Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Que disait-on `a ce sujet ?
C’est ce qu’il importait de savoir au plus t^ot.
Et si d’abord L'eon Drapier ne s’'etait pas 'emu en entendant parler de la fille Poucke, c’est qu’il ignorait que tel 'etait le nom v'eritable de sa ma^itresse.
L'eon Drapier poussait un profond soupir de satisfaction. 'Ego"istement, il se rass'er'enait.
— Mon nom n’est pas prononc'e, fit-il `a voix basse. Mon Dieu ! mon Dieu ! que ma femme ne sache jamais… et surtout que ma tante ignore !…
L'eon Drapier apprenait en effet que la police, convoqu'ee par la concierge, laquelle avait 'et'e mise au courant du drame par la petite bonne normande, 'etait accourue aussit^ot, et qu’on avait transport'e cette infortun'ee Paulette de Valmondois `a l’h^opital de Lariboisi`ere.
Son 'etat 'etait grave. Les m'edecins avaient constat'e, au premier examen, que la balle avait touch'e un poumon et 'etait ressortie juste au-dessous de l’omoplate. On ne savait pas si l’on sauverait la malheureuse…
L'eon Drapier, au surplus, ne s’apitoyait pas.
Tout sentiment 'etait an'eanti chez lui par le seul fait de la peur qu’il avait que sa femme conn^ut ses relations avec la demi-mondaine de la rue Blanche. Jusqu’`a pr'esent, il avait pu dissimuler, il esp'erait, malgr'e tout, qu’il pourrait continuer `a en ^etre de m^eme.
M me Drapier entra. Elle fit boire `a son mari quelques gouttes d’eau de m'elisse qu’elle lui apportait, m^el'ee `a de l’eau min'erale.
Il n’'eprouvait aucunement la sensation qu’il allait s’'evanouir. N'eanmoins, L'eon Drapier absorba la boisson qu’on lui pr'esentait.
Il prit un air indiff'erent pour d'eclarer `a sa femme :
— Cette histoire que tu viens de me lire, dont on parle dans le journal, n’a aucun int'er^et, aucune importance. C’est une de ces pauvres filles qui s’est donn'e la mort, souhaitons que les journalistes n’aillent pas amplifier cette affaire et soulever un scandale `a ce propos !…
— Ma foi, d'eclara M me Drapier, je souhaiterais plut^ot le contraire ! Un clou chasse l’autre ! Et si les journalistes pouvaient s’occuper de cette demoiselle et nous laisser tranquilles, j’en serais, pour ma part, fort heureuse !… Oui, concluait-elle, plus cette affaire-l`a grossira, et plus nous aurons la paix… Ce M. Mirat me l’a bien expliqu'e, les affaires, quelles qu’elles soient, n’ont que l’importance que leur donnent les journalistes. On 'etouffe un incident, un drame, comme on les grossit `a volont'e !
— Eh bien ! pensait en lui-m^eme L'eon Drapier, on ferait bien de l’'etouffer, cette histoire-l`a !…
Mais ce n’'etait pas l’avis de sa femme, et Drapier ne pouvait dire `a cette derni`ere les raisons qu’il avait pour d'esirer que le suicide de Paulette de Valmondois pass^at inapercu.
Les deux 'epoux, au surplus, apprenaient `a ce moment-l`a, par Caroline, que le d^iner 'etait pr^et, et d`es lors ils se mettaient `a table.
Le couple Drapier bavardait peu en temps ordinaire. Depuis la singuli`ere aventure, depuis le drame `a l’issue duquel on avait d'ecouvert le cadavre de Firmain, ils 'echangeaient encore moins de propos.
L'eon Drapier ne tenait pas `a donner `a sa femme des d'etails sur cette affaire, craignant d’^etre oblig'e de lui avouer qu’il avait d'ecouch'e toute la nuit du crime. Quant `a M me Drapier, elle conservait au fond de son coeur cette 'emotion tr`es troublante, la certitude que son mari avait menti `a la justice en affirmant qu’il 'etait l`a, dans sa chambre, `a l’heure o`u, vraisemblablement, Firmain avait 'et'e tu'e, alors qu’en fait M me Drapier savait que son mari n’'etait pas l`a.
Lorsqu’ils eurent achev'e de d^iner, les deux 'epoux ne tard`erent pas `a aller se coucher.
Il 'etait `a peine huit heures un quart du matin, quelqu’un parlementait `a la porte de l’appartement avec Caroline, la cuisini`ere, qui 'etait rest'ee seule domestique pour le moment chez les Drapier. On n’avait pas encore remplac'e le valet de chambre ; quant `a la femme de chambre, elle 'etait toujours souffrante.
Au surplus, Caroline n’avait pas grand-chose `a faire, d’autant que la tante Denise, douloureusement impressionn'ee par ce qui s’'etait pass'ee, 'etait brusquement repartie pour Poitiers, ce qui laissait fort ennuy'e L'eon Drapier, qui redoutait de perdre l’h'eritage.
Un homme, dans l’antichambre, sollicitait d’^etre introduit aupr`es de M. Drapier.
— Je vous dis, fit Caroline maussade, que monsieur est parti pour son bureau !
Mais l’homme secouait la t^ete et, esquissant un sourire qui signifiait qu’il en savait long, il rectifia :
— M. Drapier n’est pas parti ! M. Drapier ne partira que tout `a l’heure et m^eme arrivera tr`es en retard `a son bureau ce matin !
— Ah ! vraiment ! fit Caroline, vous ^etes mieux renseign'e que personne, vous !
— C’est peut-^etre mon m'etier, r'epliqua l’individu.
Caroline le consid'era. Elle avait en face d’elle un homme bien constitu'e, robuste, assez 'el'egant de tournure ; il pouvait avoir quarante `a quarante-cinq ans environ, il portait une 'epaisse moustache, il 'etait mis avec recherche.
— Encore un journaliste ! pensa-t-elle.
Elle demanda la carte de visite de l’interlocuteur.
Celui-ci tendit un bristol sur lequel Caroline lut ce simple nom : Mix.
Il n’y avait pas de qualit'e, pas d’adresse.
— De quel journal ? demanda-t-elle.
— Je n’appartiens pas `a un journal.
Puis l’homme, qui s’impatientait, ajouta :
— J’insiste pour que vous apportiez ma carte `a M. Drapier.
Caroline reprit son air guind'e.
— Je vous dis, moi, que monsieur ne recoit personne, et que seule madame recoit les journalistes. C’est de bien bonne heure pour la voir.
Sans se d'epartir le moindrement de son calme, l’individu, qui s’ent^etait, ajouta encore :