L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Ce hangar o`u nul ne p'en'etrait que de temps `a autre, furtifs, se dissimulant, paraissant honteux d’y entrer, quatre hommes, les passants se le montraient du doigt. Ce hangar sinistre dont les enfants se d'etournaient, que les chiens flairaient avec un hululement lugubre, ce hangar qui se dressait au centre de la rue de la Folie-Regnault, en plein Paris, c’'etait le hangar de « La Veuve », le logis de la Guillotine, l’atelier officiel de Monsieur de Paris, de Deibler, de ses aides, du bourreau et du bourreau-valet.
Perp'etuellement silencieux, abandonn'e `a de longs sommeils, hant'e sans doute par de terribles apparitions, le hangar de la rue de la Folie-Regnault, o`u dormaient les deux guillotines mises par l’'Etat `a la disposition du bourreau, l’une pour Paris, l’autre pour la province, s’'eveillait cependant certains soirs, et ces soirs-l`a, dans le quartier, une agitation f'ebrile se produisait immanquablement, cependant que circulaient des bruits de mort, des bruits d’ex'ecution.
Les commercants qui avoisinaient le hangar de la
Les reporters alors arrivaient `a la chasse des informations, pistaient Deibler, accompagnaient les fourgons qui, au petit jour, s’'eloignaient du hangar sinistre, et de la sorte, le lendemain, ils savaient o`u l’on ex'ecutait, pouvaient s’y rendre et publier de sensationnels reportages sur la facon dont on avait tu'e… tu'e, l'egalement.
Le Hangar Rouge.
Bien qu’il s’abrit^at avec un soin extr^eme, une quasi-honte de lui-m^eme, derri`ere des portes imp'en'etrables, il avait presque une vie `a lui, une existence propre. Le Hangar Rouge pesait sur tout le quartier du poids formidable de son horreur, de la crainte qui naissait des sinistres objets qu’il conservait jalousement. De temps `a autre, des 'etrangers intriguaient pour obtenir du bourreau le droit d’en franchir le seuil, mais rares 'etaient ceux qui obtenaient la permission souhait'ee, plus rares encore ceux qui, l’ayant eue, osaient entrer par la porte qui conduisait jusqu’au hangar, jusqu’au Hangar Rouge, ce hangar o`u dormaient les guillotines, les machines `a tuer, les « Veuves » qui, toujours, appellent des amants, les serrent une fois contre leur poitrine puis les rejettent `a l’oubli des cimeti`eres.
***
— Jean-Marie, puisque vous ne connaissez pas encore « le travail », je vous conseille tout bonnement de m’aider `a essuyer les pi`eces. Vous verrez ensuite comment se monte la machine, car je vais la dresser ce soir m^eme, ici, dans le hangar, afin de m’assurer qu’elle fonctionne. Nous la d'emonterons ensemble demain matin. Faites attention. J’imagine que vous n’avez pas de sottes frayeurs ?
— De la frayeur, monsieur Deibler ? Vous voulez plaisanter. Dites que je suis aux anges. Vous savez bien ce que je vous ai avou'e le jour o`u nous avons fait connaissance ? Je n’ai qu’une passion, moi, le sang, l’odeur du sang, la ti'edeur du sang. Ah, ma foi, monsieur Deibler, je vous assure que je n’ai aucune terreur. Non, ce n’est pas la guillotine qui me fera jamais frissonner, moi, au contraire, enfin, je veux dire : qui me fera frissonner de peur.
`A sept heures du soir, M. Deibler 'etait venu myst'erieusement en compagnie de ses quatre valets au Hangar Rouge. Son arriv'ee 'etait ce soir-l`a presque pass'ee inapercue, car il ne venait jamais aussi tard.
`A l’int'erieur du Hangar Rouge, M. Deibler et ses aides, le plus tranquillement du monde et comme accomplissant une besogne fort ordinaire, pr'eparaient la guillotine, la montaient lentement, s’assurant que l’humidit'e ne l’avait pas d'et'erior'ee, que le couteau glissait irr'eprochablement au long de ses bras, que la bascule jouait librement, qu’au cours de la prochaine ex'ecution, enfin, aucun incident ne viendraient entraver l’oeuvre de justice.
— Jean-Marie, appelait M. Deibler de temps `a autre. Regarde bien, ce n’est pas compliqu'e, mais encore il convient de ne point faire de gaffes. Tu vois ? Ce montant se visse de cette mani`ere, et celui-ci se place ainsi.
Jean-Marie recevait des mains des autres aides, les unes apr`es les autres, les diff'erentes pi`eces des bois de justice.
Et de la sorte, dans le Hangar Rouge o`u M. Deibler venait d’allumer trois falots qui r'epandaient une lueur blafarde, le bourreau et ses aides, paisiblement, travaillaient `a leur travail sinistre, auquel ils 'etaient loin d’ailleurs d’attribuer le caract`ere lugubre qu’on lui pr^ete habituellement.
— Le couperet, disait M. Deibler, qui maniait avec indiff'erence, dans ses fortes mains, le tranchet triangulaire qui glisse entre les bras de la
C’est enfantin.
M. Deibler aimait cette expression.
— Je ne d'ecide rien, disait-il souvent, j’ex'ecute. Je ne suis pas le cerveau, je suis la main. Que je sois ou non partisan de la peine de mort, on n’a m^eme pas `a s’en pr'eoccuper. Ma profession est d’^etre bourreau. Je suis bourreau. Et voil`a tout.
Tels n’'etaient pas les sentiments de Jean-Marie…
Lorsque, M. Deibler, en effet, frapp'e de l’insensibilit'e de l’apache contemplant, sans un tressaillement la mort de son camarade, 'etait entr'e en relation avec lui, il ne s’y 'etait pas tromp'e. M. Deibler avait estim'e que cet homme ferait un parfait valet de guillotine, qu’il serait `a l’abri de toute nervosit'e, de toute 'emotion m^eme. Il avait vu juste.
Au cours de la r'ep'etition sinistre que le bourreau faisait dans le Hangar Rouge, Jean-Marie, en effet, maniant pour la premi`ere fois les montants de la « Veuve », sentant le contact des bois gluants de sang, pr^ets `a en boire encore, ne tressaillit m^eme pas.
Jean-Marie n’'etait encore venu au Hangar Rouge que quelques fois. On e^ut jur'e qu’il 'etait familier du sinistre local.
— Excellente recrue, pensait d’ailleurs le bourreau en contemplant son nouvel aide.
Et, tout naturellement, comme s’il n’avait point communiqu'e une nouvelle d’importance, M. Deibler instruisait l’apache :
— Jean-Marie, la guillotine que nous venons de monter est celle qui fonctionne `a Paris, celle dont nous nous servons le plus commun'ement, en somme celle qui, probablement, tranchera le cou du Camelot d’ici `a quelques mois, si, comme il est probable, ce criminel est condamn'e `a mort par le jury, lorsqu’il passera en Cour d’Assises. Allons d^iner. Nous reviendrons d’ici une heure et nous monterons l’autre guillotine, celle dont nous nous servirons dans trois jours, celle que nous utiliserons `a Quimper pour guillotiner cet autre criminel, OEil-de-Boeuf, condamn'e `a mort pour avoir assassin'e un officier russe.