L'agent secret (Секретный агент)
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— Quel tableau ! pensa le p`ere Louis.
— Ouf ! s’'ecria-t-elle, l’p`ere Louis, que c’est donc loin, votre cambuse !… Ma parole, j’ai cru que je n’arriverais jamais… Alors, comment c’est-y qu’elle va ma fille ?
Interloqu'e, soupconneux presque, le p`ere Louis regardait la grosse personne.
— Qui donc que vous ^etes ? demanda-t-il d’un ton bourru, je ne vous remets pas !
— Parbleu s’'ecria la vieille, parbleu, ca n’est pas 'etonnant que vous ne me reconnaissiez pas, puisque vous ne m’avez jamais vue !… Mais, vous savez qui je suis, `a force d’en entendre parler… Je suis la tante Palmyre !… la tante `a Nichoune.
— En effet !… en effet…
— C’est moi qui l’ai 'elev'ee, c’t’enfant, car elle est rest'ee orpheline, la pauv’gosse `a l’^age de quatorze mois… Elle a recu une belle 'education, et maline avec ca ! La m^eme chose que moi, j’vous dis… D’abord, dans la famille nous sommes toutes cocottes de g'en'eration en g'en'eration… Il n’y a pas de sot m'etier, pas vrai ?… Qu’est-ce que vous avez donc `a rigoler comme une baleine ?…
L’h^otelier riait `a gorge d'eploy'ee…
Ah ! elle n’'etait pas ordinaire, la tante Palmyre, avec son bagout intarissable !
Quant `a ce qui 'etait d’^etre cocotte, passe encore pour la ni`ece, mais la vieille ! ca, c’'etait trop farce !…
— Oui, oui, poursuivit la bonne femme, fichez-vous de moi, maintenant ! Heureusement que j’ai bon caract`ere…
Mais elle s’interrompait :
— C’est pas tout ca, mon vieux p`ere Louis, o`u c’qu’est la carr'ee de Nichoune, que j’coure l’embrasser…
— Au rez-de-chauss'ee… fond du couloir…
Mais il lui barrait le chemin.
— Vous n’y pensez pas, `a huit heures, r'eveiller Nichoune maintenant, elle en ferait une musique !
— Bah ! s’'ecria la tante Palmyre, quand elle verra que c’est moi, cette ch`ere enfant… Regardez plut^ot je lui apporte des douceurs…
— Ma foi, pensa le p`ere Louis, si Nichoune gueule, elles s’expliqueront !…
La tante Palmyre frappait `a la porte `a poings redoubl'es, mais aucune r'eponse ne venait de l’int'erieur.
— C’qu’elle en a du sommeil !
— Dame ! r'epliqua le p`ere Louis, quand on se couche `a quatre heures…
Toutefois, le silence persistant intriguait l’h^otelier.
Il chercha `a voir par le trou de la serrure et, n’y parvenant pas, car celle-ci 'etait bouch'ee par la cl'e, le plus simplement du monde il sortit une petite vrille de sa poche et perfora la porte…
La tante Palmyre, souriante, le regardait faire ; elle cligna de l’oeil et, poussant du coude le p`ere Louis :
— Hein ! mon gaillard, tu la connais ! Faut croire qu’il y a des soirs o`u tu ne t’emb^etes pas.
En homme exerc'e, l’h^otelier collait son oeil `a l’orifice qu’il venait de faire.
— Ah ! nom de Dieu !…
— Quoi donc ? interrogea la vieille femme alarm'ee. C’est-y que la chambre est vide ?…
— Vide, r'ep'eta l’h^otelier, non, mais…
L’homme 'etait devenu tout p^ale, il fouilla dans sa poche, en tira un tournevis : en un tour de main, il avait d'etach'e la serrure… il se pr'ecipita aussit^ot dans la pi`ece, suivi de la tante Palmyre qui bient^ot piailla `a son tour :
— Ah ! Seigneur, doux J'esus, qu’est-ce qu’elle a ?…
Nichoune, 'etendue dans son lit, aurait paru dormir si deux d'etails 'etranges n’avaient aussit^ot frapp'e les regards. Le visage de la jeune femme 'etait violac'e, et elle avait les deux bras en l’air affreusement blancs.
L’h^otelier et la vieille femme s’apercurent que les bras de Nichoune 'etaient maintenus dans cette position verticale au moyen d’une ficelle assez forte, attach'ee aux poignets, qui 'etait fix'ee au ciel-de-lit…
— Mais, s’'ecria l’h^otelier, elle est morte !
La tante Palmyre, qui, quelques instants auparavant, n’avait cess'e de protester de sa sinc`ere affection pour sa charmante ni`ece, ne paraissait pas autrement impressionn'ee. Elle jetait de rapides regards tout autour de la pi`ece, sans manifester d’'emotion. Attitude qui ne dura qu’une seconde… Soudain, la vieille femme 'eclata en lamentations, poussa des cris percants. Dieu ! qu’elle 'etait encombrante dans sa douleur. L’h^otelier effar'e ne savait que faire. Avec de grands gestes, il imposa silence `a la vieille :
— Taisez-vous ! faites pas de bruit !.. bougez pas !… surtout ne touchez `a rien avant l’arriv'ee de la police…
— La police ! geignait la tante Palmyre, mais c’est 'epouvantable !…
Toutefois, `a peine l’h^otelier s’'etait-il retir'e, que la vieille, avec une dext'erit'e remarquable se mit `a chercher dans les meubles en d'esordre et, ma^itrisant une extr^eme surprise, prenait en h^ate un certain nombre de papiers qu’elle enfouissait dans son corsage tout en jetant des regards inquiets du c^ot'e du couloir.
`A peine eut-elle termin'e que l’h^otelier revenait, accompagn'e d’un agent de police…
En vain le p`ere Louis s’efforcait d’attirer le gardien de la paix jusque dans la pi`ece. L’agent ne voulait rien savoir.
— Que je vous dis, r'ep'etait-il de sa grosse voix, que ce n’est pas la peine que je consid`ere ce cadavre… que M. le commissaire, il va arriver tout `a l’heure et qu’il fera lui-m^eme les constatations l'egales…
Dix minutes environ s’'ecoul`erent. Le magistrat annonc'e se pr'esenta, accompagn'e de son secr'etaire, et proc'eda aussit^ot `a un interrogatoire sommaire de l’h^otelier. Mais il 'etait impossible, en pr'esence de la tante Palmyre, de faire le moindre travail s'erieux. L’insupportable vieille ne comprenait rien aux questions, parlait `a tort et `a travers.