Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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« Voyons, monsieur Drapier, r'epondez-moi, est-elle brune ou blonde ?
Drapier demeurait perplexe, ne r'epondait point. Juve insista :
— Eh bien, je vais vous le dire ! Elle est blonde, et lorsqu’elle vous 'ecrit elle r'edige ses lettres dans son cabinet de toilette avant d’^etre coiff'ee et, cependant qu’elle 'ecrit, ses cheveux 'epars sur ses 'epaules font `a son visage un cadre fort seyant !
Cependant que Juve parlait, M. Drapier haletait, son visage devenait bl^eme.
— Monsieur, jusqu’`a pr'esent, vous m’avez parl'e sur un ton d’ironie persifleuse que j’ai tol'er'e, eu 'egard `a votre situation, mais n’oubliez pas que je suis moi-m^eme un fonctionnaire, un haut fonctionnaire, et que vos insinuations peuvent para^itre du plus mauvais go^ut. O`u voulez-vous en venir et que signifient ces propos ?
Juve ne s’'emotionnait pas, bien au contraire !
— Je voulais dire simplement ceci, monsieur Drapier, et, je vous en supplie, ne vous en formalisez pas ! Je veux dire que vous avez une petite amie, une ma^itresse, que cette ma^itresse, vous sortez fr'equemment avec elle et que vous allez d^iner en sa compagnie dans les restaurants `a la mode… mais en ayant soin de prendre un cabinet particulier pour n’^etre point reconnu !
« Je veux dire, chose que vous ignorez certainement `a l’heure actuelle, qu’il y a un lien indiscutable entre l’assassinat de Firmain, votre valet de chambre ou soi-disant tel, et vos relations amoureuses ! Voil`a, monsieur, ce que je puis vous r'ev'eler pour le moment !
« J’aurai l’honneur de vous revoir bient^ot. En attendant, je vous invite `a vous tenir `a la disposition de la justice !
Juve prof'erait ces derni`eres paroles sur un ton tr`es sec. Il se levait. M. Drapier se pr'ecipita vers lui.
— Je vous prie de m’excuser, monsieur Juve. Je viens d’avoir `a votre 'egard un mouvement de vivacit'e que je regrette profond'ement, car je sais avec quelle conscience et avec quelle correction vous menez votre enqu^ete, mais vous m’avez d'esesp'er'e, car ce que je croyais absolument secret, je vois que vous le saviez d'ej`a !
« J’imaginais que nul n’'etait au courant de la liaison avec Paulette, et je suis d'esesp'er'e !…
Juve interrompait son interlocuteur :
— Vous 'etiez dans le vrai, monsieur, dit-il, votre liaison n’est pas connue, 'etant donn'e que je l’ignorais il y a encore cinq minutes… et si cela peut vous tranquilliser, je n’ai aucune raison de vous le dissimuler, je l’ai apprise en causant avec vous !
— En causant avec moi !…
— Oui, monsieur ! Oh ! la chose est tr`es simple. Dans ce petit vide-poche, o`u vous mettez le soir avant de vous coucher les menus objets que vous retirez de vos v^etements, se trouvent quelques cure-dents envelopp'es dans du papier, lesquels portent la suscription, l’adresse des restaurants `a la mode. Ceci me prouva que vous alliez parfois d^iner au restaurant…
« Pas avec M me Drapier ! m’avez-vous dit ! Elle ne sort jamais ! J’ai insinu'e que vous 'etiez populaire dans ces 'etablissements, vous m’avez r'epondu qu’au contraire, nul ne vous y rencontrait !…
« C’'etait donc que vous alliez dans les cabinets particuliers !
« On ne va pas seul dans un cabinet particulier, on y va toujours `a deux, quel 'etait l’autre ? Je vous ai demand'e votre carte de visite pour vous inciter `a sortir votre portefeuille, c’est l`a d’ordinaire qu’on met les lettres qui ne doivent point tra^iner…
« Pr'ecis'ement, l’une de ces lettres est tomb'ee de votre poche, je vous l’ai rendue… Son contenu ne m’int'eresse pas, mais j’ai gard'e l’enveloppe et j’ai trouv'e, `a l’endroit o`u la fermeture porte de la gomme, un cheveu qui s’est intercal'e… C’est en mouillant avec ses l`evres cette gomme que M lle Paulette a pris un de ses cheveux qui est rest'e dans l’enveloppe !
« Il y a en outre, sur cette enveloppe, quelques taches tr`es caract'eristiques, provenant de l’eau dentifrice qu’emploie votre charmante amie, car je ne doute pas qu’elle ne soit charmante, c’est ce qui m’a permis de conclure que M lle Paulette, puisque Paulette il y a, a l’habitude d’'ecrire sa correspondance dans son cabinet de toilette avec ses cheveux 'etendus sur ses 'epaules… Et voil`a !
L'eon Drapier restait abasourdi devant les logiques d'eductions de Juve.
Il abandonnait son air arrogant et il se fit tr`es humble d'esormais, pour murmurer `a voix basse :
— Monsieur Juve, je vous admire, et je m’excuse encore une fois de l’attitude que j’ai eue `a votre 'egard. 'Ecoutez-moi bien. Je vous jure que je ne sais ce qui s’est pass'e… Je vous jure que je ne suis pour rien dans cette myst'erieuse affaire… Un seul point au surplus me pr'eoccupe et m’inqui`ete, surtout qu’on ne sache jamais chez moi que j’ai une ma^itresse et que je suis en relation avec Paulette de Valmondois !
Juve souriait aimablement.
— Vous pouvez compter sur moi, d'eclara-t-il d’un ton sinc`ere, pour ^etre la discr'etion m^eme ; puisque nous voici en confiance, et pour m’'eviter des recherches inutiles, ayez donc l’obligeance de me donner l’adresse exacte de M lle Paulette ?
L'eon Drapier sursauta :
— Et vous voudriez aller la voir ?
— Oui ! fit Juve.
— Et que lui direz-vous ?
— Ceci me regarde.
— Mais qu’a-t-elle `a faire dans tout ce drame ? Paulette n’est aucunement m^el'ee au malheur qui s’est produit…
— Peu importe !… J’aurai plaisir `a la conna^itre !
— Monsieur Juve, je vais vous accompagner chez elle.
— J’irai seul, je vous en prie !
— Monsieur Juve…
Juve 'etait d'ej`a sur le pas de la porte, et c’'etait en lui prenant sa main dans les deux siennes, que L'eon Drapier le retenait.
— Monsieur Juve… monsieur Juve…