Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Juve, malgr'e lui, songeait `a Fant^omas et se disait que peut-^etre la vraie piste `a suivre 'etait celle qui consisterait `a chercher si le bandit n’avait point jou'e dans toute cette affaire un r^ole aussi myst'erieux que sanguinaire et f'eroce.
Mais Juve demeurait quand m^eme perplexe :
— Quand Fant^omas assassine, se disait-il, c’est qu’il y trouve un int'er^et de vengeance, ou alors un b'en'efice p'ecuniaire. Or rien dans l’existence de la famille Drapier, pas plus que dans celle de Paulette de Valmondois, ne fait pr'evoir que Fant^omas ait eu, `a un titre quelconque, `a s’occuper d’eux. D’autre part, l’assassinat de ce valet de chambre Firmain n’a 'et'e suivi d’aucun vol, d’aucune disparition d’objet de valeur, ou simplement m^eme d’argent. Le meurtrier n’a donc pas tu'e pour s’emparer de quelque chose… Quel a bien pu ^etre son but ?
Juve arrivait `a pr'eciser les donn'ees du probl`eme, mais il ne r'eussissait pas `a en d'ecouvrir les solutions.
C’est dans cet 'etat d’esprit qu’il arriva quai des Orf`evres et se dirigea vers le cabinet de M. Havard.
Juve venait l`a dans l’intention de conf'erer avec son chef. Un inspecteur qu’il rencontra dans le corridor lui lanca non sans 'emotion :
— Ah ! monsieur Juve ! que n’'etiez-vous l`a voici cinq minutes !
— Cinq minutes ? fit Juve, pourquoi ?…
— Le chef aurait bien voulu vous voir !
— Moi de m^eme, fit Juve. Mais encore, avait-il donc quelque chose d’urgent `a me dire ?…
L’inspecteur prenait Juve `a part, puis, lorsque ces deux hommes furent en t^ete `a t^ete, il d'eclara :
— Monsieur Juve, le chef est parti comme un fou en s’'ecriant :
— D'ecid'ement, cette affaire prend des proportions extraordinaires et il va falloir que je m’en occupe moi-m^eme !
Juve fronca les sourcils.
— Et, demanda-t-il, le chef parlait du crime de la rue de l’Universit'e ?
— Pr'ecis'ement.
— Il y a du nouveau ? demanda Juve.
— Oui, fit encore l’inspecteur. Vous savez, la ma^itresse du directeur de la Monnaie, la fille Poucke, dite Paulette de Valmondois ?…
— Oui, fit Juve intrigu'e, eh bien ?
— Eh bien, articula le policier, elle s’est suicid'ee.
— Vous plaisantez, cria Juve, je viens de la voir, il y a trois heures de cela !
— Il y `a deux heures, fit l’inspecteur que cette personne s’est log'ee une balle dans la peau. Il y a vingt-cinq minutes que nous sommes pr'evenus, et c’est pour cela que le chef est parti !
— O`u est-il all'e ? demanda Juve.
— Rue Blanche, d'eclara l’inspecteur.
Juve quittait son jeune coll`egue sans se pr'eoccuper des salutations d’usage, il le l^achait au milieu du corridor et, avec une agilit'e extraordinaire de la part d’un homme de son ^age, Juve bondissait en bas de l’escalier, sautait dans un taxi, arrivait rue Blanche quelques minutes apr`es.
Devant la maison o`u habitait Paulette de Valmondois 'etait arr^et'ee une des voitures automobiles des ambulances urbaines.
Naturellement, une foule consid'erable se pressait autour du v'ehicule, et l’on attendait avec une curiosit'e malsaine l’apparition de quelque bless'e, quelque malade, quelque moribond qu’assur'ement on allait transporter de l’int'erieur de la maison `a la voiture.
Juve, en apercevant le v'ehicule municipal, ne douta pas un seul instant qu’il ne soit l`a pour emporter Paulette de Valmondois. Toutefois, le policier laissa 'echapper un soupir de satisfaction.
— Oh, oh ! se dit-il, voil`a qui vaut mieux que ce que je redoutais ! Du moment que les ambulances urbaines sont l`a, c’est qu’il ne s’agit point d’un cadavre, mais de quelqu’un de vivant encore. Esp'erons que Paulette s’est manqu'ee, puisqu’il y a suicide, et que nous ne tarderons pas `a conna^itre les motifs de cette d'ecision d'esesp'er'ee qu’elle aurait prise !…
Juve fendait la foule, p'en'etrait `a l’int'erieur de la maison dont deux agents de police interceptaient l’acc`es.
Avant de monter `a l’appartement de Paulette de Valmondois, il s’introduisit dans la loge de la concierge, o`u se tenait, semblait-il, un myst'erieux conciliabule.
La concierge le connaissait, et Juve lui fit signe de ne point le nommer.
Il y avait dans la loge quelqu’un qui pleurait `a chaudes larmes, et que Juve reconnut aussit^ot : c’'etait la petite bonne normande de Paulette de Valmondois.
Elle 'etait si boulevers'ee qu’en voyant Juve elle ne reconnut point le personnage qui, quelques heures auparavant, 'etait venu rendre visite `a sa ma^itresse.
La petite bonne, au surplus, 'etait l'eg`erement grise. Depuis pr`es de trois quarts d’heure, sous pr'etexte de lui remonter le coeur, on lui faisait absorber vuln'eraire sur vuln'eraire, et `a un abattement occasionn'e par la violence de l’alcool absorb'e succ'edait une nervosit'e f'ebrile et un besoin de parler sans discontinuer, qui d’ailleurs ne d'eplaisait pas `a Juve.
Le policier s’'etait assis dans un coin de la loge, comme un camarade, comme un familier de la maison.
Et il faisait signe `a la concierge de continuer `a laisser parler la petite bonne. Juve escomptait, en effet, qu’au cours des nombreuses paroles qu’elle prof'erait sans suite, la Normande finirait bien par dire quelque chose qui aurait quelque int'er^et pour le policier.
La Normande geignait :
— Qui c’est qu’aurait dit ca tout d’m^eme, quand j’'etions en train d’manger du saucisson avec ma patronne, pas plus tard que ce midi, qu’elle allait s’p'erir deux heures apr`es !… Mais voil`a ! on n’sait jamais c’qui se passe chez les uns comme chez les autres ! Comme elle me l’expliquions, c’est point parce qu’elle rigolait qu’elle 'etait heureuse, p’t^ete ben que c’'etait le contraire… Enfin, les choses ont mal tourn'e, puisque la v’l`a quasiment morte `a c’te heure !… Tout d’m^eme ca m’fait de la peine !… J’oublierai jamais ca !… Quand j’suis rentr'ee dans le boudoir, et que j’l’ai trouv'ee saignant comme un veau, blanche comme la nappe et pas capable de dire trois paroles !… Ah ! j’en ai eu les sangs tout retourn'es. Quand j’ai trouv'e le pistolet `a c^ot'e d’elle, m^eme que j’osais pas y toucher rapport `a c’que j’avais peur que ce machin-l`a me parte dans les mains… C’est curieux, s’interrompait la petite Normande, comme j’ai soif !…