L'agent secret (Секретный агент)
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— Avez-vous du nouveau ?
— Non, mon colonel. C’est-`a-dire : je dois vous r'epondre : Non…
Le colonel Hofferman regarda assez intrigu'e le brillant officier :
— Que diable voulez-vous exprimer ? demanda-t-il.
Et prenant famili`erement le lieutenant de Loubersac par le bras, le colonel Hofferman l’entra^ina :
— Venez donc faire un tour de jardin, il ne fait pas froid du tout ce soir, et tant qu’`a causer s'erieusement, j’aime mieux causer `a l’'ecart…
— Vous avez raison, mon colonel, prudence est m`ere de la s^uret'e.
Le colonel haussait les 'epaules :
— Je ne voudrais pas faire un jeu de mot, mais enfin puisque vous parlez de la S^uret'e, je ne peux pas m’emp^echer de noter qu’elle gaffe terriblement dans les affaires qui nous pr'eoccupent… Nom d’un chien ! ces maudits policiers ne peuvent donc jamais se tenir tranquilles ?…
— Ils ont encore enqu^et'e ? s’informait le lieutenant de Loubersac.
— Non, l’avertissement que j’ai fait donner, et que j’ai donn'e moi-m^eme au fameux Juve a d^u servir de lecon. Ils se tiennent en repos maintenant. Mais je peste toujours `a propos des incidents de l’autre jour…
Le colonel Hofferman fit une pause, s’interrompit, et respectueusement, le lieutenant de Loubersac se garda d’interrompre son chef.
— Enfin, lieutenant, reprit subitement le colonel Hofferman, croyez-vous que nous en sortirons jamais, de ces aventures ? que disiez-vous tout `a l’heure ? vous avez du nouveau, tout en n’en ayant pas ! c’est une r'eponse de Normand, ca, vous ne m’avez pas habitu'e `a tant de circonlocutions ?…
— Mon Dieu, mon colonel, r'epondit en riant le lieutenant de Loubersac, ce n’est point seulement une r'eponse de Normand, c’est la r'eponse de quelqu’un qui h'esite `a se prononcer, et qui cependant…
— Qui cependant, quoi ? lieutenant ?… Avez-vous une id'ee de l’endroit o`u peut ^etre le document perdu ?
— Non…
— Vous avez des renseignements sur la mort de Brocq ?
— Hum !
— Sur la mort de Nichoune, peut-^etre ?
— Mon colonel, avez-vous remarqu'e que depuis quelques jours je ne vous ai transmis aucun rapport de l’agent Vagualame ?
— Diable qu’allez-vous chercher l`a….
— Je ne cherche rien, mon colonel… je constate. Nichoune est morte assassin'ee, cela ne fait pas de doute, mon colonel… Nichoune, c’'etait la ma^itresse du caporal Vinson. Le caporal Vinson 'etait sur le point de trahir, s’il n’avait pas trahi d'ej`a. C’'etait de plus l’amie du capitaine Brocq, et le capitaine Brocq est mort au moment o`u disparaissait le document… autant de constatations !
— Je ne vois pas o`u vous voulez en venir ?
— Mon Dieu, mon colonel, `a ceci : Nichoune a 'et'e trouv'ee morte le samedi 19 novembre… la veille, Nichoune avait recu la visite de notre agent Vagualame.
— Eh bien, lieutenant ?
— Eh bien, mon colonel, je n’aime pas beaucoup cela, mais ce que j’aime moins encore, c’est qu’il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de voir Vagualame. Or, il a paru, au premier moment, vouloir nier qu’il avait 'et'e `a Ch^alons.
— Oui… en effet… c’est assez symptomatique… Vagualame… mais dites-moi, lieutenant, comment saviez-vous que Nichoune avait recu la visite de Vagualame ?
— Depuis quelque temps, mon colonel, Vagualame 'etait sous la surveillance de l’officier charg'e de surveiller nos agents. Vagualame avait 'et'e pris en filature par le capitaine Loreuil, travesti en tante Palmyre, qui a d'ecouvert, le lendemain du jour de la visite de Vagualame, l’assassinat de Nichoune dont il avait eu le soupcon, trouvant que Vagualame avait `a l’endroit de la jeune femme une attitude surprenante…
— Oui, dit le colonel Hofferman, tout cela est grave, mais enfin, il faudrait admettre que Vagualame a jou'e double jeu, qu’il ait 'et'e `a la fois espion et tra^itre ? mais vous n’avez, somme toute, lieutenant, pour incriminer cet agent que nous connaissons depuis longtemps qu’un bien vague indice… l’esp`ece de r'eticence que vous avez cru qu’il mettait `a reconna^itre son voyage `a Ch^alons ?…
— En effet, mon colonel, si je n’avais que cela…
— Vous savez autre chose ?
— Je sais, mon colonel, que j’avais donn'e rendez-vous hier `a cet agent, au Jardin, comme d’habitude, que je l’y ai attendu… qu’il n’est pas venu…
Le colonel Hofferman reprenait le bras du lieutenant, et revenait vers les salons :
— On nous observe peut-^etre, fit-il. Je vous le r'ep`ete : dans ces maudites f^etes, on ne sait jamais au juste qui vous voit et qui ne vous voit pas. Dites-moi, lieutenant, c’est infiniment grave ce que vous m’apprenez l`a… Si Vagualame 'etait v'eritablement en fuite, c’est que Vagualame serait l’assassin de Nichoune, et dans ce cas, rien n’emp^echerait de le soupconner d’une infinit'e de choses que je n’ai pas besoin de vous pr'eciser…
Le colonel Hofferman, en achevant ces mots, d'esignait `a l’officier qui l’accompagnait un personnage qui se tenait `a l’entr'ee de la grande salle :
— Passons de l’autre c^ot'e, dit-il, voil`a M. Havard, je ne tiens pas du tout `a me rencontrer avec lui… Lieutenant, toute affaire cessante, retrouvez-moi Vagualame dans les trois jours, sinon donnez un mandat au service des recherches… Je vous verrai demain `a dix heures, au minist`ere…
Tandis que le colonel Hofferman s’entretenait avec le lieutenant de Loubersac, J'er^ome Fandor, qui assistait – en J'er^ome Fandor naturellement – au bal de l’'Elys'ee, s’occupait de la m^eme affaire.