Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Il insista sur un autre sujet.
— Le crime pourtant para^it remonter, sinon au milieu de la nuit, du moins `a une heure tr`es r'ecente de la matin'ee, mettons quatre, cinq heures… J’ai constat'e que le sang 'etait coagul'e, le cadavre presque raidi. ^Etes-vous venu dans votre cabinet de travail, monsieur Drapier, avant d’aller `a la Monnaie ?
— Non, monsieur le commissaire.
— Donc, continuait celui-ci, il se peut que votre domestique ait 'et'e assassin'e sans que vous ayez rien entendu, ni vu ?
— En effet !
Le magistrat insistait toujours.
— Votre chambre est pourtant beaucoup plus rapproch'ee du cabinet de travail que celle de M me Drapier. Si je fais cette remarque, vous ne m’en voudrez pas, monsieur le directeur, c’est simplement parce que je m’'etonne que vous n’ayez point 'et'e troubl'e dans votre sommeil alors que M me Drapier, qui habite l’autre extr'emit'e de l’appartement, aurait, dit-on, entendu des bruits suspects.
L'eon Drapier demeura quelques instants silencieux, ses paupi`eres battirent, et il allait parler, lorsque la voix de M me Drapier, qui 'ecoutait, s’'eleva.
D’une voix toute blanche, voix strangul'ee par l’'emotion, Eug'enie Drapier articula lentement, regardant son mari avec une fixit'e singuli`ere :
— J’ai l’oreille tr`es fine, monsieur le commissaire, et comme j’ai sans cesse peur, je suis toute la nuit aux aguets. Tandis que L'eon, qui travaille beaucoup, dort profond'ement !
— Voil`a l’explication, fit le commissaire conciliant, qui ajoutait presque d’un air goguenard : sans ca j’aurais presque 'et'e tent'e de croire, monsieur Drapier, que vous aviez d'ecouch'e cette nuit !
Cette plaisanterie, pourtant bien innocente, sembla troubler profond'ement le directeur de la Monnaie.
Ses mains se crisp`erent, il articula d’une voix qui tremblait l'eg`erement :
— Je n’ai pas l’habitude de d'ecoucher, monsieur le commissaire, au surplus, regardez !…
D’un geste h'esitant de la main, il d'esignait son lit.
— Vous voyez, fit-il, mes couvertures sont encore d'efaites.
Mais le magistrat n’insistait point.
— Excusez-moi, monsieur le directeur, de ces questions qui doivent vous ennuyer… Si je les fais, c’est parce que tel est mon devoir et vous ne m’en voudrez pas, j’en suis s^ur ?
L'eon Drapier r'etorquait d’un geste protecteur :
— Je ne vous en veux en aucune facon, monsieur le commissaire, bien au contraire, et j’esp`ere que vous trouverez l’assassin de ce malheureux garcon !…
— Permettez que je vous laisse, disait le magistrat, qui se confondait en saluts obs'equieux devant le haut fonctionnaire ; j’entends qu’on parle dans la pi`ece voisine, c’est sans doute M. le chef de la S^uret'e qui vient d’arriver…
Le commissaire se retirait, L'eon Drapier articula :
— Je me tiendrai `a sa disposition s’il l’exige, mais je voudrais bien pouvoir retourner `a la Monnaie, o`u je suis attendu.
— Allez donc, monsieur le directeur, allez donc, il ne faut pas que la mort d’un domestique vous emp^eche de vous occuper de vos importantes fonctions !
Un instant, M. L'eon Drapier et sa femme se trouv`erent seuls dans la chambre.
L'eon Drapier offrit son bras.
— Viens, Eug'enie, dit-il, ne reste pas l`a, rentre dans les appartements et prends un peu de repos !
La malheureuse femme ob'eissait machinalement. Elle se laissa reconduire par son mari.
Celui-ci l’obligeait `a s’'etendre sur son lit, il l’embrassa au front et, comme Eug'enie Drapier fermait les yeux, L'eon Drapier d'eclara, se m'eprenant sur ce mouvement instinctif :
— Vous ^etes fatigu'ee ? Dormez un peu !
Puis il se retira…
Mais `a peine 'etait-il parti qu’Eug'enie Drapier se redressait brusquement.
Elle comprima son front de ses deux mains tremblantes, et de sa poitrine oppress'ee sortirent ces mots hallucinants :
— Mon Dieu ! Mon Dieu ! Quel r^ole a-t-il jou'e dans cette affaire ? Pourquoi donc L'eon a-t-il menti ?… Car il a menti !… menti !… menti !… Il a dit au commissaire qu’il avait pass'e la nuit dans sa chambre et ce n’est pas vrai, puisque sa chambre 'etait vide quand j’y suis all'ee ! Il a montr'e son lit d'efait pour prouver qu’il y avait couch'e. Or, c’est moi qui ai d'efait ses couvertures ! moi qui ai froiss'e son oreiller ! Mon Dieu, mon Dieu, qu’a donc fait L'eon et pourquoi cet effroyable mensonge ?
III
Devoir filial
Tandis que ces 'ev'enements tragiques se passaient `a Paris et commencaient `a faire na^itre dans la capitale un scandale qui devait aller en croissant chaque jour, que devenaient Juve et Fandor ?
Que devenait 'egalement Fant^omas, le sinistre et effroyable bandit qui n’avait pas craint, raillant les choses les plus sacr'ees, se moquant des sentiments les plus respectables, d’abuser la malheureuse M me Rambert, de se faire passer pour son mari, de prendre `a son foyer la place du mort, de ce malheureux M. Eair disparu en Hollande, tu'e par lui apr`es avoir d'ej`a ruin'e sa vie ?
`A la v'erit'e, la situation 'etait tragique. Voyant Fant^omas en face de lui, Fandor, une seconde, avait 'et'e sur le point de se lancer en avant, de l’agripper au collet, de le ma^itriser de force. Depuis tant d’ann'ees, en effet, Fandor luttait contre le bandit, depuis tant d’ann'ees il avait `a souffrir des sinistres audaces du malfaiteur, qu’il e^ut 'eprouv'e comme une joie d'ebordante `a se mesurer enfin avec lui, `a pouvoir enfin, face `a face, lutter contre lui jusqu’`a la mort.
Fant^omas, c’'etait le G'enie du crime dont l’influence n'efaste avait ruin'e sa vie !…