L'agent secret (Секретный агент)
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— Que voulez-vous ? pr'ecisait J'er^ome Fandor.
— B'e dame ! faisait l’autre…
Et du doigt il montrait la porte que Fandor tenait toujours `a demi ouverte.
Le journaliste regarda ce qu’on lui montrait.
Une seconde, il demeura muet de stup'efaction, puis 'eclata d’un franc 'eclat de rire.
Sur la porte, `a l’aide de deux punaises, un farceur avait fix'e un 'ecriteau « W.-C. », probablement d'ecroch'e ailleurs !
Le journaliste comprenait maintenant `a merveille pourquoi trois personnes avaient voulu p'en'etrer dans la pi`ece sans m^eme prendre la peine de frapper… Tromp'es par l’'ecriteau, les voyageurs descendus `a l’h^otel s’imaginaient 'evidemment que ce n’'etait point l`a une chambre…
Fandor haussa les 'epaules, arracha l’'ecriteau, referma sa porte et s’en vint se recoucher…
Mais comme il arrangeait confortablement son oreiller, une pens'ee se faisait jour dans son esprit :
— Je parierais gros que mon pr^etre ne dort pas du tout, malgr'e sa respiration r'eguli`ere, je jurerais que c’est lui qui a trouv'e le moyen d’accrocher cet 'ecriteau, pour ^etre certain que nous soyons d'erang'es tout le temps et qu’il ne puisse pas s’endormir…
Et devinant la ruse, Fandor froncait les sourcils :
— Oh ! mais !… oh ! mais ca commence `a m’ennuyer, toutes ces aventures-l`a ! que je sois seulement persuad'e que mon bonhomme dort pour de bon et je crois bien que moi…
J'er^ome Fandor s’occupa `a se r'eciter Le Cid, pour ^etre bien certain de se tenir 'eveill'e…
21 – ENTENTE CORDIALE
— Faisons la paix ? offrit Juve.
Le policier tendait sa main large et vigoureuse :
— Faisons la paix, franchement, sans arri`ere-pens'ee !
Le lieutenant de Loubersac 'etait en face de l’inspecteur de la S^uret'e. Sans h'esiter l’officier accepta le pacte et serrant dans les siens les doigts de Juve :
— C’est entendu, monsieur, nous sommes bien d’accord.
L’inspecteur et l’officier se trouvaient sur la jet'ee du port de Dieppe. Il 'etait trois heures de l’apr`es-midi et par ce jour froid de d'ecembre les flots au loin avaient un aspect sinistre. La temp^ete venait d’ouest et les rares bateaux de p^eche qui s’'etaient aventur'es au large ralliaient avec la mar'ee la direction du port.
Depuis qu’ils 'etaient arriv'es `a Dieppe, Juve et Henri de Loubersac s’'etaient machinalement efforc'es de s’'eviter l’un l’autre, mais la topographie de la ville devait 'evidemment les ramener sans cesse au m^eme point, car `a peine s’'etaient-ils tourn'es le dos avec des mines maussades et ennuy'ees, qu’ils se retrouvaient face `a face…
***
La veille au soir, `a la suite de son arrestation sous la forme de Vagualame, Juve avait 'et'e conduit au D'ep^ot par les inspecteurs de la S^uret'e, ses coll`egues.
Mais aussit^ot dans le taxi o`u il montait sous la surveillance de l’agent Michel et de son compagnon, Juve s’'etait fait reconna^itre `a la grande surprise des deux policiers qui, d’ailleurs, ne laissaient pas d’^etre fort ennuy'es de cet incident au sujet duquel leur amour-propre aurait peut-^etre `a souffrir.
Ils accueillaient sans enthousiasme le r'ecit de Juve, car au fond, ils se sentaient profond'ement vex'es, non seulement de ne pas avoir arr^et'e le coupable, qu’ils avaient mission d’appr'ehender, mais encore de n’avoir pas, sur-le-champ, d'ecouvert que l’individu grim'e qu’ils entra^inaient hors de l’h^otel de Naarboveck n’'etait autre que leur coll`egue.
Celui-ci, d`es le d'ebut de l’'etrange entretien qui avait lieu dans le taxi, pendant le court trajet qui s'eparait l’Esplanade des Invalides de la Pr'efecture de police, s’'etait dout'e, avec son flair habituel, que l’agent Michel et son coll`egue n’'etaient pas en bonnes dispositions pour lui pr^eter, `a lui Juve, leur appui b'en'evole.
Et Juve, ne voulant pas compromettre son plan de campagne, renoncant `a son premier projet, avait d'ecid'e de ne point leur parler du caract`ere 'eminemment suspect de Bobinette, encore moins de la complicit'e de la jeune femme avec le v'eritable Vagualame, complicit'e que depuis quelques jours, surtout depuis le soir m^eme, il avait cat'egoriquement 'etablie.
Que pouvait-on faire de Juve une fois au D'ep^ot ?
Force fut `a Michel de lui enlever les menottes et de lui rendre sa libert'e. Toutefois, Michel sollicita de son coll`egue la promesse formelle qu’il viendrait, d`es le lendemain matin, mettre M. Havard au courant de ce qui s’'etait pass'e.
Juve avait promis.
Le lendemain matin, en effet, le policier, d`es sept heures, 'etait recu par le Chef de la S^uret'e. Il esp'erait n’^etre retenu que quelques minutes `a peine et pouvoir s’en aller `a la gare de l’Est attendre l’arriv'ee du caporal Vinson. Malheureusement, l’entretien fut long et le policier une fois rendu libre, renonca `a son projet. Il 'etait trop tard. Au surplus, Juve n’avait pas perdu son temps `a la Pr'efecture, car un coup de t'el'ephone venant du Deuxi`eme Bureau de l’'Etat-Major avait avis'e la S^uret'e que le caporal Vinson, arriv'e `a Paris, allait se rendre prochainement `a Dieppe o`u un bateau de plaisance 'etranger prendrait possession d’une pi`ece d’artillerie d'erob'ee et recueillerait vraisemblablement `a son bord, par la m^eme occasion, le caporal en question.
Juve, muni de ces renseignements qui co"incidaient avec ceux recueillis par lui la veille au soir, de la bouche m^eme de Bobinette, qui compl'etaient en somme ceux de la jeune femme, d'ecida qu’il importait au plus vite de gagner Dieppe et d’y effectuer une surveillance.
Juve avait pu prendre `a la gare Saint-Lazare, le train dit
Or, voici qu’install'e dans son wagon de premi`ere classe, il avait reconnu, se promenant dans le couloir, un officier du Deuxi`eme Bureau dont la silhouette lui 'etait famili`ere. Le lieutenant Henri de Loubersac… Le train s’'ebranlait `a peine que, dans le compartiment o`u Juve 'etait seul, vint s’asseoir l’officier de cuirassiers. Lui aussi avait identifi'e le policier.
Or, Henri de Loubersac qui 'etait au courant, depuis quelques heures, de l’arrestation du faux Vagualame, avait compris que c’'etait avec Juve qu’il s’'etait entretenu sur le quai pr`es la rue de Solferino. Si dans l’int'er^et de la D'efense Nationale le mal n’'etait pas grand, l’officier du Deuxi`eme Bureau 'etait profond'ement mortifi'e de s’^etre ainsi laiss'e berner par un civil.
C’'etait l`a, pensait-il, des proc'ed'es que l’on n’employait pas, des proc'ed'es indignes d’un galant homme.