L'agent secret (Секретный агент)
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Vinson, qui n’avait pas perdu un geste de l’agent, poussa un soupir de satisfaction.
— Et allez donc, mes petits amis. Je ne sais pas si vous vous connaissez, mais, en tout cas, vous ^etes presque confr`eres, par cons'equent, vous ne serez pas emprunt'es l’un en face de l’autre. Vous allez pouvoir causer `a votre aise… L`a ! sonne donc !… Attends qu’on t’ouvre… Au fait, tu as aussi ton passe-partout… Mais entre donc, cher ami il y a du monde…
Le caporal Vinson paraissait s’amuser follement.
Le personnage qui montait l’escalier et avait, par son arriv'ee impr'evue, contraint l’agent du Deuxi`eme Bureau `a rentrer dans l’appartement de Fandor avait `a son tour sonn'e `a la porte du journaliste, puis, n’obtenant aucune r'eponse, prit le plus naturellement du monde une cl'e `a son trousseau et, `a son tour, s’introduisit chez le journaliste… Il refermait la porte au moment o`u Vinson lui adressait ironiquement un grand salut :
— Je regrette de ne pouvoir vous pr'esenter l’un `a l’autre… En revanche, je vous remercie pour le service que vous me rendez, sans vous en douter…
Le chemin 'etait libre, en effet ; le caporal Vinson rapidement chaussa ses godillots, gagna la rue, h'ela un fiacre :
— J’ai rat'e le rapide, mais j’aurai l’express. Chauffeur, `a la gare de l’Est !…
Tandis que le caporal Vinson se f'elicitait de la tournure prise par les 'ev'enements, l’agent, demeur'e chez Fandor, se croyait victime d’un cauchemar…
Entr'e pr'ecipitamment pour 'eviter de rencontrer le locataire qui montait, il avait entendu sonner et n’avait pu s’emp^echer de tressaillir.
Qui diable 'etait-ce ? Assur'ement pas l’inconnu qui s’'etait si myst'erieusement enfui… qui alors ?…
Au second coup de sonnette, l’homme avait r'efl'echi. Que faire ?
Apr`es tout, le mieux 'etait d’attendre dans le cabinet de travail du journaliste. Il 'etait plus que probable que, n’obtenant aucune r'eponse, le visiteur se retirerait.
Or, ce n’'etait point ce qui se passait.
Celui qui arrivait introduisit une cl'e dans la serrure et entra lui aussi, avec beaucoup d’assurance.
Aucune lampe ne br^ulait dans le cabinet de travail de Fandor. `A la seule lueur des becs de gaz de la rue, l’agent du Deuxi`eme Bureau distinguait mal les traits du personnage qui entra…
Ce n’'etait pas le journaliste, mais bien un homme d’une quarantaine d’ann'ees, coiff'e d’un chapeau mou dont les bords dissimulaient `a moiti'e le visage, engonc'e dans un pardessus.
L’homme adressa un petit salut `a l’agent d’un air tr`es naturel, puis, fit quelques pas dans la pi`ece, gagna la fen^etre, regarda au dehors, `a la facon de quelqu’un qui n’est pas chez lui et qui attend que le ma^itre de la maison soit de retour.
— Ah ca ! pensa l’agent du Deuxi`eme Bureau, qu’est-ce que cela signifie ? On jurerait que ce bonhomme est en visite !…
Quelques minutes pass`erent… Les deux hommes, fatigu'es de leur premi`ere pause, prirent des si`eges, s’assirent.
— Ce bonhomme se lassera, pensa l’agent ; il s’en ira et je m’en irai apr`es !…
Mais alors, toujours `a la facon de quelqu’un qui se consid`ere comme un peu chez lui, l’individu entr'e quelques minutes auparavant et trouvant sans doute qu’il avait trop chaud, d'epouilla son pardessus, le posa sur une chaise, enleva son chapeau et, tirant une bo^ite d’allumettes de sa poche, avisant une lampe pos'ee sur la chemin'ee, se disposa `a faire de la lumi`ere.
Les deux hommes maintenant se trouv`erent face `a face dans la pi`ece 'eclair'ee…
Soudain, rompant le silence, l’agent demanda :
— Vous attendez M. Fandor, monsieur ?
— Oui, monsieur, vous aussi, sans doute ?
— En effet… je crois d’ailleurs que nous l’attendrons longtemps… je l’ai vu tout `a l’heure, il avait une course press'ee `a faire, et je ne crois pas qu’il rentre avant…
— Cette grande barbe ! pensa l’inconnu, cette moustache hirsute !… et puis ce paquet d'epos'e l`a-bas… je connais cet individu-l`a…
C’'etait lui maintenant qui voulut rompre le silence…
— Eh bien, dit-il d’une voix aimable, puisque le hasard nous fait rester ainsi l’un en face de l’autre, voulez-vous me permettre de me pr'esenter, monsieur ?… Je suis Juve, inspecteur de la S^uret'e…
— Nous sommes presque confr`eres, en ce cas, monsieur, je suis l’agent Vagualame, attach'e `a la Statistique.
Et Vagualame tendit la main `a Juve…
— Nom de Dieu ! pensait Juve, Vagualame, ce Vagualame-l`a, chez Fandor, c’est significatif… non ! pas de doute, cette barbe est postiche, cette moustache aussi. Cet individu est grim'e…
Juve 'etait l’homme des d'ecisions rapides…
S’apercevant qu’il avait en face de lui un interlocuteur masqu'e, il allait, malgr'e les noms et qualit'es 'enonc'es se pr'ecipiter sur lui, mais, `a l’instant o`u Juve le d'evisageait, l’homme avait fronc'e les sourcils…
Et vif comme l’'eclair, sans laisser `a Juve le temps de se reconna^itre, il 'echappait `a sa poign'ee de main, bondissait vers la chemin'ee, renversait d’un coup de poing la lampe qui s’'eteignit, bousculant Juve, se pr'ecipitant vers la porte…
Juve de son c^ot'e, rapide comme l’'eclair, se pr'ecipitait `a la poursuite de Vagualame… Celui-ci toutefois avait quelques m`etres d’avance. Porte claqu'ee, escalier descendu quatre `a quatre, Juve sur ses talons, Vagualame atteignait la porte, criait :
— Cordon, s’il vous pla^it !
Juve emport'e par son 'elan, tr'ebucha contre la porte qui lui 'etait renvoy'ee sur le nez, roula sur le sol. Quand Juve arriva dans la rue, furieux, hors d’haleine, personne au long des trottoirs !