L'agent secret (Секретный агент)
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— Mon lieutenant, 'ecoutez… Monsieur de Loubersac…
`A ces derniers mots, impatient'e, presque furieux, le jeune homme 'el'egant se retourna, et consid'era son interlocuteur.
L’officier se trouvait en pr'esence de Vagualame.
— Je vous colle vingt-cinq louis d’amende, avez-vous perdu la t^ete pour m’interpeller dans la rue ? ^etes-vous devenu fou ?…
— J’ai besoin de vous voir et de vous parler, dit le mendiant.
— Demain ?
— Non, tout de suite, c’est urgent !…
— Qu’avez-vous donc ?
— Un refroidissement… Il faut absolument que nous causions.
Le lieutenant de Loubersac regardait autour de lui, non sans une certaine anxi'et'e. Comme s’il devinait la pens'ee de l’officier, Vagualame d'esigna du doigt le petit escalier raide, qui conduisait aux berges de la Seine :
— Descendons au bord de l’eau, dit-il, nous serons tranquilles…
L’officier acquiesca.
Personne `a ce moment ne passait sur le quai, devant la L'egion d’Honneur.
Tandis que l’officier allait le premier, Vagualame eut dans le regard un 'eclair de joie. Quiconque l’aurait regard'e de pr`es aurait vu que cet oeil percant, vif, n’'etait pas l’oeil aux regards obliques qui caract'erisait habituellement la physionomie de Vagualame…
C’est qu’en effet, le Vagualame qui venait de racoler sur le trottoir le lieutenant de Loubersac n’'etait pas le vrai Vagualame, mais le policier Juve.
Le tr`es subtil inspecteur, au lendemain de la fameuse soir'ee qu’il avait pass'ee dans l’appartement de J'er^ome Fandor, allant de surprise en surprise, avait d'ecouvert que Vagualame, agent du Deuxi`eme Bureau, 'etait un personnage habilement camoufl'e et que ce personnage n’'etait autre que Fant^omas.
Le plan du policier avait 'et'e d'ecid'e en un 'eclair : Interroger ou, pour mieux dire, faire parler l’officier qui entretenait les relations les plus suivies avec Vagualame, sans se douter le moins du monde de l’identit'e de son Vagualame d’hier encore.
Juve, toutefois, n’avait pas abord'e le lieutenant de Loubersac sans inqui'etude, car il ignorait si l’officier et son agent n’avaient pas de mot de passe.
Soudain, ce fut le lieutenant de Loubersac qui l’interrogea :
— Et l’affaire V… ?
— L’affaire V… ? peuh ! elle va toujours… Pas grand-chose de neuf !…
— Notre caporal, ajouta-t-il, a d^u regagner Verdun aujourd’hui…
D'ecid'ement, Juve 'etait sur la bonne piste.
— Sa permission, poursuivit le lieutenant, expirait ce matin ?…
Juve assura :
— Il est parti hier soir, j’en ai la preuve…
— Et vous avez du nouveau ?
— Pas encore…
— Irez-vous `a Verdun ?
— Peut-^etre, l^achait Juve `a tout hasard.
Mais il avait encore une inqui'etude, l’officier changeant de sujet, venait de lui demander :
— Et alors, le document ?
— Hum ! grommela encore Juve…
En v'erit'e, ca n’'etait pas le policier qui menait l’interrogatoire, mais bien l’attach'e du Deuxi`eme Bureau et le jeu commencait `a devenir dangereux…
Heureusement que Loubersac aidait, par ses questions, les r'eponses :
— Je pense, d'eclara-t-il, que vous le recherchez toujours ?
— Bien s^ur, fit Juve.
— Vous le savez, c’est cinquante mille francs que je vous donne en 'echange…
— H'e ! fit le faux Vagualame avec une moue comique, moins les vingt-cinq louis d’amende…
— Nous en reparlerons…
Puis il poursuivit :
— Les 'ev'enements ont march'e depuis la mort de la ma^itresse du capitaine Brocq…
— Comment, elle est morte ?
— Ah, ca, voyons, Vagualame, ^etes-vous donc compl`etement idiot ?…
— Mais pourquoi, mon lieutenant ?
L’officier tapa du pied :
— Pas de lieutenant, vous dis-je, M. Henri… Henri tout court… comme vous voudrez… Vous ignorez donc l’affaire de Ch^alons ? l’assassinat de la chanteuse Nichoune ?…
— Mais non ! d'eclara le faux Vagualame…
— Alors ?…
— Alors, articula Juve qui venait d’avoir une id'ee, alors… non ! j’aime mieux me taire !…
— Parlez…
— Non !
— Je vous l’ordonne !…
— Eh bien, poursuivit le policier qui jouait de mieux en mieux son r^ole de Vagualame, puisque vous voulez ma pens'ee, j’estime que Nichoune n’'etait pas du tout la ma^itresse de Brocq.
— On a trouv'e chez elle des lettres du mort…
— Mise en sc`ene…
— Par exemple !
— Mais au fait, vous devez ^etre mieux renseign'e que personne, vous causiez encore avec Nichoune vendredi, la veille de sa mort ?
Juve allait protester, l’officier poursuivit :
— L’h^otelier vous a vu…
— Tiens ! tiens !… pensa Juve, auquel cette d'eclaration ouvrait des horizons…
— D’apr`es vous, qui aurait tu'e Nichoune ?
— Ma foi, je suis tent'e de croire que le coupable pourrait bien ^etre la tante Palmyre…