L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Juve 'etait bl^eme, Juve tremblait de tous ses membres.
Et comme l’instant fatal s’'eternisait, comme le couperet ne tombait pas, Juve le premier s’'etait 'ecri'e :
— Cela ne peut pas durer. Il faut d'etacher le condamn'e. Vous voyez bien que la guillotine est truqu'ee. Il faut t'el'egraphier au Pr'esident de la R'epublique qu’il fasse gr^ace.
Le Procureur, qui d’ailleurs perdait la t^ete, hurlait lui aussi au bourreau :
— Vous voyez bien que la guillotine est cass'ee. L^achez le condamn'e. Qu’on le ram`ene en prison.
Dans un grand brouhaha, les aides de Deibler, affol'es, entra^in`erent OEil-de-Boeuf.
Les officiels, sur les traces du condamn'e, s’engouffr`erent dans la prison, dont les portes ouvertes semblaient happer le cort`ege de tous ces hommes 'eperdus.
Seul, Juve demeurait `a c^ot'e de la guillotine, en compagnie de Deibler, de Deibler, bl^eme lui aussi, pour une fois.
Et Juve encore, fut le premier `a comprendre.
Il se pr'ecipita d’un mouvement fou vers la guillotine, il s’agenouilla sur les premiers montants des bois de justice, il se penchait sous la bascule, et soudain il hurla :
— L`a, l`a, ah, sacr'edi'e, je m’en doutais. Ce ne peut ^etre que Jean-Marie qui a fait cela. Ah mis'ericorde.
Et Juve introduisant la main dans le m'ecanisme commandant le syst`eme de bascule en retirait, au risque de se faire broyer les doigts, quelque chose de rouge, quelque chose qui 'etait cach'e l`a, quelque chose qui 'etait le portefeuille rouge.
C’'etait le moment o`u la populace affol'ee, hurlante, d'ebordait les barrages, envahissait la petite place.
— Monsieur Juve.
Deibler qui d’abord n’avait rien compris au geste du policier qui, atterr'e, avait regard'e sans voir, cette chose rouge que Juve, une seconde, agitait triomphalement, avait voulu se pr'ecipiter sur le d'etective. Deibler n’avait pas fait deux pas qu’il se heurtait au premier groupe se pr'ecipitant vers la machine sinistre et poursuivi par les gendarmes. Le bourreau fut pris dans un remous de foule, bouscul'e, renvers'e presque, il ne voyait plus Juve.
Juve avait disparu.
***
— Il faut jouer serr'e.
Juve, hors d’haleine, ayant couru de toute la vitesse dont il 'etait capable, jusqu’`a la gare, se pr'ecipita comme un furieux au guichet o`u l’on d'elivrait les billets.
— Pas de doute, songeait le policier `a cet instant ; Fant^omas doit ^etre l`a. Fant^omas doit avoir vu que je m’emparais du portefeuille. Il doit ^etre sur ma piste. Je vais l’avoir `a mes trousses dans moins de cinq minutes. Ah, Dieu veuille qu’un train parte tout de suite, parte avant qu’il ait pu me rejoindre. Dieu veuille que je puisse porter jusqu’`a Paris ce document, que je puisse le remettre entre les mains du prince Nikita.
Et Juve, cogna au guichet, faisant un vacarme de tous les diables :
— La pr'epos'ee ? C’est stupide. Il n’y a donc personne. Un billet pour Paris. Un billet de premi`ere. Vite.
Les appels du policier, ses hurlements plut^ot, avaient fini par secouer l’apathie d’un employ'e, occup'e `a lire un journal du lieu.
— Eh bien, quoi ? apr`es ? Vous en avez une mani`ere, de demander un billet. Vous avez bien le temps. Le rapide part que dans une demi-heure.
— Nom de Dieu, donnez-moi un billet. Je ne vous demande pas autre chose.
En possession du ticket, qu’il paya d’un billet de cent francs dont il n’attendit m^eme pas la monnaie, Juve franchit en deux sauts la salle d’attente, p'en'etra sur le quai.
Le train 'etait l`a.
Mais une pancarte ironique renseignait le policier :
— Vingt-cinq minutes `a attendre. Je suis fichu. Vingt-cinq minutes. Fant^omas va me rattraper.
Juve, une seconde, demeura immobile.
Et soudain, comme il consid'erait la petite gare, tranquille et d'eserte, o`u nul employ'e ne se montrait – le train n’'etait pas encore en partance – une id'ee folle, une id'ee merveilleuse lui vint `a l’esprit. Juve, sans bruit cette fois, s’'elanca vers la pendule donnant l’heure officielle de la gare.
Monter sur un banc, ouvrir le cadran de cette pendule, avancer l’aiguille de vingt-cinq minutes, fut pour Juve l’affaire d’une seconde.
— Parbleu, songeait le policier, au premier aiguillage, mon train attendra. Mais, au premier aiguillage, nous serons trop loin pour que Fant^omas me rejoigne.
Juve sauta `a bas du banc, il grimpa dans un wagon ; il n’en avait pas ferm'e la porti`ere que, d'ej`a, `a la cantonade, en digne voyageur qui proteste, Juve se prenait `a crier :
— Ah ca, en voil`a une compagnie. C’est l’heure de partir, nom d’un chien. On va encore nous faire rater la correspondance.
Et le truc grossier, mais merveilleusement simple, g'enial d’enfantillage, que Juve venait d’inventer r'eussit enti`erement.
`A sa voix, un chef de gare apparut, regarda, 'ebahi, la pendule, puis se pr'ecipita vers la locomotive. Des coups de sifflet. L’apparition d’employ'es brusquement tir'es de leur l'ethargie et claquant les porti`eres. L’'enervement des m'ecaniciens sautant sur la machine.
Juve voyait tout cela, partag'e entre le fou rire et l’anxi'et'e. Et puis, brusquement, `a bout d’'energie nerveuse, le policier s’affala sur la banquette.
Le train partait. Juve en 'etait certain, nul n’avait rejoint le convoi. Juve avait d'epist'e Fant^omas. Juve serait `a Paris avant le bandit.
29 – JUVE, VOUS ^ETES UN TRA^ITRE
Litt'eralement abruti, hors de lui, fatigu'e au point de marcher comme un automate, Juve, dont la main crisp'ee serrait `a l’int'erieur de sa poche de redingote le portefeuille rouge retrouv'e dans les bois de justice, grimpa l’escalier conduisant `a son appartement de la rue Bonaparte.