car aucune r'eponse ne lui parvenait.
Certes, M me Drapier savait que son mari, qui n’'etait gu`ere tendre pour elle, allait la recevoir fort mal et lui faire de s'ev`eres observations si elle le r'eveillait inutilement, n'eanmoins elle avait tellement d’'emotion, elle 'etait si certaine d’avoir entendu quelque chose, qu’elle r'esolut de passer outre et d’affronter la col`ere maritale.
Elle tourna le bouton de la porte, entra dans la chambre, alluma l’'electricit'e, et demeura stup'efaite.
La pi`ece 'etait vide, la couverture pr^ete, mais le lit pas d'efait.
M me Drapier 'etait si 'etonn'ee qu’elle ne trouva rien `a penser au premier abord.
Comment ! son mari n’'etait pas l`a ?…
Il lui semblait pourtant qu’il ne devait pas sortir !
— J’ai mal compris sans doute, pensa la malheureuse femme ; il a d^u me dire hier soir qu’il allait au cercle comme cela lui arrive quelquefois, mais il pr'etend qu’il est toujours rentr'e `a minuit… Peut-^etre a-t-il 'et'e retenu, je crois qu’il y avait une soir'ee de gala…
Brusquement M me Drapier devint livide.
— Mais alors, pensa-t-elle, je suis seule dans l’appartement !
Elle n’osait plus faire un pas, avancer, ni reculer.
Elle 'ecoutait encore, et d'esormais c’'etait le silence absolu. M^eme du dehors on ne percevait aucun bruit.
`A un moment donn'e, cependant, le tintamarre d’une charrette de laitier qui passait dans la rue la rassura.
Elle eut l’impression que Paris s’'eveillait, elle se sentit moins seule, moins isol'ee, elle reprenait un peu courage.
Certes, pour rien au monde elle ne serait all'ee dans les pi`eces obscures et encombr'ees de meubles voir s’il s’'etait pass'e quelque chose, `a aucun prix elle ne se serait aventur'ee derri`ere les rideaux du salon ou sur le balcon…
Son mari 'etait sorti… Elle voyait d'esormais que son manteau, que son chapeau n’'etaient point l`a ; il n’'etait pas encore rentr'e… Qu’est-ce que cela signifiait ?
La fra^icheur de la nuit la fit frissonner, elle pensa :
— Je vais m’enrhumer.
Elle mit frileusement son peignoir sur sa gorge, puis rebroussa chemin.
En bonne m'enag`ere qu’elle 'etait, elle 'eteignit la lumi`ere allum'ee dans la chambre de son mari, puis avec une raideur d’automate, sans tourner la t^ete, elle suivit la galerie jusqu’`a sa chambre.
Instinctivement, elle s’enfermait alors `a double tour dans celle-ci, constatait avec joie que vingt minutes s’'etaient 'ecoul'ees, lorsque, tout d’un coup, son coeur s’arr^eta de battre, son sang se figea dans ses veines.
Cette fois, elle 'etait bien s^ure de ne pas se tromper ! Elle 'etait parfaitement 'eveill'ee, car elle venait d’entendre, de la facon la plus nette, quelqu’un marcher dans la galerie !
Ce quelqu’un ne dissimulait point le bruit de ses pas, il avait presque couru, sans souci du bruit qu’il faisait.
M me Drapier 'ecarta les bras, battit l’air de ses mains tremblantes, puis elle tomba `a la renverse, au pied de son lit, perdant connaissance…
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, il faisait grand jour.
M me Drapier 'eprouvait un violent mal de t^ete, et, presque sans se rendre compte de ce qu’elle faisait, `a demi assoupie, elle alla se jeter sur son lit, 'eprouvant de violentes courbatures aux jambes et aux reins.
Elle eut l’impression qu’elle s’endormait comme une masse, puis elle ouvrit les yeux, s’imaginant s’^etre repos'ee une nuit enti`ere, alors qu’elle avait dormi cinq minutes seulement.
Au fur et `a mesure qu’elle s’'eveillait pour de bon, M me Drapier sentit revenir `a son esprit le souvenir de ce qui s’'etait pass'e `a cinq heures du matin.