Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Juve, naturellement, n’en demandait pas davantage.
Il comprenait imm'ediatement que le jeune homme 'etait Fandor, il devinait quelque drame effroyable, et, n’'ecoutant que son courage, tranquillement, il entrait dans le brasier.
Juve, par bonheur, n’avait pas `a aller trop loin. Il d'ecouvrait assez vite les corps enlac'es de J'er^ome Fandor et de M me Rambert qui 'etaient pris sous une 'enorme poutre. Juve fit effort, les arracha de cette terrible situation.
Il sauva M me Rambert, d’abord, puisque c’'etait une femme, puis, risquant une effroyable mort, il rentra une seconde fois dans le brasier pour en retirer J'er^ome Fandor.
C’'etait ce que Juve appelait avoir
Le journaliste, affreusement br^ul'e, s’'etait r'eveill'e d’un long 'evanouissement dans une chambre d’h^otel o`u Juve l’avait fait transporter, cependant qu’on installait `a c^ot'e la pauvre M me Rambert.
Fandor, retrouvant tout son courage, avait alors anxieusement demand'e des nouvelles de Fant^omas.
— Disparu ! r'epondait Juve, enfui !…
Puis Fandor s’inqui'etait de sa m`ere.
— Elle n’est pas bless'ee, n’est-ce pas ?
Et c’'etait alors que le malheureux journaliste devait subir le coup le plus douloureux.
Avec des mots tr`es doux, des phrases de piti'e, Juve apprenait l’horrible v'erit'e `a Fandor.
M me Rambert 'etait folle, sa raison avait chancel'e `a la suite de l’effroyable drame dont elle venait d’^etre victime !
Juve, toutefois, laissait un peu d’espoir `a Fandor.
— Le m'edecin affirme, pr'etendait-il, que cette crise peut n’^etre que passag`ere. Ta m`ere peut retrouver la raison. Il prescrit pour elle un repos absolu, un voyage en Suisse, par exemple, une installation dans une petite bourgade bien tranquille. Il faudrait que tu sois toujours aupr`es d’elle `a guetter les lueurs de sa raison, pour t^acher de l’aider `a se sauver de la d'emence.
Juve parlait lentement, 'epiant sur le visage de Fandor l’'emotion que ces paroles allaient infailliblement causer au jeune homme.
Fandor se troublait en effet, il p^alissait en 'ecoutant Juve.
— Mon Dieu ! r'epondait-il, le m'edecin a dit cela ? Juve, Juve, comment donc faudrait-il faire ? Vous n’oubliez pas que je dois partir dans quelques jours pour le Chili, o`u je dois aller retrouver H'el`ene ?
Juve, `a ce moment, se levait. Sa physionomie devenait grave, cependant qu’il regardait fixement Fandor.
— Je n’oublie pas cela, disait-il, et je sais en effet, Fandor, que tu vas te trouver aux prises avec deux devoirs bien distincts : ton devoir d’amoureux et ton devoir de fils… Et il te faudra choisir, mon petit !
Mais d'ej`a Fandor relevait la t^ete, d'ej`a il reprenait :
— Vous avez raison, Juve, ce sont deux devoirs, et ces deux devoirs sont tels que ma conscience ne me laisse pas libre de choisir. Ma m`ere d’abord, H'el`ene ensuite ! Je sais d’ailleurs que c’est ce qu’exigerait H'el`ene elle-m^eme !
La voix de Fandor tremblait. Il souffrait affreusement. Il eut pourtant comme une extraordinaire joie en 'ecoutant Juve.
— 'Ecoute, disait le policier, je ne doutais pas de toi ni de ta d'ecision. Il faut en effet que tu restes aupr`es de ta m`ere, mais moi, moi qui suis libre, j’irai rechercher H'el`ene !
Et, s’efforcant de sourire, Juve ajoutait :
— Et, foi de Juve, je te le promets, Fandor, je te ram`enerai ta femme !
IV
Adversaires tragiques
Depuis le matin le vent avait cess'e et la mer qui, jusqu’alors, s’enflait en vagues violentes, secouant le b^atiment de belle mani`ere, 'etait soudain devenue calme comme il entrait en rade et stationnait `a l’embouchure de la Gironde o`u l’on devait prendre les derniers passagers, les passagers de grand luxe, ceux qui ne s’embarquaient que l`a pour 'eviter le trajet assez long du Havre `a Bordeaux.
C’'etait un grand navire qui portait le nom glorieux de Jean-Bartet qui appartenait `a une puissante compagnie assurant les services r'eguliers de l’Am'erique du Sud `a la France.
Le Jean-Bart'etait parti depuis trois jours et, de toute la vitesse de ses robustes machines, avait long'e les c^otes de France, venant faire une courte escale `a Bordeaux avant de reprendre le large, avant de foncer droit vers l’horizon pour traverser l’Atlantique et venir ranger les c^otes am'ericaines.
`A bord du Jean-Bart,'enorme vaisseau, toute une foule de passagers avaient pris place, riches occupants des cabines de premi`ere classe, voyageurs 'economes qui se contentaient des secondes, de pauvres 'emigrants, encore parqu'es dans l’entrepont, mal nourris, `a moiti'e v^etus, et devant vivre un v'eritable cauchemar de froid, de mis`ere et de souffrance pendant toute la travers'ee.
`A bord du Jean-Bart, notamment, on citait la pr'esence de deux agents consulaires, d’une actrice en renom, d’une jeune divorc'ee dont la r'eputation 'etait d'etestable, et, enfin, d’un g'en'eral mexicain que l’on se d'esignait du doigt en disant qu’il retournait dans son pays avec le secret d'esir de jouer un r^ole dans les 'ev'enements politiques qui perp'etuellement bouleversent cette malheureuse et belle contr'ee.
C’'etait l`a, croyait l’'etat-major du bord, toutes les c'el'ebrit'es, toutes les personnalit'es marquantes qui avaient pris place `a bord du paquebot…
On en tombait commun'ement d’accord, et pourtant on faisait erreur, grave erreur m^eme, ainsi qu’on ne devait pas tarder `a l’apprendre avec stup'efaction.
Le Jean-Bartavait `a peine jet'e l’ancre, en effet, et courait encore en cercle sur son erre, autour de la cha^ine raidie de son ancre, qu’une s'erie de signaux commencaient `a s’'echanger entre le b^atiment et le s'emaphore de la c^ote. Assur'ement, on devait communiquer de graves nouvelles, car bient^ot, le jeune enseigne qui 'etait de quart ce matin-l`a, quittait la passerelle du commandement et se dirigeait vers l’arri`ere du b^atiment o`u se trouvaient les appartements r'eserv'es au commandant du navire.