Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Qu’est-ce qu’il y a donc ? demandait l’actrice, qui avait rapidement li'e connaissance avec le g'en'eral mexicain. S^urement on nous communique une d'ep^eche int'eressante. Voyez, tout l’'etat-major est en l’air !
Des officiers couraient en effet `a bord du Jean-Bart, s’abordaient avec des gestes 'etonn'es, semblaient 'echanger des colloques anim'es, se demander des renseignements avec une r'eelle stup'efaction.
Le g'en'eral mexicain qu’interrogeait l’actrice hocha la t^ete d’un air convaincu.
— Je ne sais pas ce qu’il y a, faisait-il gravement, mais j’ai peur. Tenez, madame, je pense que le gouvernement francais est bien capable de prendre en ce moment une mesure contre moi. Il y a peut-^etre une intervention officielle de la part du Chili, on va peut-^etre m’obliger `a d'ebarquer…
L’actrice se r'ecriait `a ces mots. Elle 'etait vivement int'eress'ee par les suppositions du g'en'eral, mais elle se refusait `a les admettre. La France, c’'etait le pays de la libert'e. La R'epublique avait horreur d’intervenir dans les affaires gouvernementales des pays 'etrangers. Non ! non ! Le g'en'eral faisait erreur, il ne devait pas s’agir de lui !
Et, se faisant le champion du gouvernement francais, l’actrice se r'epandait en de violentes protestations, affirmant qu’en France on respectait le droit d’agir, et que pas un ministre n’oserait ordonner le d'ebarquement d’un r'efugi'e 'etranger.
Cependant que ces deux passagers causaient, ailleurs on 'emettait d’autres suppositions :
— Moi, disait un petite femme qui se trouvait en seconde classe et qui se cramponnait nerveusement au bras d’un robuste gaillard qu’elle affirmait ^etre son mari et qui avait bien dix ans de moins qu’elle, moi, Jules, cela me fait tr`es peur ! Je suis s^ure que tous ces signaux sont destin'es `a annoncer un orage 'epouvantable… Nous allons avoir une temp^ete… S^urement nous allons avoir une temp^ete, un cyclone peut-^etre !
Plus loin, parmi le groupe que formaient une th'eorie de voyageurs de commerce qui se rendaient au Br'esil pour y 'ecouler toute une pacotille de marchandises dont ne voulait plus la France, on formait encore d’autres suppositions :
— Pas de veine ! disait l’un des voyageurs. Je parie que c’est un truc du service de sant'e. Peut-^etre bien n’avons-nous pas nos patentes en r`egle et allons-nous ^etre retenus… Ou bien alors, on signale la fi`evre jaune quelque part, et l’on nous subtilisera une escale !
`A la v'erit'e, tout le monde se trompait.
Il ne s’agissait pas du g'en'eral mexicain, on ne signalait aucune temp^ete, et le corps de sant'e n’exigeait l’accomplissement d’aucune formalit'e longue et minutieuse.
C’'etait m^eme de tout autre chose qu’il 'etait question, et les passagers se fussent rassur'es s’ils avaient pu entendre le colloque qui s’engageait entre le commandant du Jean-Bartet son premier officier.
Celui-ci, quittant la passerelle, s’'etait rendu au salon r'eserv'e au commandant du paquebot. Son chef venait l’y rejoindre, il interrogeait :
— Vous me demandez, lieutenant ? Qu’y a-t-il donc ?
— Mon commandant, j’ai une d'ep^eche de l’amiraut'e `a vous transmettre.
— De l’amiraut'e ? sursauta le commandant. Que diable l’amiraut'e me veut-elle ?
— On nous pose, continua le lieutenant, une question extraordinaire. Je ne voulais pas vous d'eranger, et j’ai r'epondu non, tout d’abord, mais de terre on insiste, et l’on m’enjoint de vous pr'evenir. C’est pourquoi je me suis permis…
— Vous avez bien fait, lieutenant. Que d'esire l’amiraut'e ?
Un sourire ironique sembla un instant 'egayer le visage naturellement s'ev`ere du jeune officier. Il r'epondit bri`evement :
— Voil`a, mon commandant : la pr'efecture maritime nous fait signaler par le s'emaphore, et cela en vertu d’un t'el'egramme officiel 'emanant de Paris, cette demande laconique : le policier Juve est-il `a bord ?
L’officier, en parlant, surveillait la physionomie du commandant du vaisseau, s’attendait `a le voir 'eclater de rire, car il ne venait pas `a la pens'ee du jeune homme que le c'el`ebre policier p^ut ^etre en r'ealit'e parmi les passagers du Jean-Bartsans qu’il le s^ut.
Or, le commandant du Jean-Bart, un vieux marin, qui depuis vingt ans tra^inait sur la mer et en avait connu toutes les tra^itrises, toutes les col`eres, tous les sourires aussi, ne marquait aucun 'etonnement.
— Ah ! faisait-il simplement… Une d'ep^eche officielle demande si le policier Juve est `a bord ? Pourquoi veut-on savoir cela ? Vous l’ignorez ?
Le jeune officier secoua la t^ete.
— Non, mon commandant. On nous a encore signal'e cette fin de d'ep^eche :
Au cas o`u le policier Juve se trouverait `a bord duJean-Bart, lui communiquer un ordre formel du pr'efet de police d’avoir `a d'ebarquer de toute urgence et `a regagner la pr'efecture.
Le commandant du Jean-Bart, entendant cela, haussait les 'epaules. Il se promenait de long en large dans son salon, il paraissait fort ennuy'e.
— Bon ! disait-il, c’est clair, c’est net, mais c’est bigrement f^acheux !
Et, tr`es bas, il ajoutait :
— Oui, c’est bigrement f^acheux !
Le jeune lieutenant de vaisseau, cependant, allait de surprise en surprise. Il ne comprenait pas tr`es nettement ce qui semblait f^acheux `a son chef, et surtout il s’'etonnait fort de son attitude, car il 'etait toujours persuad'e que le policier Juve n’'etait pas `a bord, et qu’en cons'equence la d'ep^eche officielle 'etait nulle et sans objet.
Brusquement, le commandant parut prendre une d'ecision :