L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Fant^omas avait eu des accents si sinc`eres pour lui jurer sa tendresse, il avait r'eellement paru si boulevers'e lorsqu’elle lui avait confi'e sa peur, qu’elle ne pouvait, elle sa ma^itresse, croire que, dans l’ombre, il pr'eparait sa mort.
Lady Beltham, apr`es avoir longtemps r^ev'e, se levait, sans plus m^eme savoir si elle croyait au juste `a la tendresse de Fant^omas ou si elle en doutait. Une pens'ee cruelle, une pens'ee nouvelle encore venait d’empoisonner son coeur :
Si cependant il en aimait une autre ? Si je le g^enais ?
Et, lady Beltham qui, elle, restait fid`ele `a cet amant redoutable, mais s'eduisant, pour lequel elle 'etait tomb'ee jusqu’au crime, devenait affreusement jalouse et connaissait aussi la peur, les affres douloureuses du soupcon.
Par un revirement subit et violent, la grande dame d'esormais ne se posait plus la question :
— M’aime-t-il encore ?
Son coeur d’amante effroyablement boulevers'e, tortur'e `a l’id'ee bient^ot hallucinante, lui sugg'erait l’horrible certitude :
— Il en aime une autre ! Qui ? Quelle est cette femme ?
Lady Beltham dormit mal.
Elle n’avait point eu la force de toucher au repas que ses domestiques lui avaient servi. Elle connut d’abominables cauchemars. Plus de vingt fois dans la nuit, elle se r'eveilla haletante, la gorge serr'ee par une convulsion douloureuse, avec l’impression subite qu’on l’'etranglait, qu’on la tuait. Lady Beltham, alors, d’un doigt fi'evreux, tournait le commutateur 'electrique plac'e pr`es de son lit. La lumi`ere aveuglante lui permettait de voir sa chambre vide. `A l’aspect paisible de la pi`ece, `a l’air familier des meubles et des bibelots, la hantise se dissipait. Elle sourit presque de ses craintes, le sommeil l’emportait `a nouveau, et puis encore brusquement, la peur la faisait se dresser sur son lit, effar'ee avec le go^ut de la mort aux l`evres et au coeur.
`A huit heures du matin seulement, lady Beltham cessa de se d'ebattre dans ces horribles cauchemars.
Sa femme de chambre entra et, lui apportant son petit d'ejeuner, annonca :
— Madame la comtesse a une lettre.
— Bien, Marie, donnez !
La femme de chambre partie, lady Beltham repoussa le d'ejeuner pr'epar'e sur un plateau `a c^ot'e d’elle et s’empara de l’enveloppe qu’on venait de lui remettre.
— Mon Dieu, murmura la pauvre femme, qui donc peut m’'ecrire si ce n’est lui ?
Et lady Beltham, affol'ee, lut cette lettre surprenante :
Pour lady Beltham, 214, avenue Niel.
Madame,
Il faut que tout se paie et les crimes que vous avez accumul'es m'eritent un ch^atiment exemplaire. N’avez-vous jamais eu de remords ? Ne vous ^etes-vous jamais dit qu’un jour viendrait o`u la vengeance de vos victimes vous atteindrait sans merci, sans piti'e ? Veuillez croire que, quelque tentative que vous fassiez pour 'echapper `a votre destin, lady Beltham, vous mourrez le sept de ce mois, ex'ecut'ee par celui qui vous 'ecrit aujourd’hui et qui vous hait.
Il n’y avait pas de signature. Mais que voulait dire ce billet ?
Lady Beltham 'etait si affol'ee par son 'etrange teneur qu’elle le relut plus de vingt fois sans en comprendre le sens.
Que voulaient dire ces phrases 'enigmatiques ? Que signifiait cette lettre adress'ee `a la comtesse de Blangy, et dans laquelle il n’'etait parl'e que de lady Beltham ?
Ah, sans doute, la malheureuse amante de Fant^omas ne pouvait s’y tromper.
La lettre qu’elle recevait ce matin-l`a, c’'etait la lettre qu’avait annonc'ee la m`ere de Rose Coutureau, c’'etait la lettre de mort qui lui annoncait son assassinat.
Lady Beltham, sans en avoir conscience, relut les mots `a haute voix :
Le sept de ce mois, vous mourrez ex'ecut'ee par celui qui vous hait
Le sept de ce mois.
Elle jeta les yeux sur un mignon calendrier pos'e sur un petit secr'etaire dans l’angle de sa chambre.
— Nous sommes le 5, murmurait lady Beltham, je n’ai donc plus que deux jours `a vivre.
Un grand froid l’envahissait et son coeur cessait de battre.
— Dans deux jours je serai morte.
Elle r'ep'etait cette horrible chose avec une impassibilit'e qui tenait de la folie.
'Etait-ce bien possible pourtant ?
Et puis que de d'etails 'etranges ! Pourquoi cette lettre parlait-elle de ch^atiment et de vengeance ?
Qui donc pouvait la ch^atier ? Qui donc pouvait se venger d’elle ?
Lady Beltham examinait avec une angoisse folle la grande 'ecriture inconnue.
Certes, elle ne s’'etait pas tromp'ee. C’'etait une 'ecriture d'eguis'ee, une 'ecriture voulue, imit'ee, et lady Beltham se r'ep'eta soudain avec une persuasion absolue :
— C’est Fant^omas qui m’'ecrit ! C’est Fant^omas qui veut me tuer, et s’il a fait sa lettre 'enigmatique, si elle est concue en des termes bizarres, c’est sans doute qu’il a voulu 'eviter jusqu’au dernier moment que je puisse 'eviter la mort qu’il me pr'epare.
Et elle songeait encore :
— C’est bien de lui, d’ailleurs, cette froide cruaut'e : pr'evenir d’avance la victime qu’il menace. Me tuer pour se d'ebarrasser de moi, ce n’'etait pas assez. Il a voulu que je sache que j’allais mourir. S’il est venu hier c’'etait pour guetter sur mon visage les frissons de ma peur.
Lady Beltham relut pos'ement le billet menacant ; puis elle le plia, elle resta quelques instants `a m'editer et soudain elle sonna.
— Marie, commandait la grande dame `a la femme de chambre qui accourait, d'ep^echez-vous de m’habiller, je dois sortir.
Lady Beltham, en effet, se leva en toute h^ate. Elle fit sa toilette avec rapidit'e, elle rev^etit un tailleur qui la moulait et la faisait plus divinement 'el'egante que d’habitude, puis, ayant serr'e la lettre de mort dans une bourse en or d’un travail pr'ecieux, elle sortit, elle descendit l’avenue Niel.