Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Fant^omas 'etait celui qui avait boulevers'e le foyer de ses parents. C’'etait le monstre qui, se tracant une route triomphale malgr'e le sang, la douleur et les larmes de ses victimes, n’avait jamais recul'e devant aucune atrocit'e !
Fant^omas, c’'etait le l'egendaire assassin. C’'etait le Roi de l’'epouvante, le Ma^itre de l’effroi, c’'etait le Crime en personne… C’'etait encore le ravisseur d’H'el`ene !
Les sentiments les plus divers se m^elaient en effet dans le coeur de Fandor pour lui inspirer une haine toujours grandissante, toujours plus justifi'ee aussi, du d'etestable meurtrier.
Ah ! Fant^omas n’'etait pas seulement l’homme qui avait ruin'e sa vie pass'ee, c’'etait encore et surtout, aux yeux de Fandor, l’insaisissable ennemi qui menacait son avenir, celui-l`a qui le s'eparait d’H'el`ene, celui-l`a qui, fort de son audace et bravant les lois pour ne suivre que les caprices de sa volont'e, osait consid'erer H'el`ene comme sa fille et lui interdisait d’aimer le journaliste, de l’'epouser, de vivre avec lui !
Tout cela faisait que, fr'emissant, `a l’instant o`u Fant^omas apparaissait au chevet de sa m`ere, de la pauvre M me Rambert qui le prenait pour son mari, Fandor ressentait, au fond de son coeur, comme un douloureux tressaillement fait de joie et d’'epouvante.
Il s’'epouvantait en effet de voir Fant^omas, mais il s’en r'ejouissait en m^eme temps.
Il allait lutter !…
La force jugerait entre eux et d'eciderait du triomphateur, car l’un des deux hommes ne sortirait pas vivant de cette chambre o`u le hasard les enfermait face `a face.
`A l’instant o`u Fandor allait s’'elancer sur cet ennemi mortel, une r'eflexion l’immobilisait, l’arr^etait net, le forcait `a demeurer impassible.
J'er^ome Fandor crut entendre r'esonner dans sa t^ete, avec le lugubre tintement d’un glas, les derni`eres paroles que le m'edecin avait prononc'ees relativement `a M me Rambert :
— Surtout, avait recommand'e le praticien, 'epargnez-lui toute 'emotion. Une grande joie ou une grande douleur seraient capables de la tuer, et si la mort ne faisait pas son oeuvre, il y aurait `a craindre pour la raison de cette malheureuse, 'ebranl'ee si terriblement d'ej`a par les horreurs de la vie…
Fandor, songeant `a cela, se tut. Le devoir filial lui commandait de demeurer immobile. Il ne pouvait pas, pr'evenu comme il l’'etait, s’exposer `a tuer sa m`ere du m^eme coup de poignard dont il r^evait d’abattre Fant^omas !…
Et certes, il 'etait 'evident que la pauvre M me Rambert ne r'esisterait pas `a la terrible secousse morale qui r'esulterait pour elle d’une lutte entre son fils et celui qu’elle croyait ^etre son mari.
Fant^omas 'etait entre le lit de la vieille femme et Fandor. Le jeune homme, un instant, cessant de fixer le bandit, apercut le p^ale visage de sa m`ere, si bl^eme sur les oreillers, que sa p^aleur avait quelque chose d’effroyable. Il vit surtout, r'epandu sur le visage de M me Rambert, comme une extraordinaire expression de joie.
La pauvre femme, `a ce moment, se trompant sur la qualit'e de Fant^omas, devait go^uter une v'eritable f'elicit'e en imaginant qu’enfin elle voyait r'eunis ceux qu’elle avait cru perdus pour toujours, ceux qu’elle ch'erissait entre tous, son mari et son fils.
— Je n’ai pas le droit de la d'etromper ! songea Fandor.
Il se r'ep'eta plus bas :
— Ce serait un assassinat !
Et, se ma^itrisant lui-m^eme, donnant une preuve merveilleuse de l’autorit'e supr^eme qu’il poss'edait sur ses nerfs, J'er^ome Fandor demeurait immobile ! J'er^ome Fandor adressait un sourire `a Fant^omas !…
Et, alors, d’une voix basse, d’une voix douloureuse, d’une voix que torturait la rage contenue, la haine d'eguis'ee, il saluait le bandit :
— Bonjour, papa…
`A l’instant o`u Fandor cependant se d'ecidait ainsi, par devoir filial, `a ne point d'emasquer Fant^omas, quelles 'etaient les secr`etes pens'ees du Ma^itre de l’effroi ?
Certes, si Fandor venait de soutenir avec lui-m^eme un combat moral formidable, certes, s’il avait d^u faire appel `a toute sa volont'e pour ne point se jeter sur le mis'erable, Fant^omas, lui aussi, devait terriblement lutter avec lui-m^eme pour ne point s’'elancer sur J'er^ome Fandor.
C’'etait en effet une chose curieuse. Si J'er^ome Fandor ha"issait Fant^omas en raison du mal que celui-ci lui avait fait, Fant^omas ha"issait le jeune homme en raison du mal qu’il d'esirait lui faire !
Fandor, c’'etait, aux yeux de Fant^omas, celui qu’H'el`ene ch'erissait, c’'etait lui que la jeune fille lui pr'ef'erait, celui-l`a qu’elle adorait, et cela suffisait `a faire que le bandit e^ut 'eprouv'e une ^apre volupt'e, go^ut'e un horrible plaisir en massacrant Fandor !
Fant^omas d'etestait le jeune homme, mais il 'etait capable, lui aussi, de ma^itriser sa haine, de s’imposer, de r'efl'echir.
Tuer Fandor `a la minute, ah ! certes, Fant^omas l’aurait fait s’il n’avait point eu peur, s’il n’avait point redout'e les cons'equences de son acte.
Fant^omas, en effet, ne savait pas exactement o`u se trouvait Juve. `A l’instant o`u il fouillait dans sa poche pour y prendre son revolver et faire feu sur J'er^ome Fandor, il songea :
— Et si Juve bondit sur moi ? Et si Juve accourt au bruit de la d'etonation ?
Et Fant^omas frissonna…
Il lisait en m^eme temps dans les yeux de J'er^ome Fandor les pens'ees secr`etes du jeune homme. Il vit le regard de celui-ci se poser un instant sur la vieille M me Rambert. Fant^omas alors, toujours ma^itre de lui, devina les raisons secr`etes qui interdisaient `a Fandor de faire feu. Il les devina si bien qu’un sourire railleur d'etendit ses l`evres.
— Allons, murmura-t-il, il ne peut rien, il ne tentera rien !
Et comme J'er^ome Fandor l’avait salu'e d’un mot, comme il lui avait dit :