La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Je m’absente, lui d'eclara-t-il, toutefois je vous laisse mon adresse, dans le cas o`u l’on aurait besoin de moi.
Et d’une main f'ebrile, Anselme Roche traca sur un carton, ces mots :
Le procureur g'en'eral est au ch^ateau de Garros, qu’il ne quittera que pour revenir `a son domicile, ou au tribunal.
***
Pendant ce temps, Juve jouissait de la consid'eration du personnel de l’Imp'erial H^otel.
Pour jouer son r^ole au s'erieux et aussi parce qu’il 'eprouvait le besoin de se reposer, le policier s’'etait install'e dans cette chambre depuis le commencement de la journ'ee. Vers six heures du soir, le policier arpentait son appartement, aux dimensions fort exigu"es, avec une f'ebrile impatience. Encore qu’il e^ut de fortes pr'eoccupations, Juve 'etait satisfait des heures pass'ees et entrevoyait avec s'er'enit'e les heures `a venir. Il avait, au cours de l’apr`es-midi, r'edig'e un rapport circonstanci'e et expliqu'e tout au long par suite de quelles ing'enieuses constatations il en 'etait arriv'e `a 'etablir que les vestiges humains d'ecouverts dans la maison du crime ne provenaient et ne pouvaient provenir que de l’infortun'ee Fleur-de-Rogue, la ma^itresse du Bedeau.
Ce rapport, destin'e `a M. Havard, 'etait un chef-d’oeuvre de pr'ecision scientifique et de clart'e. Juve se frottait les mains :
— Voil`a, d'eclara-t-il qui en bouchera un coin `a Fandor.
Le policier se r'ejouissait aussi `a l’id'ee que dans quelques instants il allait revoir cet excellent ami, ce vaillant compagnon d’infortune. Qu’'etait devenu Fandor depuis une quinzaine de jours ?
Juve avait t'el'egraphi'e deux ou trois fois et n’avait pas recu de r'eponse. Il en avait 'et'e presque inquiet jusqu’au moment o`u il avait recu de Paris un t'el'egramme de Fandor lui annoncant non seulement qu’il existait toujours, mais qu’il arrivait par un prochain train. C’est ce train-l`a dont Juve attendait l’arriv'ee, c’est pour cela qu’il restait `a l’h^otel o`u Fandor, sit^ot hors du wagon, devait le rejoindre.
Juve, ind'ependamment du plaisir qu’il allait 'eprouver `a revoir son ami, 'etait aussi tr`es satisfait de pouvoir causer avec lui de l’affaire de la Maison Borel.
Il y avait un point `a 'elucider, sur lequel Fandor serait 'evidemment pour Juve de pr'ecieux conseil. Il s’agissait de savoir ce qu’'etait devenue H'el`ene depuis le moment o`u elle avait quitt'e Fleur-de-Rogue. Car le policier savait d'esormais, par des renseignements recueillis `a la S^uret'e, que la fille de Fant^omas 'etait venue de Paris `a Rion-des-Landes avec la pierreuse.
'Evidemment, H'el`ene n’avait pas cru devoir faire conna^itre ses faits et gestes `a Juve, pour lequel elle n’'eprouvait qu’une m'ediocre sympathie. Mais il 'etait bien certain que Fandor devait ^etre renseign'e sur les p'er'egrinations de la fille de Fant^omas.
Juve allait donc savoir. Il avait cru un moment que la victime du spahi n’'etait autre qu’H'el`ene. Le portrait que lui en avait fait l’interne de l’h^opital lui faisait changer d’opinion, n'eanmoins le policier aurait bien voulu retrouver cette femme, et en tout cas, il se promettait d’aller d`es le lendemain voir Anselme Roche, pour obtenir l’autorisation de communiquer avec le spahi.
Juve en 'etait l`a de ses r'eflexions, lorsqu’on frappa `a sa porte.
— Entrez.
C’'etait M. Hoch. Juve, d'esormais, 'etait du dernier bien avec le g'erant de l’h^otel, dont il avait gagn'e les bonnes gr^aces en lui offrant un cigare apr`es le d'ejeuner et en lui disant sa profession.
M. Hoch nourrissait une admiration respectueuse et sans bornes `a l’'egard de toutes les autorit'es. Plus particuli`erement, il tenait en haute estime la police en g'en'eral et sp'ecialement les services de la S^uret'e.
— Si je n’'etais pas h^otelier, avait-il dit `a Juve, je serais inspecteur de police.
M. Hoch venait se renseigner aupr`es de son client :
— Peut-^etre pourrez-vous me donner une explication ?
— De quoi s’agit-il ? fit Juve.
— Voici : il y a quarante-huit heures, lorsque ce soldat d’Afrique a tir'e sur la jeune femme, deux agents se sont pr'ecipit'es. L’un d’eux 'etait l’agent de l’infant d’Espagne, et l’autre appartenait `a la police de Biarritz. Du moins c’est ce que je croyais. Or, il n’y a pas cinq minutes, M. le procureur g'en'eral Anselme Roche m’a fait l’honneur de me t'el'ephoner pour me demander si cette arrestation avait bien eu lieu dans mon h^otel.
« Oui, Monsieur le procureur g'en'eral », lui ai-je r'epondu, et alors, `a son tour, M. Anselme Roche m’a d'eclar'e :
`A la v'erit'e, Juve n’en pensait rien, et se sentait assez perplexe. Que signifiait tout ca ?
M. Hoch attendait une r'eponse qui d’apr`es lui ne devait pas tarder `a venir. Cet Allemand respectueux croyait `a l’infaillibilit'e et se disait que du moment que Juve 'etait inspecteur de la S^uret'e, il devait poss'eder la clef de l’'enigme qui le pr'eoccupait. Si Juve ne r'epondait pas, c’en 'etait fait de sa r'eputation aupr`es de M. Hoch. Mais Juve n’eut pas `a courir ce risque. On frappait `a la porte de la chambre. Quelqu’un entrait. C’'etait le courrier de l’Imp'erial, Narcisse Lapeyrade, l’infortun'e mari. Il voulait `a toute force voir le patron.
— Ah Monsieur Hoch ! s’'ecria-t-il, quelle chose 'epouvantable…
Il s’arr^etait, h'esitant `a continuer en pr'esence d’un tiers. Mais M. Hoch lui dit :
— Parlez, Narcisse ! Monsieur n’est pas de trop. De quoi s’agit-il ?
— D’un accident, Monsieur, d’un terrible accident. L’express…
— L’express de Paris ?
— L’express de Paris, oui, Monsieur.
— Racontez ! Vite !
— Voil`a, Messieurs, ce que j’ai entendu dire `a la gare : l’express de Paris, au moment o`u il traversait les Landes, a 'et'e arr^et'e par un incendie. On a fait descendre les voyageurs qui ont march'e `a c^ot'e du train. On ne les avait pas laiss'es dans les wagons, pour le cas o`u la voie, min'ee par en dessous, se serait effondr'ee. Seulement, au lieu de remonter, les voyageurs sont rest'es l`a, parce que le train est reparti sans les attendre.
— Il est reparti tout seul ?
— Oui et non, expliqua Narcisse. C’est-`a-dire qu’on a fait un coup : le chauffeur et le m'ecanicien ont 'et'e retrouv'es asphyxi'es sous des tas de charbon, dans le tender. Ce n’est donc pas eux qui ont pu faire partir le train.
— Mais qui a pu faire tout cela ? et dans quel but ? demanda M. Hoch.
— Le vol, patron, poursuivit Narcisse. Tous les bagages des voyageurs ont 'et'e fouill'es de fond en comble. Les bijoux, l’argent, les objets de valeur, tout a disparu.
Juve 'etait p^ale. C’'etait en effet par ce train que Fandor devait arriver. Il demanda :
— Pas d’accident de personnes, `a part ces deux malheureux ?
— Je ne crois pas. Monsieur, on ne me l’a pas dit.
— Mais enfin, poursuivit Juve, et le train, qu’est-ce qu’il est devenu ?
— Oh, c’est bien simple. Apr`es avoir parcouru cinq ou six kilom`etres, il s’est arr^et'e pr`es de Dax. On l’a trouv'e immobile, freins bloqu'es. Il n’y avait pas d’autre accident `a redouter ni de t'elescopage, car le block-system fonctionnait.