L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Soudain, la fille de l’habilleur se trouva en pr'esence de l’'el'egante personne qu’elle avait vol'ee quelques jours auparavant et elle eut une peur atroce, en voyant que la grande dame la regardait attentivement, d’^etre d'emasqu'ee et reconnue sous son d'eguisement. Mais heureusement le jour dans la pi`ece 'etait tamis'e par d’'epais rideaux et il y r'egnait une p'enombre propice au maquillage de Rose.
— Veuillez vous asseoir, d'eclara la comtesse de Blangy, et me dire ce dont il s’agit ?
La gorge serr'ee par l’'emotion et vivant dans une perp'etuelle anxi'et'e, Rose Coutureau 'eprouvait toutes les peines du monde `a s’exprimer. Elle balbutia :
— Je suis la m`ere de la petite Rose.
Enfin, elle finit par s’enhardir et parlant tout d’un trait, rapidement, comme si elle r'ecitait une lecon apprise, elle sollicita de la comtesse de Blangy la gr^ace de celle qu’elle pr'etendait ^etre son enfant.
— Je vous en supplie, madame la comtesse, retirez votre plainte, ne la laissez pas condamner.
La comtesse de Blangy ne r'epondit rien, mais elle alla `a un petit secr'etaire et r'edigea une lettre. Au bout de quelques instants, elle la donna `a la visiteuse qu’'evidemment elle prenait pour une vieille femme.
— Vos paroles, madame, dit-elle, m’ont touch'ee. Je suis heureuse de pouvoir vous donner satisfaction : voici la lettre adress'ee au Procureur de la R'epublique, par laquelle je me d'esiste de ma plainte. Vous pouvez la faire parvenir `a ce magistrat. Soyez d’ailleurs assur'ee qu’en aucun cas je ne serais all'ee `a l’audience du Tribunal.
— Ah merci, merci ! dit Rose Coutureau. Merci, madame la comtesse !
La jeune fille ne voulait plus parler car elle sentait ses larmes pr^etes `a jaillir et redoutait par-dessus tout de les voir couler, ce qui aurait pu compromettre son habile maquillage.
En m^eme temps elle 'eprouvait une grande honte `a l’id'ee qu’elle mentait `a cette femme si bonne en somme et qu’elle lui faisait croire qu’elle 'etait la m`ere de Rose Coutureau, alors que Rose Coutureau, c’'etait elle-m^eme, la voleuse. Elle se sentait alors un besoin extr^eme de se d'evouer, d’avoir un geste g'en'ereux, de faire quelque chose de bien pour se r'ehabiliter `a ses propres yeux vis-`a-vis de cette femme. Soudain, une pens'ee lui vint `a l’esprit et, au lieu de se retirer comme elle avait commenc'e `a le faire, elle revint sur ses pas, entra dans le petit salon, ferma la porte derri`ere elle.
— Madame, commenca-t-elle, excusez-moi de vous retenir, mais je voudrais encore vous parler, puis-je le faire ?
— Je vous 'ecoute.
Rose Coutureau poursuivit :
— Voil`a, madame, je connais un secret, mais je n’h'esite pas `a vous le confier, car, peut-^etre, votre influence parviendra-t-elle `a emp^echer un malheur.
— De quoi s’agit-il ?
— Eh bien voil`a, j’ai appris… Oh, je ne peux pas vous dire comment… Peu importe d’ailleurs. C’est par une indiscr'etion, c’est en lisant `a travers une feuille de papier buvard, qu’une femme qui habite votre maison et que, cependant, votre concierge ne conna^it pas… On disait comme cela, dans la menace, qu’elle serait tu'ee le sept de ce mois, c’est-`a-dire apr`es-demain.
La comtesse de Blangy p^alit.
— Le nom de cette femme ? demanda-t-elle, le connaissez-vous ?
— Oui, r'epliqua Rose Coutureau, j’ai lu sur l’adresse qu’il s’agissait de lady Beltham, 214, avenue Niel.
La comtesse de Blangy devint livide, malgr'e les efforts qu’elle faisait pour faire bonne contenance. Elle se laissa choir sur un canap'e. Ses dents claquaient. Elle prononcait des paroles inintelligibles, incompr'ehensibles tout au moins pour son interlocutrice.
Celle-ci, toute troubl'ee, elle aussi, retint pourtant que la comtesse de Blangy, en r'ep'etant le nom de
***
Quelques minutes plus tard, Rose Coutureau qui, par le m'etro rentrait chez elle, r'efl'echissait encore aux 'ev'enements qui venaient de se produire. Elle 'etait perplexe depuis que, dans un bon sentiment, elle avait r'ev'el'e `a la comtesse de Blangy la d'ecouverte faite au sujet de cette myst'erieuse lady Beltham et, en se rem'emorant l’attitude aussi troubl'ee qu’inqui`ete de son interlocutrice, elle pensait :
— Ai-je eu raison ou non de lui avouer ce que je savais ? Comment se fait-il qu’elle ait d’elle-m^eme, prononc'e le nom de Fant^omas ? N’ai-je pas commis une maladresse effroyable en parlant du sinistre projet ?
Un instant, Rose Coutureau en arriva `a se demander si cette grande dame qui paraissait si distingu'ee et si correcte n’'etait pas d'ej`a au courant, avant qu’elle ne lui en e^ut parl'e, du drame qui se pr'eparait.
Rose Coutureau osait presque se dire :
— La comtesse de Blangy n’a-t-elle pas quelque rapport avec Fant^omas ? Et si celui-ci m'edite de tuer lady Beltham, ne serait-elle pas sa complice ? On voit tant de choses bizarres dans la vie… Peut-^etre que cette comtesse qui a l’air si bonne est une criminelle ?
16 – AMOURS ET AMOURS
Rose Coutureau 'etait `a peine partie de l’appartement o`u venait de la recevoir la fausse comtesse de Blangy, que celle-ci, – ou plut^ot lady Beltham, puisque, en r'ealit'e, la comtesse de Blangy n’'etait autre que la myst'erieuse et s'eduisante ma^itresse de Fant^omas – se sentit prise d’une telle faiblesse, qu’elle dut s’appuyer `a un fauteuil et s’y raccrocher presque pour ne point choir sur le sol. Lady Beltham 'etait toujours belle, c’'etait toujours la superbe et hautaine cr'eature qui avait fait la passion de Fant^omas, qui avait aussi, dans tous les salons o`u elle 'etait pass'ee, suscit'e les admirations les plus 'emues, les plus sinc`eres.
Pourtant, la jolie cr'eature 'etait moins s'eduisante que par le pass'e. Peut-^etre cela provenait-il d’une certaine lassitude, plus morale que physique, qui cependant, se devinait sur ses traits et par moments voilait son regard, att'enuait le brillant de ses yeux. Lady Beltham, alors que Rose Coutureau s’'eloignait, parut une seconde presque vieille. Elle 'etait devenue livide, ses sourcils se froncaient, une angoisse secr`ete ridait son front, tirait ses traits, fanait son visage, au teint tout `a l’heure encore 'eclatant. Quel drame se jouait dans l’^ame de lady Beltham ? Il e^ut fallu s’approcher bien pr`es d’elle, 'ecouter bien attentivement pour surprendre les paroles que murmuraient ses l`evres :