L'agent secret (Секретный агент)
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— La tante Palmyre ! Ah, vous tombez bien ! D'ecid'ement mon pauvre Vagualame, vous ^etes stupide aujourd’hui, mais la tante Palmyre c’'etait tout simplement un de mes coll`egues du Deuxi`eme Bureau…
— Tant mieux, se dit Juve, je m’en doutais.
— Vagualame, vous parliez tout `a l’heure de la ma^itresse de Brocq. D’apr`es vous, Nichoune n’aurait eu aucune relation avec le capitaine ? Quelle serait donc la femme ?…
— H'e ! sugg'era Juve, cherchez ailleurs…, autour d’elle.
— Attention, Vagualame, dit l’officier, pesez bien vos paroles.
— Soyez sans crainte, monsieur Henri…
— Vous croyez peut-^etre que c’est Bobinette ?…
— Non !
— Alors, alors ce serait…
— Wilhelmine de Naarboveck… Oui.
Un cri d’indignation retentit, cependant que, d’un formidable coup de pied, l’officier, incapable de se contenir, envoyait le faux Vagualame rouler dans la boue grasse sur la berge de la Seine.
— L’animal ! grommela tout bas Juve en se relevant ; si je n’'etais pas Vagualame dans la circonstance, je saurais comment lui r'epondre…
Mais le policier avait accept'e d’avance le r^ole d'elicat qu’il jouait avec ses avantages et ses inconv'enients : il se redressa en tr'ebuchant comme un vieillard, alla s’accouder `a la rampe de l’escalier qui conduit au quai.
Le lieutenant de Loubersac, sans para^itre se pr'eoccuper de son interlocuteur, allait et venait, en proie `a une agitation extr^eme et sans souci d’^etre entendu, il monologuait `a haute voix :
— Sales individus !… sales gens !… sale m'etier !… ils ne respectent rien !… insinuer de semblables choses ! Wilhelmine de Naarboveck, la ma^itresse de Brocq… ah, c’est ignoble !… quelle honte !… quelle calomnie !…
— Monsieur Henri…
`A cet appel, l’amoureux e^ut une recrudescence de col`ere :
— Taisez-vous ! hurla-t-il, vous m’'ecoeurez !…
— Mais, insista le faux Vagualame, si je vous ai parl'e comme je l’ai fait, c’est parce que ma conscience…
— Avez-vous donc des consciences, vous autres ? Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
— Peut-^etre, fit Juve 'evasivement…
— Il faut me les donner !
— Des preuves, non, je n’en ai pas, r'epondit l’'enigmatique vieillard, mais j’ai des pr'esomptions…
— 'Ecoutez, nous ne pouvons pas continuer cet entretien ici. Demain nous nous retrouverons comme d’ordinaire… ne m’abordez plus sans le mot de passe…
— Diable, pensa Juve, comment faire pour le conna^itre, ce fameux mot ?
Le policier eut une inspiration :
— Il ne faut plus l’employer, d'eclara-t-il avec assurance, car j’ai peur que notre consigne habituelle ne soit br^ul'ee… oui, je vous expliquerai pourquoi…
— Soit, que dirons-nous dor'enavant ?
— Je dirai
— Et, continua Juve, moi je r'epondrai « dirigeable ».
— D’accord !
Press'e d’en finir, le lieutenant de Loubersac avait rapidement gravi les marches de l’escalier.
Il atteignait le haut du quai que Juve demeurait encore sur la berge.
Soudain il se frappa le front :
— Monsieur Henri ! appela-t-il.
— Quoi ?
— Le rendez-vous, pour demain ?
L’officier venait de faire signe `a un taxi-auto qui passait. Il se pencha sur le parapet et jeta `a Juve, `a peine arriv'e au milieu de l’escalier :
— Mais, `a trois heures et demie, au Jardin, comme d’ordinaire…
***
Le faux Vagualame, enfin parvenu sur le trottoir du quai, regardait navr'e partir au loin l’automobile qui emportait l’officier !
Mais quelques secondes apr`es, Juve riait dans sa fausse barbe blanche :
— Apr`es tout, je m’en fiche, j’ai tir'e de celui-l`a tout ce qui m’int'eressait, peu importe que je ne le revoie plus… et… `a nous deux maintenant, Bobinette…
14 – SUR UNE TOMBE
— Ah ! par exemple, tiens, quelle surprise !… Figurez-vous, dit M llede Naarboveck, que je viens d’apercevoir dans cette glace que vous nous suiviez…
L’apostrophe soudaine de M llede Naarboveck paraissait d'econtenancer Henri de Loubersac : une vive rougeur montait au front du bel officier qui, s’'etant aussit^ot d'ecouvert, serra chaleureusement dans la sienne la main que venait de lui tendre la jeune fille. Il balbutia quelques vagues excuses pour ne l’avoir point reconnue. Le lieutenant adressa 'egalement un salut aimable `a M lleBerthe qui accompagnait la fille du baron de Naarboveck.
M llede Naarboveck 'etait, ce jour-l`a, jolie comme un coeur, sous sa toque de ragondin. Plus simplement mise, mais n'eanmoins avec recherche, Bobinette la suivait en jaquette de drap gros bleu soulignant la ligne gracieuse de sa taille, cependant qu’un chapeau aux larges ailes encadrait le visage irr'egulier mais attirant de la piquante fille.
— Que faites-vous donc par ici, lieutenant ?
— J’allais… rendre une visite… c’est un tr`es heureux hasard qui m’a mis sur votre chemin. O`u alliez-vous, Wilhelmine ?
— Je vais prier sur une tombe.
— Me permettrez-vous de vous accompagner ?
— Je vous demanderai, fit-elle, de me laisser aller seule, j’ai l’habitude de prier sans t'emoins… Qu’avez-vous donc, Henri ?
— 'Ecoutez, Wilhelmine, j’aime mieux tout vous dire… Oh ! vous allez mal me juger, mais ce secret me p`ese. Notre rencontre de tout `a l’heure n’est pas fortuite, mais bien voulue… en ce qui me concerne du moins. Depuis quelques jours je suis inquiet, pr'eoccup'e… jaloux… Certes, jamais dans votre attitude, je me plais `a le reconna^itre, vous ne m’avez donn'e de motifs qui me permettent de douter de vos sentiments `a mon 'egard…