Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
— Quoi, monsieur ?
— Vous disiez tout `a l’heure, il me semble, qu’il y avait peut-^etre, entre ma ma^itresse et la mort de Firmain, un lien quelconque. Je vous en supplie… fournissez-moi une explication, qu’est-ce que cela signifie ?
— N’ayez pas peur ! d'eclara Juve d’un ton rassurant, et ne prenez point pour parole d’'evangile chacune des id'ees que j’'emets ! Jusqu’`a pr'esent je ne peux rien vous dire, mais comptez que je ferai l’impossible pour savoir la v'erit'e, et que, d’autre part, je la dirai discr`etement. Alors ? nous disions que M lle Paulette de Valmondois habitait, habite du moins… ?
R'esign'e, subjugu'e par l’ascendant de Juve, L'eon Drapier articula :
— 187, rue Blanche, au premier au-dessus de l’entresol !
Juve, pos'ement, prenait note de l’adresse, et il se retirait. Il 'etait d'ej`a dans la galerie, lorsque, rebroussant chemin, il s’en vint demander `a L'eon Drapier en le fixant dans les yeux :
— Vous avez fait des d'eclarations formelles `a cet 'egard, vous avez sign'e deux proc`es-verbaux bien nets et bien pr'ecis, de votre nom, de votre titre de directeur de la Monnaie, de votre grade d’officier de la L'egion d’honneur, proc`es-verbaux dans lesquels vous aviez affirm'e avoir pass'e chez vous la nuit `a l’issue de laquelle s’est produit le crime…
— J’ai sign'e cela, en effet, fit L'eon Drapier, qui visiblement p^alissait.
— C’est donc que c’est la v'erit'e ? insista Juve.
Apr`es un instant de silence, L'eon Drapier articula en h'esitant :
— C’est bien la v'erit'e !
— Merci, monsieur !
— Au revoir, monsieur !
Quelques instants apr`es, Juve descendait l’escalier.
Le policier paraissait fort joyeux.
— Elle se pr'esente de facon bizarre, cette affaire, songeait-il, tandis qu’en r'ealit'e elle est fort simple !
« Voyons, j’imagine que cet homme ne tardera pas `a dire la v'erit'e. J’ai d'ej`a sa confiance, il ne me ment plus qu’`a moiti'e. Et encore, par pudeur… parce qu’il est g^en'e d’avouer qu’il a fait un mensonge…
« Tout va bien !
VI
Ma^itresse infid`ele
Paulette de Valmondois t'el'ephonait.
— Bien s^ur, mon gros ch'eri, que ca me fera plaisir de te voir… mais oui, tr`es plaisir !… Tu le sais bien, grande b^ete ! Seulement voil`a… comprends donc… Faut surtout pas t’amener avant cinq heures ce soir… Tu me demandes pourquoi ?… Ah ! par exemple, ca c’est pas ordinaire !…
Si l’interlocuteur, `a l’autre bout du fil, avait pu voir Paulette `a ce moment, il aurait remarqu'e que la jolie fille esquissait un geste instinctif d’ignorance absolue.
Mais l’interlocuteur, le
Or, Paulette venait de trouver une explication plausible au d'elai qu’elle sollicitait `a l’heure qu’elle imposait au « gros ch'eri ».
— C’est rapport `a mon p`ere, dit-elle, tu sais bien que c’est son jour, le mardi, qu’il vient me voir tous les mardis, et si jamais papa te rencontrait, ca ferait une histoire 'epouvantable… Oui, c’est entendu, tu seras gentil, tu ne viendras qu’`a cinq heures… Je t’embrasse de tout mon coeur… Tiens, l`a ! sur le cornet du t'el'ephone ! Je t’envoie mes baisers par le fil… Il ne faut pas plaisanter ? Ce sont des choses graves que tu as `a me dire ? C’est toujours des choses graves !… All^o, all^o, allons bon ! c’est coup'e !…
Paulette Valmondois raccrochait le r'ecepteur, l’appareil 'etait pos'e sur la table de la petite salle `a manger o`u se trouvait la demi-mondaine qui d'ejeunait en t^ete `a t^ete avec sa bonne.
Celle-ci, une petite Normande aux yeux tout ronds, avait 'ecout'e avec la plus grande attention l’entretien de sa patronne au t'el'ephone, elle s’en arr^etait de manger.
— Eh bien ? interrogea Paulette, qu’est-ce que t’attends, Frise-`a-plat, pour finir le saucisson ?
La bonne, une toute jeune gamine, piquait dans le plat deux rondelles de cervelas, puis na"ivement, apr`es les avoir fourr'ees dans sa bouche, elle articula :
— Pourquoi c’est t’y que vous lui avions dit de ne point venir avant cinq heures… puisque vous n’avez rien `a faire, sauf votre respect, que de vous regarder dans une glace tout l’apr`es-midi ?
Paulette jeta un regard de m'epris sur la bonne.
— T’es gourde, Fleur-de-Vice ! fit-elle ; tu n’as pas pour deux sous de raison… Penses-tu que je vais m’appuyer cet homme-l`a tout l’apr`es-midi !… Tu crois qu’il est rigolo ?… Perp'etuellement il a le trac d’^etre d'ecouvert par sa femme, toujours il me raconte que si sa famille 'etait au courant ca ferait des histoires `a n’en plus finir… Ah non ! de cinq `a sept ca suffit !… Et puis d’abord c’est l’heure des adult`eres, et comme il est mari'e, ca lui va comme un gant !
La jeune bonne, qui avait fini le saucisson, reprit avec ent^etement :
— N’emp^eche que c’est M. L'eon Drapier, un bien digne homme autant que je pouvions le savoir par les pourboires qu’il me donne, qui paie tout chez vous !
— Ca c’est vrai, la Normande, le loyer, les meubles et le reste. Sans compter la couturi`ere, ajoutait Paulette de Valmondois, qui 'eclatait de rire puis ajoutait : T^ete-de-Pomme, va-t-en chercher les c^otelettes !
La jeune bonne ob'eissait, revenait quelques instants apr`es dans la salle `a manger avec deux c^otelettes `a demi calcin'ees.
Les deux femmes en prenaient chacune une, et Paulette, sans rien dire, grattait consciencieusement toute la partie de la viande qui 'etait transform'ee en charbon.
— Eh ben ? qu’est-ce que t’attends, interrogea-t-elle, Cordon-bleu `a la manque, pour bouffer ?
Le cordon-bleu, ou soi-disant tel, d'eclara :
— C’est tout de m^eme une dr^ole de place chez vous ; si on m’avait dit comme ca, quand j’ai quitt'e le pays, que je serais en place chez une patronne qui me fait manger `a sa table, et qui m’envoie me promener pendant tout l’apr`es-midi, j’aurions dit que c’'etait des menteries… et pourtant, c’est ben vrai tout de m^eme !…
Paulette de Valmondois 'eclata de rire.
Et, imitant l’accent de la Normande, elle reprenait :
— C’est ben vrai tout de m^eme ! Ah ! Fleur-de-Gourde, on voit que tu d'ebarques de ton patelin ; n’emp^eche que tu vas te dessaler bient^ot.
« Vois-tu, moi, quand je suis arriv'ee de la Bourgogne, c’est pas pour dire, mais j’'etais aussi moule que toi. Mais ca n’a pas dur'e, je sais y faire, et je connais mon m'etier !…
— Tout de m^eme, fit la Normande d’un air offusqu'e, c’est pas un m'etier qui convient `a tout le monde d’^etre une demi-mondaine, il faut en avoir des mauvais instincts.