L'agent secret (Секретный агент)
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M. de Naarboveck fit entrer ses visiteurs dans le fumoir :
— `A quoi dois-je l’honneur de votre visite, messieurs ?
L’inspecteur Michel prit la parole :
— Vous nous excuserez, monsieur, de nous pr'esenter `a pareille heure `a votre domicile, mais, si nous avons enfreint les usages, c’est qu’il s’agit d’un cas exceptionnellement grave. Nous sommes depuis quelques jours porteurs d’un mandat d’amener, et nous allons, avec votre permission, proc'eder dans votre h^otel `a une arrestation…
— Il faut, en effet, messieurs, que l’arrestation que vous m'editez soit particuli`erement importante pour que vous vous permettiez de vous introduire chez moi `a pareille heure. Puis-je savoir ce dont il s’agit ?
L’inspecteur Michel acquiesca d’un signe de la t^ete.
— Il n’y a aucun inconv'enient `a cela, monsieur, tout au contraire. L’individu que nous venons arr^eter chez vous est un bandit inculp'e de deux assassinats dont vous n’^etes pas sans avoir entendu parler : l’assassinat du capitaine Brocq et celui d’une chanteuse de caf'e-concert appel'ee Nichoune… C’est un individu connu sous le nom de Vagualame que nous venons appr'ehender !
— Vagualame… balbutia le baron de Naarboveck d’une voix toute blanche.
Et si violent 'etait son trouble, qu’il dut s’appuyer au coin de la chemin'ee…
— Nous 'etions en surveillance sur l’esplanade des Invalides, il y a une heure environ, effectuant une filature qui n’a aucun rapport avec l’affaire en question, lorsque, tout d’un coup, nous avons apercu l’individu nomm'e Vagualame qui s’approchait de votre h^otel…
Le baron de Naarboveck leur coupa la parole :
— Vous avez vu Vagualame… s’'ecria-t-il avec l’air abasourdi d’un homme qui se trouve soudain en pr'esence d’une bande de fous… mais c’est… c’est…
Toutefois, le diplomate semblait s’excuser de sa surprise.
L’inspecteur Michel affirmait :
— Cela est, monsieur !
Puis il continuait :
— Apr`es avoir h'esit'e quelques instants et s’^etre assur'e que personne ne le suivait – nous venions de nous dissimuler derri`ere des arbres – Vagualame s’est introduit chez vous, monsieur, et d’une extraordinaire facon qui ne laisse aucun doute sur ses intentions sinistres. Il a grimp'e au mur en s’aidant d’un tuyau de goutti`ere, et a p'en'etr'e dans l’h^otel par une fen^etre entreb^aill'ee au troisi`eme 'etage.
***
— Vous avez entendu, Bobinette ?
Elle avait entendu et elle fr'emit. Puis r'eagissant :
— Vagualame, murmura-t-elle, il faut fuir…
— Pourquoi ? interrogea le vieillard.
Bobinette eut un geste de d'esespoir et, s’'elancant vers lui, le fixant les yeux dans les yeux :
— Mais ne comprenez-vous donc pas ce qui se passe ? On a d^u vous apercevoir, on vient ici…
Vagualame haussa les 'epaules :
Le vieillard ne paraissait aucunement 'emu.
— Bah ! tu te fais des id'ees.
Mais il n’en 'etait pas de m^eme de la jeune femme.
Bobinette, en s’approchant de Vagualame, avait vu son regard, et ce regard soudain lui parut inconnu.
Est-ce que le Vagualame qu’elle avait devant elle 'etait bien le vrai Vagualame, son ma^itre, celui auquel elle ob'eissait aveugl'ement depuis si longtemps ? N’'etait-ce pas, au contraire, un faux Vagualame, et dans ce cas… qui 'etait-ce ? La r'eponse `a cette question s’imposait… Un faux Vagualame ne pouvait ^etre qu’un adversaire de la bande dont Bobinette 'etait membre important, ce ne pouvait ^etre qu’un agent de la police. D`es lors, tout 'etait perdu.
Bobinette, le coeur battant `a faire 'eclater sa poitrine, recula avec peine de quelques pas, car ses jambes se d'erobaient sous elle.
Elle atteignit un petit chiffonnier, ouvrit nerveusement un tiroir et, d’un geste brusque, y plongea la main.
La jeune femme, de ses doigts tremblants, venait de rencontrer, parmi les chiffons et les dentelles, la crosse froide d’un revolver. Sa r'esolution 'etait prise : si elle 'etait tomb'ee dans un guet-apens, si elle s’'etait involontairement livr'ee `a la police, plut^ot que de subir la honte d’une arrestation, l’angoisse des enqu^etes et la torture du ch^atiment, elle se ferait justice, mais auparavant…
Auparavant, elle ferait payer cher leur victoire `a ceux qui la remporteraient.
Mais elle formait `a peine ce projet que Vagualame, avec une insoupconnable agilit'e, avait bondi sur elle.
Sa main 'etreignit le poignet de la jeune femme, le serra comme un 'etau, et Bobinette, c'edant `a la violente douleur qu’elle 'eprouvait, se vit oblig'ee de l^acher l’arme que d'ej`a elle avait au poing.
Vagualame lui ordonna :
— Pas de blagues… du sang-froid ! D’abord, sors d’ici, va sur le palier savoir ce qui se passe, et ne crains rien.
Interdite, Bobinette regarda encore une fois Vagualame. L’espoir revint. Pour parler ainsi, l’homme qui se trouvait devant elle devait bien ^etre son ma^itre, son complice, et cependant, en d'epit de son d'esir de compter sur sa protection, Bobinette ne pouvait y croire. Il y avait toujours ces yeux, ces terribles yeux de Vagualame, qui n’'etaient pas ceux du Vagualame qu’elle connaissait.
Juve, en un 'eclair, avait pens'e aux envahisseurs. Qui 'etait-ce ? Il se dissimula derri`ere le rideau de la fen^etre, ne laissant passer que son visage. De ce poste d’attente, il pouvait surveiller les all'ees et venues, et particuli`erement les mouvements de Bobinette qui titubait `a l’entr'ee de sa chambre.
Quatre personnes venaient d’atteindre le palier. L’agent Michel et son coll`egue regardaient avec stup'efaction les deux personnages qu’ils y rejoignaient : le palefrenier et son 'etrange m`ere.
Quelques instants auparavant, le baron de Naarboveck avait appel'e aupr`es de lui sa fille Wilhelmine.
— Qui sont donc ces messieurs ? demanda la grosse m`ere du palefrenier.
Mais l’agent Michel prit la parole :
— Qui ^etes-vous, madame ? Que faites-vous l`a ?