L'agent secret (Секретный агент)
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— Vous allez bien loin, il me semble ?…
— Eh non, je ne vais pas trop loin. Qui a fait le coup ? je le sais par les enqu^etes de mes propres agents, par les renseignements du Parquet… eh bien, c’est Vagualame, un vieux faux mendiant qui avait des accointances avec le minist`ere…
En entendant la d'eclaration extraordinaire de M. Havard, J'er^ome Fandor ne put s’emp^echer qu’`a grand-peine d’'eclater de rire.
Vagualame coupable, l’id'ee lui semblait bonne… M. Havard, assur'ement, 'etait incompl`etement renseign'e… il imaginait que Vagualame avait de vagues accointances avec le minist`ere… il ne savait pas que c’'etait, en r'ealit'e, l’un des agents r'eguliers du Deuxi`eme Bureau, l’un des hommes de confiance du colonel Hofferman…
En un 'eclair, J'er^ome Fandor vit l’int'er^et de la conversation…
J'er^ome Fandor se disait :
— Que la S^uret'e paralyse l’action de Vagualame, et je serai, moi, faux caporal Vinson, d’autant plus libre pour agir…
— Vous avez de graves pr'esomptions ?
— Oui, de tr`es graves pr'esomptions, r'epondit M. Havard… Je sais de source certaine qu’il a vu Nichoune la veille de sa mort. Je sais que depuis il a quitt'e Ch^alons et n’y est plus revenu… je sais que cet individu avait des relations suivies avec des gens peu recommandables, qu’on peut soupconner d’espionnage… peut-^etre m^eme espionnait-il personnellement…
— Si j’'etais `a votre place, monsieur Havard, sachant ce que vous avez l’air de savoir, je n’h'esiterais pas une seconde… je d'eciderais l’arrestation de Vagualame…
— Et qui vous dit, Fandor, demanda Havard, que je n’ai pas, en effet, pris cette d'ecision ?
17 – ENFIN DANS LA PLACE.
Premier entracte.
On venait de voir, sur la toile o`u s’effectuaient les projections, se silhouetter le profil d’un coq, signature de l’entreprise cin'ematographique dont le film s’'etait d'eroul'e, et la lumi`ere renaissait dans la salle, 'eclairant les grands murs nus, le plafond d'elabr'e de l’'etablissement connu, dans la rue des Poissonniers, sous le nom de
Parmi les spectateurs, un couple compos'e d’un affreux vieillard `a barbe blanche et d’une jolie fille rousse.
`A peine l’'eclairage eut-il 'et'e rendu que le vieillard, s’adressant `a sa compagne, lui murmurait :
— Je vais profiter de l’entracte pour aller fumer une cigarette.
La jeune femme approuva d’un signe de t^ete.
Le vieillard, qui s’acheminait rapidement vers la sortie, attirait un peu l’attention de ses voisins par sa silhouette impr'evue. Il portait en bandouli`ere un accord'eon en ruine, mais cela n’avait pas grande importance. Dans ce milieu, on ne s’'etonne de rien.
Le joueur d’accord'eon, c’'etait le policier Juve qui, poursuivant la s'erie de ses enqu^etes, continuait `a se pr'esenter `a diverses personnes dont la conversation l’int'eressait particuli`erement, sous l’aspect de Vagualame, personnalit'e adopt'ee un certain temps par Fant^omas jusqu’au moment o`u Juve l’avait d'emasqu'e.
Juve, exact au rendez-vous que lui avait accord'e huit jours auparavant la jolie Bobinette, avait eu la chance, `a l’heure dite, de rencontrer la jeune femme sous le p'eristyle de l’'etablissement o`u ils devaient se joindre.
Si Juve avait choisi cet 'etrange lieu de rendez-vous, c’'etait afin de ne pas risquer de choquer son entourage par son accoutrement.
Certes, le policier aurait bien pu retrouver Bobinette dans un d'ebit de vins comme il en pullule dans les quartiers excentriques, mais il avait pr'ef'er'e, afin de ne pas 'eveiller les soupcons de Bobinette, qui aurait pu, en t^ete `a t^ete avec lui, d'ecouvrir, `a certains indices, qu’il n’'etait pas le vrai Vagualame, se rencontrer avec elle, non seulement dans un lieu public, o`u la biens'eance voulait que l’on regard^at machinalement devant soi le spectacle qui se d'eroulait, mais encore dans un lieu o`u, de par les n'ecessit'es du programme, il faisait noir presque tout le temps.
Juve, tout en faisant les cent pas devant l’'etablissement, en attendant la sonnette de l’entracte, se frottait les mains, satisfait de la facon dont marchait son enqu^ete.
Bobinette, depuis une heure `a peine qu’elle 'etait avec lui, l’avait `a peu pr`es compl`etement renseign'e sur son emploi du temps depuis huit jours.
Bobinette informait donc Juve que son voyage `a la fronti`ere avait 'et'e couronn'e de succ`es, et que la combinaison avec le caporal Vinson 'etait
Et Juve, `a qui Bobinette parlait d’une facon qui aurait 'et'e fort nette pour le vrai Vagualame, mais qui comportait n'eanmoins beaucoup d’obscurit'es pour le faux bandit, retenait toutefois ce fait 'evident que le caporal Vinson 'etait l’un des tra^itres les plus audacieux, l’une des plus grandes fripouilles que l’on p^ut imaginer.
Bobinette avait encore dit `a Juve que le moment approchait singuli`erement o`u le « gros coup » allait ^etre effectu'e, car, ajouta-t-elle `a l’oreille de son pseudo-chef, « demain, Vinson sera `a Paris ».
Le policier n’osait pas insister pour avoir des renseignements compl'ementaires, craignant d’'eveiller les soupcons de la confiante Bobinette.
***
Apr`es l’entracte, l’interrogatoire continua. Juve mit en doute ce que Bobinette avancait :
— Puisque je vous dis que le caporal V… doit apporter avec lui le plan de la pi`ece en question…
— Le plan… tr`es bien, mais c’est insuffisant…
— Puisque je vous dis que j’ai entre les mains le d'ebouchoir destin'e `a l’agent du Havre. La fabrication en est tellement compliqu'ee que, sans le dessin qui a servi `a la construire, la pi`ece ne serait que d’un m'ediocre int'er^et. Nous avons d'ej`a la pi`ece – je vous dis qu’elle est entre mes mains, – demain nous poss'ederons le plan, gr^ace `a Vinson !… Peut-on esp'erer mieux ?
D'esormais, Juve eut une id'ee fixe, un irr'esistible d'esir.
Il voulait `a toute force voir de ses yeux le fameux d'ebouchoir. Lorsqu’il se fut fait comprendre nettement par Bobinette, celle-ci le regarda avec des yeux ahuris :
— Mais vous n’y pensez pas, Vagualame ? Je ne prom`ene pas cette pi`ece avec moi !
— Je pense au contraire, poursuivit Juve, que tu la gardes pr'ecieusement chez toi, bien dissimul'ee ?
— Assur'ement, r'epliqua Bobinette.