La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Et puis, soudain, des l`evres du chemineau, un cri de stup'efaction monta :
— Ah, mon Dieu !
Et Bouzille s’'elanca en courant. Que venait-il de se passer ?
Bouzille avait vu tout d’un coup Martial Altar`es tomber violemment sur le sol. Le sable de la colline s’'eleva en nuages lourds, opaques. Un bruit sourd retentit.
C’'etait incompr'ehensible.
C’'etait horrible.
Quand Bouzille arriva `a la colline de sable, les nuages de poussi`ere venaient de se dissiper.
Et Bouzille, atterr'e, apercu, gisant sur le sol, le corps de Martial Altar`es, de Martial Altar`es qui 'etait mort, qui avait la poitrine d'efonc'ee, 'ecras'ee comme s’il e^ut recu un poids formidable jet'e de tr`es haut.
Autour du cadavre, le sable ne portait aucune trace de pas. On n’y voyait que du sang ti`ede encore et qui se figeait rapidement.
Haletant, livide, tr'ebuchant `a chaque pas, Bouzille s’enfuit, terrifi'e.
18 – LES MORCEAUX DE LA LETTRE
— Mais enfin, mon cher Juve, je vous connais trop pour douter qu’`a propos de cette 'etrange affaire, vous ne formiez d'ej`a une hypoth`ese. Que devinez-vous ? Que croyez-vous deviner ?
Anselme Roche se pencha vers Juve, qui, au contraire, avec une tranquillit'e peut-^etre feinte, se renversa sur la banquette de son wagon, le bras confortablement pass'e dans l’une des boucles de cuir mises l`a pour aider au repos des voyageurs.
Juve avait l’air aussi peu 'emu, aussi tranquille, qu’Anselme Roche semblait 'enerv'e, exc'ed'e, sous tension.
Et Juve, `a la question du procureur, r'epondit avec flegme :
— Moi, inventer une explication ? Ah bien, je vous assure que vous vous trompez, et de belle mani`ere. Tout cela s’embrouille au contraire, et s’embrouille si bien que j’ai beau r'efl'echir, je n’arrive pas `a me former la moindre opinion sur ce qui se passe. Au surplus, Monsieur le procureur, croyez-moi il ne faut jamais r'efl'echir aux choses avant d’avoir en sa possession tous les 'el'ements d’enqu^ete n'ecessaires. Le t'el'egramme que nous avons recu est incompr'ehensible. La nouvelle qu’il nous apportait l’est encore plus. Attendons, nous nous rendons sur les lieux, nous verrons bien.
Anselme Roche soupira, mais ne r'epliqua pas. Juve, d’ordinaire, 'etait moins tranquille qu’il ne le pr'etendait. Habituellement, c’'etait le policier qui tenait `a 'echafauder le premier des suppositions. Aujourd’hui, il lui plaisait de garder un calme r'esign'e, il ne faisait 'evidemment pas bon l’interrompre dans ses r'eflexions ou tenter de le forcer `a s’expliquer alors qu’il d'ecidait d’observer une tr`es prudente r'eserve.
M. Anselme Roche venait de quitter Bayonne, le matin m^eme en compagnie du d'etective. Juve 'etait venu le prendre `a son cabinet au Palais de Justice et l’avait tir'e de ses occupations professionnelles en lui apportant la plus surprenante des nouvelles :
— Cher Monsieur, avait dit Juve, les choses, jusqu’ici, n’'etaient pas simples, maintenant… Lisez plut^ot cela.
Juve avait mis sous les yeux du procureur, un t'el'egramme bref et peu explicite :
Martial Altar`es, fr`ere Delphine Fargeaux retrouv'e assassin'e dans parc ch^ateau de Garros.
Anselme Roche, ainsi qu’il 'etait naturel, avait lu et relu, puis, il avait d'evisag'e Juve et demand'e d’une voix tremblante :
— Que faire, mon Dieu ? que faire ?
— Que faire ? morbleu ! il n’y a pas vingt-cinq partis `a prendre. Je pars pour Garros, Monsieur le procureur, et je viens vous chercher.
Depuis une heure, ils roulaient tous les deux, install'es dans un wagon de premi`ere classe.
`A la halte du chemin de fer, le procureur de la R'epublique et le policier trouv`erent une voiture que Juve avait command'ee par d'ep^eche. Un jeune paysan 'etait sur le si`ege, la figure avenante, l’air vif. Juve l’interrogea :
— Y a-t-il du monde au ch^ateau en ce moment ?
— Il y a toujours du monde.
— Naturellement. Je veux dire : Mme Fargeaux et son mari sont-ils l`a ?
— Mme Fargeaux, Monsieur ? Mme Delphine, oui, elle est au ch^ateau. Je ne sais pas o`u est le ma^itre.
— Cela va bien, conduisez-nous, mon ami.
Le trajet de la gare au ch^ateau se fit en silence, les deux hommes descendirent sur le perron de l’habitation, sonn`erent `a la porte d’entr'ee. C’'etait une petite bonne accorte et pr'evenante qui les introduisit dans le vestibule, mais derri`ere elle, la silhouette fine et 'el'egante de Delphine Fargeaux apparut.
La jeune femme semblait boulevers'ee. Yeux rouges, cheveux d'efaits, mine blafarde, elle courut `a Juve, elle lui cria :
— Vous savez ce qui s’est pass'e ? Mon pauvre Martial est mort. C’est Timol'eon qui l’a tu'e.
Juve e^ut vu se dresser devant lui un fant^ome 'epouvantable qu’il n’e^ut pas 'et'e plus surpris qu’il ne l’'etait en entendant les paroles de la jeune femme :
— Allons donc, c’est votre mari qui a tu'e votre fr`ere ?
— Oui, qui voulez-vous que ce soit ?
— Oh, Madame, j’ignore en effet, comment et par qui a 'et'e tu'e M. Altar`es, mais enfin je ne trouve pas cette raison suffisante pour accuser M. Fargeaux. D’ailleurs, comment le crime a-t-il 'et'e commis ?
— Venez, vous allez voir, il a la poitrine fracass'ee.
Juve, accompagn'e du procureur, suivit la jeune femme le long des corridors du grand ch^ateau, atteignit bient^ot la chambre o`u l’on avait transport'e le corps du malheureux soldat.
Martial Altar`es 'etait 'etendu sur son lit, v^etu de son uniforme, les yeux clos, le visage tranquille, mais le drap que l’on avait jet'e sur lui 'etait tach'e de rouge `a la hauteur de la poitrine, et quand Juve le soulevait, le cadavre apparaissait avec ses horribles plaies, son torse d'efonc'e, 'ecras'e.