Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Fort de ce raisonnement, Juve 'ecrivait le lendemain au chef de la S^uret'e une lettre assez peu explicite, dans laquelle il informait celui-ci qu’un hasard venait de le mettre sur la piste de Fant^omas et qu’il partait `a sa poursuite.
— On aura de mes nouvelles, disait Juve, d`es que j’aurai un r'esultat !
Ayant jou'e avec les mots, commettant, pour la premi`ere fois peut-^etre, une irr'egularit'e dans son service, par la faute de l’imb'ecillit'e malveillante de son chef, Juve allait s’embarquer au Havre sur le Jean-Bartpour partir au Chili.
Juve ne tenait pas toutefois `a ce qu’on conn^ut `a la pr'efecture son escapade. Il s’inscrivait donc sur la liste des passagers sous un faux nom et, seulement pour tout pr'evoir, avertissait de sa v'eritable personnalit'e le commandant du navire, tout en lui demandant de lui garder un secret absolu `a ce sujet.
Les choses avaient 'et'e fort bien jusqu’`a Bordeaux, mais `a Bordeaux Juve recevait un ordre formel d’avoir `a regagner la terre.
— Zut ! grondait-il, cependant qu’une chaloupe le ramenait vers la c^ote. Comment diable, quai de l’Horloge, a-t-on pu savoir que j’'etais `a bord du Jean-Bart ?
On l’avait su `a la pr'efecture, et Juve devait l’apprendre le soir m^eme, de la facon la plus simple du monde. Le hasard seul avait trahi Juve. Un cin'ema s’'etait avis'e de prendre le d'epart du g'en'eral mexicain lors de son embarquement sur le Jean-Bart.Juve, qui suivait l’'etranger, avait 'et'e, sans s’en douter, photographi'e.
Un jour plus tard, le film 'etait projet'e dans un 'etablissement des boulevards, un inspecteur reconnaissait Juve, signalait le fait, sans penser `a mal, `a M. Havard. Imm'ediatement, M. Havard envoyait la d'ep^eche qui devait arr^eter Juve !
Le policier apprenait tout cela le soir m^eme de son d'ebarquement `a Bordeaux.
`A peine avait-il rejoint la c^ote, en effet, qu’il sautait dans un rapide pour Paris et, aussit^ot arriv'e `a Paris, il courait `a la pr'efecture, o`u L'eon et Michel le mettaient rapidement au fait.
— Tr`es bien, remarqua Juve. C’est un bon savon en perspective de la part de M. Havard !
Il 'etait alors onze heures tout juste. Juve pensait `a aller se coucher, 'etant assez fatigu'e de son voyage en chemin de fer, lorsque L'eon lui disait en souriant :
— Bah ! monsieur Juve, un savon du chef, cela n’a pas grande importance ! Et puis, Havard a bien d’autres choses en t^ete !… Il est dans son bureau, d’ailleurs. Voulez-vous le voir tout de suite ?
Juve h'esita, puis se d'ecida.
— Ma foi oui, autant en finir…
M. Havard 'etait en effet dans son bureau. Il n’y 'etait pas seul, il s’y trouvait en compagnie du directeur du service des recherches. Or, `a peine Juve 'etait-il entr'e dans le cabinet que M. Havard se levait, courait `a sa rencontre les mains tendues. M. Havard 'etait nerveux au possible, et cependant, `a la grande surprise du policier, faisait `a Juve le meilleur accueil.
— 'Ecoutez, mon cher, commencait-il, je vous demande infiniment pardon de vous avoir fait revenir ainsi, mais, ma foi, je n’avais pas le choix des moyens, et l’on a besoin de vous `a Paris.
— Vraiment ? dit Juve qui se tenait sur la d'efensive. Pourquoi, chef ?
— Parce que… parce que… nous sommes dans l’emb^etement !
Et comme Juve consid'erait le chef de la S^uret'e d’un air assez surpris, M. Havard, brusquement, expliqua sa pens'ee :
— Voil`a, d'eclara-t-il, vous 'etiez parti pour l’Am'erique du Sud afin d’y poursuivre Fant^omas, n’est-ce pas ?
— Oui et non ! fit Juve, tenant toujours `a ne pas se compromettre.
Mais M. Havard ne remarquait pas son h'esitation. Il continuait en effet :
— Eh bien, si Fant^omas est en Am'erique du Sud, s’il a fichu le camp `a l’'etranger, laissons-le tranquille. Ici, `a Paris, nous avons d’autres chiens `a fouetter ! Figurez-vous, mon cher Juve, qu’il y a deux jours une affaire terrible et qui vise de hautes personnalit'es a eu lieu `a Paris. Vous ^etes seul de taille `a d'ebrouiller cette enqu^ete. 'Evidemment, vous allez vous trouver en face d’un autre adversaire que Fant^omas, car Fant^omas n’est pas m^el'e `a cette histoire, mais tout de m^eme elle vous int'eressera…
Et, s’aidant d’un dossier qui tra^inait sur son bureau, donnant des d'etails que Juve prenait soigneusement en note, M. Havard faisait au policier le r'ecit du crime extraordinaire qui s’'etait pass'e deux jours plus t^ot chez L'eon Drapier, et qui menacait de tourner au scandale abominable.
— Voil`a, achevait-il. Qu’en pensez-vous, Juve ? Qui a tu'e ? Et pourquoi a-t-on tu'e ?
Juve r'epondit qu’il n’en avait aucune id'ee, mais il n’'etait peut-^etre pas tr`es sinc`ere.
Juve, en effet, avait l’air brusquement int'eress'e par l’'etrange histoire dont il venait d’'ecouter les d'etails.
Le policier, en sortant du cabinet du chef de la S^uret'e, apr`es avoir promis de mener l’enqu^ete activement, articulait en effet d’un ton convaincu :
— Le chef est persuad'e que ce n’est pas Fant^omas que je vais avoir `a combattre, est-ce qu’il ne se tromperait pas, par hasard ? Elle est tragique, cette aventure qui menace d’endeuiller toute la famille du directeur de la Monnaie !…
Juve rentra chez lui, rue Tardieu, fort pr'eoccup'e. Il r'epondit `a peine aux questions, d’ailleurs flegmatiques, que lui posait le vieux Jean, 'etonn'e malgr'e son calme de le voir revenir.
Le vieux Jean croyait son ma^itre parti pour deux mois, et Juve arrivait au bout de deux jours. Mais le vieux Jean avait bien trop l’habitude des excentricit'es de Juve pour s’'etonner outre mesure.
— Mon lit est fait ? demandait Juve.
— Naturellement ! r'epondit le vieux Jean.