Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— C’est bien ! faisait-il. Signalez `a la terre que nous allons faire le n'ecessaire !
Et comme le lieutenant de vaisseau saluait son chef et s’appr^etait `a le quitter pour remonter sur la passerelle, le commandant ordonnait : Veuillez pr'evenir le commissaire du bord d’avoir `a venir me parler imm'ediatement !
`A l’instant m^eme, cependant, o`u le marin donnait cet ordre, on frappait discr`etement `a la porte du salon.
— Entrez ! ordonna le commandant du Jean-Bart.
Un homme parut, qui pouvait avoir une quarantaine d’ann'ees, avait le masque 'energique, l’attitude r'esolue, le geste large et d'ecid'e.
Il saluait profond'ement, en entrant, le commandant du navire, puis, en personnage qui se trouve en pr'esence d’un ami, il d'eclarait sur un ton bonhomme o`u percait une pointe de m'econtentement :
— Eh bien, mon commandant, vos pr'ecautions 'etaient inutiles ! Vous savez ce qu’on signale de la terre ?
Le commandant du Jean-Bartsursauta :
— On me l’apprend `a la minute, r'epondait-il. Mais vous comprenez donc les signaux, monsieur Juve ?
— Assur'ement, affirma le policier. Je les ai appris jadis au cours d’un voyage tragique que je fis au cap de Bonne-Esp'erance.
Et comme le lieutenant de vaisseau consid'erait l’'etranger d’un air ahuri, Juve, car c’'etait bien Juve, tranquillement reprenait :
— Vous seriez aimable, monsieur, de signaler `a la terre que je descends imm'ediatement. Quant `a vous, mon commandant, je vous serais fort oblig'e de vouloir bien mettre `a ma disposition une baleini`ere.
— Lieutenant, vous donnerez les ordres n'ecessaires !
Le commandant avait cong'edi'e son officier et il se retournait vers Juve.
Il marchait vers lui les bras tendus :
— Mon cher ami, d'eclarait-il, il n’y a point de ma faute dans ce qui arrive, je tiens `a vous en avertir. Personne `a bord ne se doutait de votre pr'esence. J’avais scrupuleusement gard'e le secret sur votre personnalit'e, j’ignore qui a pu renseigner le monde officiel sur votre embarquement `a bord du Jean-Bart !
Juve, `a ces mots, avait un petit haussement d’'epaules r'esign'e ; il ripostait sur un ton un peu las :
— Je n’en doute pas, mon commandant. Et puis, qu’importe ! du moment que le devoir est l`a, et que je suis forc'e d’ob'eir !…
C’'etait toute la conclusion malheureuse d’un v'eritable petit complot ourdi par Juve que cette d'ep^eche atteignant le Jean- Barten rade de Bordeaux et obligeant Juve `a quitter le paquebot.
Pourquoi Juve, en effet, se trouvait-il `a bord du transatlantique et pourquoi s’y trouvait-il cach'e incognito, voyageant sous un nom d’emprunt, et avec les apparences d’un tr`es modeste voyageur de seconde classe ?
Juve s’'etait embarqu'e trois jours plus t^ot `a bord du Jean-Bartau Havre pour se diriger vers le Chili. Il s’y 'etait embarqu'e pour donner satisfaction `a Fandor qui, retenu aupr`es de sa m`ere par son devoir filial, se d'esesp'erait `a la pens'ee qu’H'el`ene devait incessamment d'ebarquer en Am'erique du Sud et, seule l`a-bas, se trouver expos'ee aux pires tentatives du terrible Fant^omas.
Juve 'etait parti pour chercher la jeune femme et la ramener aupr`es de Fandor. Juve, toutefois, 'etait parti fort discr`etement, et peu rassur'e sur les suites qu’allait avoir ce voyage.
Juve 'etait en effet toujours inspecteur `a la S^uret'e. On lui accordait certes une grande libert'e d’action et, en raison de ses m'erites, en raison de son g'enie, en raison de son habilet'e de policier on ne l’ennuyait pas comme il se plaisait `a le dire. Juve comptait toutefois, `a la pr'efecture et parmi les bureaucrates, sinon quelques ennemis, du moins quelques adversaires. Ceux-l`a trouvaient que le policier en prenait souvent `a son aise avec les exigences du service et estimaient que Juve, s’il 'etait un bon agent de la S^uret'e, 'etait un d'eplorable sous-ordre.
— Il marche suivant sa fantaisie, disait-on, il fait ce que bon lui semble, il faudra que cela cesse !
Une campagne avait 'et'e men'ee tra^itreusement contre lui, elle avait donn'e des r'esultats imm'ediats, puisque, au moment o`u Juve venait voir M. Havard et sollicitait de lui un cong'e n'ecessaire pour aller chercher H'el`ene, le chef de la S^uret'e, brusquement, refusait toute permission de voyage `a Juve.
— Vous vous occupez, disait avec un ricanement M. Havard, d’affaires priv'ees ! Or, vous n’en avez pas le droit. S’il vous pla^it de marier votre ami Fandor, d'emissionnez et vous serez libre. Mais, si vous voulez rester inspecteur de la S^uret'e et 'emarger chaque mois au budget, demeurez en France. Vous ^etes l’adversaire de Fant^omas. Fant^omas est en France, restez-y, vous aussi, et poursuivez la lutte !… Allez !
C’'etait net et pr'ecis, Juve avait fait la grimace, mais avait d^u s’incliner.
Depuis longtemps, en effet, Juve savait que M. Havard, tout en 'etant fort aimable avec lui, 'etait en r'ealit'e quelque peu son adversaire et son ennemi. Il y avait de la part du chef de la S^uret'e `a l’'egard de Juve comme une v'eritable petite jalousie qui se traduisait souvent par de r'eelles injustices dont Juve n’'etait pas sans souffrir…
Cette fois-ci, toutefois, Juve avait estim'e que M. Havard avait 'et'e trop loin. Juve n’'etait pas riche, il ne pouvait d'emissionner. Il avait d’autre part plus de cent fois risqu'e sa vie pour l’int'er^et g'en'eral, il trouvait qu’il m'eritait une autre r'ecompense `a ses bons et loyaux services qu’un refus partiel `a une faveur si exceptionnellement sollicit'ee.
— On aurait pu me donner quinze jours de cong'e ! songeait-il. Et d’ailleurs…
`A ce moment, Juve avait un sourire ironique, une id'ee extraordinaire lui venait. M. Havard lui ordonnait de poursuivre Fant^omas. C’'etait la consigne imp'erative qu’on lui passait. Or, pourquoi voulait-il aller au Chili si ce n’'etait pour prot'eger H'el`ene des tentatives criminelles de Fant^omas !
— Bon, songea Juve, j’ai fait une gaffe. J’ai demand'e mes vacances pour aller rechercher H'el`ene, j’aurais d^u au lieu de solliciter un cong'e, exiger des frais de route et pr'esenter mon voyage comme une manoeuvre polici`ere `a la rencontre du bandit !