Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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L'eon Drapier ne s’arr^etait point `a la premi`ere hypoth`ese.
Il ne songeait plus au cri qu’il avait entendu, `a la menace prof'er'ee par cette voix myst'erieuse qui avait articul'e le nom de Fant^omas !
Il ne consid'erait qu’une chose…
C’est que sa ma^itresse agonisait sur le plancher, `a c^ot'e d’un revolver, et qu’assur'ement un nouveau scandale allait 'eclater.
— Ma tante !… ma femme !… mon h'eritage !… pensa L'eon Drapier.
En l’espace d’une seconde, il vit son existence mise `a jour dans les journaux, son adult`ere connu de tous, sa femme rompant avec lui, et sa tante le rayant, `a tout jamais, de son testament. Non, non ! il fallait qu’`a aucun prix on ne s^ut ce qui s’'etait pass'e, et qu’il se trouvait chez Paulette de Valmondois au moment o`u celle-ci se donnait la mort…
'Ego"istement, l^achement, L'eon Drapier se disait :
— Elle va mourir ! c’est certain ! Peut-^etre est-elle d'ej`a morte ; elle ne dira rien ! rien !
Alors, enjambant le corps inerte de la malheureuse, relevant le col de son pardessus pour dissimuler son visage en enfoncant son chapeau sur ses yeux, L'eon Drapier, `a pas de loup, quitta le tragique appartement dans lequel venait de se jouer un drame aussi inattendu qu’extraordinaire !
VII
Suicide ou assassinat
Le long de la Seine, un homme marchait. Il fumait une cigarette, puis, l’ayant consum'ee `a moiti'e, il la jetait, mais en allumait une autre aussit^ot apr`es, avec des gestes nerveux qui trahissaient incontestablement de sa part une 'emotion singuli`ere.
Ce homme-l`a, cependant, 'etait, de par sa profession, oblig'e `a conserver sans cesse son sang-froid et accoutum'e aux complications les plus extraordinaires. Certainement, au premier abord, on pouvait ^etre 'etonn'e de le voir agit'e.
Cet homme, en effet, n’'etait autre que Juve.
Le c'el`ebre inspecteur de la S^uret'e avait, trois heures auparavant, quitt'e le domicile de Paulette de Valmondois. Apr`es sa rapide visite `a la demi-mondaine, il s’'etait confirm'e dans cette hypoth`ese qu’assur'ement l’amant de la jeune femme n’'etait pas et ne pouvait pas ^etre coupable de l’assassinat du valet de chambre Firmain.
Sans s’en douter, au cours de son interrogatoire, Paulette de Valmondois avait fourni `a Juve un argument tr`es probant en faveur de l’innocence de son amant.
Pour que L'eon Drapier ne f^ut point suspect, il s’agissait en effet de d'emontrer qu’il avait pass'e la nuit enti`ere, la nuit du crime, hors de son domicile.
Sa d'eclaration cependant pouvait ne pas ^etre prise en consid'eration, la justice pouvait 'egalement suspecter sa ma^itresse d’une certaine complicit'e et ne croire qu’en partie les d'eclarations de Paulette de Valmondois affirmant que L'eon Drapier avait pass'e la nuit du crime avec elle, si rien n’'etait venu corroborer cette assertion.
Mais au cours de son interrogatoire, Paulette avait dit `a Juve :
— L'eon Drapier est descendu confier `a la concierge une lettre qu’il s’agissait de mettre `a la poste, vu l’urgence.
Et cela avait 'eclair'e d’un jour tout nouveau l’affaire aux yeux du c'el`ebre policier.
— Le voil`a bien, l’alibi qui innocente L'eon Drapier, s’'etait dit Juve, `a la condition toutefois que la d'eclaration de Paulette de Valmondois soit bien exacte.
Et Juve avait quitt'e la demi-mondaine pour s’en aller interroger la concierge qui lui avait confirm'e la d'eposition de sa locataire.
Juve, toutefois, ne s’'etait pas consid'er'e comme suffisamment 'edifi'e encore.
— Ces deux femmes peuvent s’entendre, songeait-il.
Et, pour contr^oler leurs d'eclarations, Juve s’'etait alors rendu au commissariat de police de la rue de l’Universit'e, il avait consult'e le dossier de l’affaire, et il avait fini par y d'ecouvrir, au nombre des pi`eces consid'er'ees comme sans importance, la lettre exp'edi'ee par Drapier `a sa tante Denise.
Or, cette lettre 'etait encore dans son enveloppe, et l’enveloppe portait bien le timbre de la premi`ere lev'ee du matin, date co"incidant avec celle du crime.
Juve alors s’'etait estim'e satisfait et renseign'e. Mais s’il acqu'erait la certitude de l’innocence de plus en plus 'evidente de L'eon Drapier, le myst`ere se compliquait `a ses yeux. Le motif du crime, comme la personnalit'e de l’assassin, cessait de plus en plus de lui appara^itre.
— Qui donc, se demandait Juve, peut avoir int'er^et `a la mort de cet homme ? Comment se fait-il qu’on l’ait assassin'e dans le cabinet de travail de son ma^itre ?… Qu’y faisait-il, au surplus, `a cette heure avanc'ee de la nuit ? C’est cela que je ne puis comprendre.
Un instant, Juve avait pens'e `a quelque douloureuse histoire d’amour qui s’achevait en menaces de chantage.
Il s’'etait demand'e si la bourgeoise, M me Drapier, n’avait pas commis une faute… n’'etait pas la ma^itresse de ce domestique, et si, au cours d’une sc`ene p'enible, elle ne s’'etait pas vue dans l’obligation de frapper cet amant, devenu pour elle un adversaire, un 'epouvantail.
Et Juve avait hauss'e les 'epaules, en se disant :
— Non ! M me Drapier n’est pas femme `a prendre un amant, surtout un tel amant ! Au surplus, il appara^it bien que le crime a 'et'e commis, non point par une femme, mais par un homme et m^eme par un homme qui a l’habitude, un homme dont la s^uret'e, la pr'ecision de main d'enotent de la facon la plus pr'ecise la rigoureuse 'energie et la froide cruaut'e.
Comme on l’avait constat'e dans le milieu des inspecteurs de la S^uret'e, le meurtre de Firmain 'etait un crime crapuleux, un crime fait par un professionnel…
Juve r'efl'echissait `a toutes ces choses en marchant le long de la Seine, et s’il 'etait 'emu, troubl'e, s’il m^achonnait nerveusement sa cigarette, l’allumant, la laissant 'eteindre, la jetant, la remplacant par une autre, c’est qu’une id'ee lancinante obs'edait son esprit.
Juve, malgr'e lui, songeait que chaque fois qu’un crime myst'erieux, incompr'ehensible se produisait, il lui fallait 'evoquer la sinistre silhouette du G'enie du crime, du Ma^itre de l’effroi…