Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Elle gronda :
— C’est pas Dieu possible de faire un service pareil ! Il y a huit jours… on 'etait trois domestiques, la femme de chambre, le valet de chambre et moi. Voil`a la femme de chambre qui tombe malade, le domestique qu’on assassine, qu’est-ce qui va arriver `a la cuisini`ere ?
— Cela s’arrangera, ne vous mettez pas en col`ere, ma bonne Caroline ! recommandait M me Drapier, vous comprenez qu’il n’y a pas de notre faute dans tout cela et que nous en sommes les premiers ennuy'es ?
Caroline, qui 'etait une brave fille, s’adoucissait.
— Oh ! je sais bien qu’il n’y a pas de la faute de madame ni de monsieur !
Et elle allait entreprendre une conversation, lorsqu’un troisi`eme coup de sonnette retentit, plus imp'erieux, plus prolong'e que pr'ec'edemment.
— Allez ouvrir, Caroline ! supplia M me Drapier, laquelle s’'eclipsait aussit^ot, entrant dans le petit salon attenant `a la salle `a manger.
Caroline ouvrit.
Il y avait sur le palier un monsieur qui attendait. La cuisini`ere, au premier coup d’oeil, jugea que c’'etait quelqu’un de comme il faut, car il 'etait bien chauss'e, il 'etait coiff'e d’un chapeau melon de bonne forme, rev^etu d’un pardessus au col de velours, `a la coupe anglaise, `a l’'etoffe 'el'egante et riche.
Il pouvait avoir une quarantaine d’ann'ees environ, ses cheveux, `a ses tempes s’argentaient l'eg`erement.
Le visiteur fit un imperceptible signe de t^ete et demanda `a la domestique :
— M. Drapier est-il visible ?
Caroline n’avait pas l’habitude des relations ext'erieures ni des rapports officiels avec les ma^itres, elle savait toutefois qu’il ne fallait jamais r'epondre ni oui ni non `a de semblables questions, mais dire simplement :
— Je ne sais pas ! Je vais aller voir ! Si monsieur veut attendre…
Elle articulait la phrase classique que le visiteur approuva d’un l'eger signe de t^ete.
Il p'en'etrait `a la suite de la cuisini`ere dans la galerie. Caroline se retourna et lui demanda :
— Qui annoncerai-je `a monsieur, si monsieur est l`a ?
Le visiteur avait pos'e son chapeau, il articula :
— Vous annoncerez M. Juve !
— Monsieur Juve ! s’'ecria Caroline, ah ! par exemple ! L’agent de police ?
Juve esquissa un ironique sourire.
— Agent de police, fit-il, si vous voulez.
Caroline, toutefois, demeurait abasourdie, elle regardait l’inspecteur de la S^uret'e et son visage exprimait une r'eelle 'emotion.
— Mon Dieu, mon Dieu, balbutia-t-elle, c’est vous M. Juve !… Le fameux Juve !
— N’exag'erez pas !
— Oh, fit Caroline, j’ai bien souvent entendu parler de vous, lu votre nom sur les journaux !…
Elle s’arr^etait net et reprenait, presque terrifi'ee :
— Ah ca ! vous croyez donc que Fant^omas est compromis dans l’affaire ?
— Pourquoi ? demanda Juve interloqu'e.
— Mais parce que, monsieur… fit na"ivement la brave cuisini`ere, chaque fois qu’il s’agit d’une affaire de Fant^omas, vous y ^etes m^el'e, chaque fois que vous vous occupez d’un drame, c’est qu’`a ce drame se m^ele le nom de Fant^omas… Enfin, comme qui dirait, d`es qu’il y a du grabuge quelque part, l`a o`u on trouve Juve, on trouve Fant^omas, et l`a o`u vient Fant^omas, Juve ne tarde pas `a arriver ! Je m’explique peut-^etre mal, mais c’est l`a ma facon de penser !
Juve, malgr'e lui, souriait…
— Fant^omas n’est pas n'ecessairement dans toutes les affaires dont je m’occupe, et rien ne prouve qu’il soit intervenu dans l’assassinat de ce malheureux Firmin ! Mais le temps passe et vous seriez bien aimable de m’annoncer `a M. Drapier. N’est-ce pas, ma bonne Caroline ?
La cuisini`ere qui tournait les talons s’arr^eta, stup'efaite :
— Vous me connaissez, monsieur Juve ?
— Depuis cinq minutes, oui !
— Mais vous savez mon nom !
Le policier souriait encore :
— Affaire d’habitude, nous sommes tous comme ca, nous, les agents de la police, mais ne vous 'emotionnez pas et d'ep^echez-vous !…
« M me Drapier, tout `a l’heure, semblait fort ennuy'ee du temps que vous mettiez `a venir ouvrir, et je suis convaincu que M. Drapier, qui travaille actuellement dans son bureau, doit se demander quels sont les gens qui bavardent ainsi dans son antichambre !
Caroline 'etait de plus en plus 'etonn'ee.
— C’est pas Dieu possible, murmura-t-elle, ces gens de la police savent tout !
Elle interrogeait Juve.
— Qui c’est qui vous a donc dit que monsieur 'etait l`a ? Je parie que c’est encore la concierge ; cette femme se m^ele de tout ce qui ne la regarde pas !…
— Ca n’est pas la concierge, fit Juve doucement, c’est son chapeau.
— Son chapeau ? Elle n’a pas de chapeau !
Juve insistait toujours avec calme.
— Je vous parle du chapeau de M. Drapier qui est pendu ici `a ma droite, au porte-manteau, et dont le cuir int'erieur est encore tout luisant de la l'eg`ere transpiration de M. Drapier, ce qui prouve qu’il est rentr'e il y a dix minutes `a peine et qu’il a march'e tr`es vite, car il ne fait pas une temp'erature `a transpirer, si l’on marche `a son pas !
— Mais, vous ^etes sorcier !
— Ma bonne Caroline, interrompit Juve, je suis surtout un peu press'e, voulez-vous avoir l’obligeance de pr'evenir ?