L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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La jeune fille se refusait obstin'ement, en effet, `a 'ecouter les conseils que lui prodiguait cependant le policier, d'esireux d’assurer le bonheur de Fandor, en concluant un mariage qui, pensait-il, pouvait, d’une part, soustraire une innocente `a l’influence abominable du bandit, et d’autre part, calmer les angoisses perp'etuelles ou se d'ebattait le malheureux J'er^ome Fandor.
Mais H'el`ene refusait de se marier !
Il e^ut 'et'e facile, aux termes de la loi, de faire admettre qu’elle 'etait n'ee de p`ere et de m`ere inconnus, si m^eme les papiers de la jeune fille, que Juve poss'edait toujours, n’avaient pas 'et'e reconnus par l’'etat civil francais. De la sorte, le mariage e^ut pu s’op'erer facilement, mais H'el`ene ne voulait pas en entendre parler.
— Tant que mon p`ere sera ce qu’il est, avait-elle douloureusement r'epondu `a J'er^ome Fandor, vous ne pourrez pas, vous, honn^ete, 'epouser sa fille. Attendez. Esp'erons. Un jour viendra, j’en suis s^ure o`u la mis'ericorde de Dieu nous rendra le bonheur possible.
Fandor, bien entendu, ne se r'esignait pas aux d'elicats scrupules de conscience d’H'el`ene :
— Peu importe votre p`ere, r'ep'etait-il, inlassablement. Oubliez-le comme je l’oublie. C’est vous que j’aime, et pour moi, il n’y a que vous au monde.
Le temps passait ainsi. Chaque jour Fandor rejoignait H'el`ene et passait de longs moments avec elle. La jeune fille se d'ebattait toujours. Le jeune homme insistait encore. Il comptait sur le temps pour vaincre les h'esitations de celle qu’il aimait, et qui, elle ne s’en d'efendait pas, l’aimait aussi.
Longuement d’ailleurs, H'el`ene avait racont'e `a Fandor et `a Juve tout ce qu’elle avait su des ruses extraordinaires auxquelles elle avait 'et'e bien involontairement m^el'ee en Espagne.
Il 'etait 'etabli maintenant de facon certaine que Fant^omas n’avait invent'e les invraisemblables p'erip'eties de son mariage, que pour s’attacher `a d'epouiller Mercedes de Gandia de sa fortune, qu’il aurait r'eclam'ee en tant que mari, si Juve et Fandor, surgissant `a la Madeleine, ne l’avaient contraint `a prendre la fuite de facon si scandaleuse qu’il n’avait pu, gardant sa fausse identit'e de baron Stolberg, r'eclamer la fortune de sa femme. Une fois encore le bandit avait 'et'e vaincu, mis dans l’impossibilit'e de nuire. Mais h'elas, la victoire de Juve 'etait ch`erement pay'ee, puisque, en d'ecrochant le lustre, Fant^omas au moment m^eme o`u il 'etait contraint `a la fuite, avait fait encore de nouvelles, d’innocentes victimes.
***
Dans le square Saint-Pierre o`u Fandor et H'el`ene se promenaient ce jour-l`a, indiff'erents aux bruits et au mouvement des enfants qui s’agitaient dans le jardin, oubliant tout pour ne plus songer qu’`a eux seuls, avec l’'ego"isme des amoureux, H'el`ene et Fandor marchaient `a petits pas :
— Laissez-vous convaincre, r'ep'etait pour la centi`eme fois peut-^etre le journaliste, ne repoussez pas le bonheur en invoquant une chim`ere, en croyant faire votre devoir, en c'edant en r'ealit'e `a un scrupule sans importance. Dites oui, H'el`ene.
Mais elle secouait la t^ete :
— Mon devoir, r'epondait la jeune fille est de dire non.
17 – L’ABDICATION
Gris'ee par la caresse de son amant, gris'ee par l’assurance d’amour que Fant^omas venait de lui donner, lady Beltham avait r'epondu au sinistre bandit qu’elle l’aimait et qu’elle l’aimait pour la vie.
'Etait-ce bien vrai ?
Lady Beltham 'etait-elle bien sinc`ere ? Avait-elle confiance r'eellement dans les paroles de tendresse que venait de lui prodiguer le Ma^itre de l’'Epouvante, l’homme aux cent visages, le tortionnaire qu’aucun crime, aucune cruaut'e, aucune l^achet'e m^eme n’avait fait jusqu’alors reculer ?
Lorsque, quelques instants plus tard, Fant^omas s’'etait 'eloign'e, le front soucieux, l’air pr'eoccup'e, lorsqu’il avait abandonn'e la grande dame, celle-ci avait paru se r'eveiller d’un r^eve :
— Il m’a jur'e qu’il m’aimait, dit-elle.
Puis, elle avait eu un geste d'ecourag'e, un geste anxieux.
Dans le secret de sa conscience, dans le myst`ere de son coeur, elle se demandait assur'ement si Fant^omas lui avait dit la v'erit'e.
La nuit 'etait tomb'ee. Le grand salon o`u lady Beltham venait de recevoir Fant^omas 'etait envahi peu `a peu par l’ombre.
***
Longtemps lady Beltham r^eva dans la pi`ece, les yeux grands ouverts :
— Il m’a dit qu’il m’aimait…
Lady Beltham se raccrochait `a cette phrase en d'esesp'er'ee. Elle voulait lui trouver un sens profond. Elle voulait se rappeler l’intonation qui lui avait servi `a la dire, elle voulait savoir s’il avait 'et'e sinc`ere. Mais 'etait-ce bien possible ?
Lady Beltham se rappela les ph'enom`enes 'etranges qui l’avaient inqui'et'ee avant la venue de son amant. Qui 'etait cette Rose Coutureau si myst'erieusement apparue dans sa vie ? Pourquoi cette jeune fille qu’elle ne connaissait pas l’avait-elle vol'ee, et aussi quelle 'etait cette myst'erieuse vieille femme dont la visite inattendue et les propos tragiques avaient boulevers'e lady Beltham ?
— Mon Dieu, mon Dieu, g'emissait la grande dame se retrouvant seule dans son salon, qui croire ? Pourquoi cette vieille femme, qui est la m`ere de Rose Coutureau, m’a-t-elle parl'e de cette effroyable lettre ? Qui l’a 'ecrite ? Qui, si ce n’est pas, si ce n’est pas Fant^omas ?
Depuis longtemps lady Beltham vivait une vie si effac'ee, si retir'ee, que seul le Ma^itre de l’Effroi connaissait son existence et pouvait s’int'eresser `a elle ou bien la menacer.
Sans doute, Fant^omas avait dit que Juve 'etait capable de la poursuivre, que c’'etait Juve qui avait combin'e le vol de Rose Coutureau et la visite de cette vieille femme, peut-^etre simplement d'eguis'ee et cachant la personnalit'e de la jeune voleuse. Mais Fant^omas ne pouvait pas avoir 'et'e sinc`ere en affirmant de pareilles choses. Lady Beltham savait bien quelle 'etait la droiture de caract`ere de Juve.
— Non. C’est impossible, murmurait la grande dame. Juve n’emploierait pas de semblables proc'ed'es pour m’effrayer. C’est impossible. Juve n’'etait pas un assassin, d’ailleurs.
Or, qui donc, sinon un assassin, pouvait annoncer `a jour fixe sa mort et l’annoncer en termes si pr'ecis ?
Et, petit `a petit, en r'efl'echissant ainsi, lady Beltham finit par d'ecider que Fant^omas lui avait jou'e une com'edie d’amour mensong`ere. C’'etait lui, et ce ne pouvait ^etre que lui, qui avait d'ecid'e de la tuer. Mais au moment o`u elle s’arr^etait `a cette infernale pens'ee, lady Beltham h'esitait encore.