L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Moins de dix minutes apr`es qu’il e^ut donn'e ses ordres, M. Havard, qui s’entretenait avec Juve au centre du campement des chiffonniers, portait `a ses l`evres un sifflet d’argent et en tirait deux coups stridents et prolong'es.
C’'etait le signal des op'erations. C’'etait aussi le commencement des sc`enes les plus p'enibles qu’il soit possible d’imaginer. De toutes parts, en effet, aux coups de sifflet du chef de la S^uret'e, les officiers de paix entour'es d’agents se pr'ecipitaient, heurtant `a la porte des cabanes.
Il 'etait `a peu pr`es minuit. Les chiffonniers qui s’'etaient couch'es `a six heures du soir et ne devaient commencer leur travail qu’`a quatre heures du matin, s’'eveillaient, ne comprenant rien `a ce qui se passait.
— Ouvrez, au nom de la loi.
— Mais qu’y a-t-il ?
— On vous le dira tout `a l’heure.
Les portes s’entreb^aillaient, des faces effray'ees d'evisageaient avec des yeux d’'epouvante l’uniforme des gardiens de la paix, puis des protestations s’'elevaient.
— Mais qu’est-ce qu’on nous veut ?
— Nous sommes d’honn^etes gens.
— Alors, on ne peut plus dormir tranquilles.
Les agents n’avaient point le temps de s’attarder `a donner des explications.
— Allez, criaient-ils, d'ep^echez-vous. Par ordre du service sanitaire, on va mettre le feu `a votre cambuse. Emportez ce que vous avez de plus pr'ecieux.
Et, `a ces paroles, des lamentations 'eclataient, des pleurs, des grincements de dents. Les agents venaient d’allumer des torches de r'esine dont la flamme fumeuse avait des 'eclats rougeoyants.
En moins d’un quart d’heure, tout le camp des chiffonniers fut sur pied et l’exode commenca.
Il y avait l`a de pauvres vieux, `a demi infirmes, qui s’'eloignaient en s’appuyant sur des b'equilles branlantes et qui n’emportaient pour tout bien que leur crochet, leur hotte, il y avait des enfants qui pleuraient, terrifi'es, s’accrochant aux jupes de leurs m`eres qui, bl^emes, `a moiti'e v^etues, avec des figures de haine et de col`ere, s’en allaient, abandonnant les quelques planches qui constituaient tout leur avoir, se demandant o`u aller passer la fin de la nuit et ce qu’elles deviendraient le lendemain.
Le d'esespoir pourtant qui se lisait sur certaines figures n’'etait pas g'en'eral heureusement.
Si certains chiffonniers s’affolaient `a l’id'ee de l’incendie qu’on leur annoncait, d’autres, plus habitu'es aux mesures de la Pr'efecture, qui avaient d'ej`a vu trois ou quatre op'erations analogues, n’y pr^etaient pas grande importance, ne se faisaient gu`ere de souci :
— Bah, disaient-ils, on nous chasse, cette nuit, mais on sera revenu demain. Ce n’est pas la peine de se faire du mauvais sang.
***
Deux heures plus tard, le campement des chiffonniers 'etait enti`erement 'evacu'e.
Les agents ayant chass'e les derniers retardataires, torche en main, mettaient le feu aux baraques.
— Juve ? Savez-vous que c’est une affaire rat'ee ?
— J’en ai bien peur.
— Notre investissement 'etait parfait, tous les chiffonniers qui ont 'et'e expuls'es ont pass'e devant nos hommes et pourtant nous n’avons pas pris le Camelot.
Juve hochait la t^ete, vex'e.
— Vous avez raison, monsieur Havard, c’est une affaire rat'ee. Il ne reste plus personne dans le campement ?
— Non, je ne crois pas.
— Vous restez encore, monsieur Havard, ou vous regagnez la Pr'efecture ?
— Bah, je n’ai plus rien `a faire, nous n’avons plus rien `a faire ici. Venez-vous, Juve ?
— Je viens, monsieur Havard.
M. Havard s’'etait lourdement tromp'e en affirmant `a Juve que l’affaire 'etait manqu'ee, qu’il ne restait plus personne dans le campement.
Quelqu’un se trouvait encore au centre m^eme des baraquements qui flambaient de toutes parts et dont s’'etaient retir'es, peu `a peu, tous les chiffonniers, puis les agents.
Qui 'etait-ce ?
Alors que les agents frappaient rudement `a la porte de la cabane habit'ee par l’Accapareur, la fille de Fant^omas, souple et rapide, avait bondi hors de son lit, puis saut'e par la fen^etre, courant `a toute vitesse vers le fond du jardinet o`u l’on entassait les mat'eriaux.
La fille de Fant^omas, en effet, ne se trompait nullement sur la nature des 'ev'enements qui survenaient.
— Une rafle, murmura-t-elle, c’est une rafle.
Et imm'ediatement, avec cette pr'esence d’esprit dont elle avait maintes fois donn'e la preuve, H'el`ene s’'elanca vers une sorte de monceau de vieilles ferrailles dans laquelle elle fouilla avidement.
— Je parie, murmurait-elle, je parie que c’est encore Juve qui est la cause de cette aventure. Mais il ne l’aura pas.
Elle 'etait superbe `a voir en ce moment, l’extraordinaire jeune fille. `A peine v^etue, ses longs cheveux flottant au vent, le visage contract'e par une expression de volont'e farouche, avec une force que d'ecuplait son 'enervement, elle remuait les lourdes pi`eces de fer.
Et soudain, comme elle d'eplacait une 'enorme plaque de t^ole qui gisait l`a, elle eut un cri de triomphe :
— Le voil`a. Ils ne l’auront pas. Je le sauverai ou je p'erirai.
H'el`ene, agenouill'ee, ramassa, cach'e sous une pierre, le fameux portefeuille rouge qui devait d'ecider du sort de la Russie, le portefeuille repris chez l’'equarrisseur.
Il lui avait fallu cependant pr`es de vingt minutes d’un travail affol'e pour d'eplacer le tas de ferraille, pour parvenir jusqu’`a la cachette du portefeuille. C’'etait miracle que les agents ne l’eussent point entendue. C’'etait miracle qu’on ne se f^ut pas pr'ecipit'e sur elle. Mais sa situation, `a vrai dire, n’'etait pas meilleure pour cela.