La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Juve suivait en somme, `a peu de chose pr`es, l’itin'eraire qu’il avait suivi la veille lorsqu’il pistait Timol'eon Fargeaux. Allait-il donc rue Christine ? Apr`es un quart d’heure de marche, Juve, qui approchait de la voie o`u Timol'eon Fargeaux s’'etait livr'e `a une 'etrange manoeuvre, obliqua par une ruelle infecte qu’il avait soigneusement cherch'ee sur le plan. Juve paraissait s’orienter, devait retrouver son chemin, car, bient^ot, il se frottait les mains avec satisfaction.
— Allons, allons, se dit-il, je crois que je touche au but.
`A l’extr'emit'e de la ruelle, le policier, qui paraissait de plus en plus d'ecid'e, d'eboucha sur une sorte de petite place entour'ee de terrains vagues et d'eserte, sombre aussi, car un seul bec de gaz, plac'e en son centre, ne r'epandait qu’une lueur insignifiante.
— Le paysage n’est pas engageant, songeait Juve, mais, apr`es tout, pour ce que je veux en faire.
Juve, qui, jusqu’alors, avait march'e au centre de la chauss'ee, se dirigeait vers le trottoir. Il fit le tour de la petite place, les yeux obstin'ement fix'es `a terre et paraissant chercher quelque chose :
— H'e, h'e, est-ce que par hasard je me serais tromp'e ? ce serait ennuyeux, se dit-il, mais, apr`es tout, comme je suis en avance. Ah, voil`a ce que je cherchais !
Juve avait `a peu pr`es tourn'e tout autour de la place. Longeant le trottoir, l’examinant des yeux, il s’arr^eta `a la hauteur d’une plaque comme on a coutume d’en poser pour fermer l’entr'ee des 'egouts.
— Parfaitement, continuait Juve, voici la porte coch`ere que j’ai d'ecid'e d’employer.
Juve, d’un coup d’oeil rapide, s’assura que nul ne pouvait l’observer. La place 'etait d'eserte toujours, dans les rues avoisinantes nul passant n’approchait. Il 'etait seul, bien seul.
Juve, sans aucun souci de se salir ou, ce qui e^ut 'et'e plus grave, de se blesser, tentait alors d’ouvrir l’'egout en enlevant la plaque de fonte qu’il avait `a c^ot'e de lui. Ce n’'etait pas une besogne facile. D’ordinaire, les 'egoutiers, pour accomplir un pareil travail, introduisent un levier dans le trou central de ces lourdes plaques et, de la sorte, peuvent les soulever sans trop d’effort. Juve, lui, ne disposait d’aucun instrument. Pour enlever la plaque, il lui fallait donc passer sa main par le trou central et d'evelopper la force n'ecessaire pour l’arracher de son logement.
Juve, tout fort qu’il 'etait, n’y r'eussit pas d’abord. Il s’'ecorcha les mains, il se meurtrit les poignets, en vain. Au risque de se blesser, Juve, serrant les dents, grimacant sous la violence de l’effort qu’il faisait, parvint `a 'ebranler la plaque d’'egout, `a la soulever l'eg`erement, `a la reculer d’un centim`etre. D`es lors, il avait cause gagn'ee. La lourde plaque de fonte, une fois sortie de la rainure o`u elle s’encastrait dans le trottoir, devenait facile `a repousser, `a faire glisser. En cinq minutes de manoeuvre, Juve eut atteint le r'esultat qu’il cherchait, et alors le policier se laissa glisser `a l’int'erieur de l’'egout, sur les crampons de fer scell'es dans la muraille.
Juve, prudent comme il l’'etait, se laissait glisser lentement. Il ne descendit d’abord que de trois 'echelons, puis, baissant la t^ete, soulevant `a nouveau la plaque, mais cette fois facilement, car il faisait effort des 'epaules, il la ramena `a sa place ordinaire et de la sorte, referma la trappe sur lui.
Parvenu en bas, sentant le sol sous ses pieds, Juve consacra au moins cinq minutes `a demeurer immobile, l’oreille aux 'ecoutes, guettant si quelque bruit n’indiquait pas la pr'esence d’un inconnu. Mais nul bruit ne parvenait `a ses oreilles, `a part le grondement ordinaire des eaux qui devaient suivre le chenal et s’en aller, `a l’extr'emit'e de l’'egout, tomber dans la mer.
— Tr`es bien, tr`es bien, monologua Juve, qui, apr`es son attente anxieuse se persuada lui-m^eme que nul ne l’avait entendu ouvrir et refermer la plaque, j’ai toutes les chances pour moi.
Juve tira de sa poche une petite lampe 'electrique qui ne le quittait jamais. Il pressa sur le bouton commandant l’appareil, une vive lumi`ere vint enfin illuminer le lieu o`u il se trouvait.
Juve venait bien de descendre, ainsi qu’il l’avait voulu, dans le principal 'egout de Biarritz, le grand 'egout collecteur. Et ce n’'etait pas avec une m'ediocre surprise que le policier, qui bien des fois avait chemin'e dans les canalisations souterraines de Paris, constatait que les 'egouts de Biarritz 'etaient mieux entretenus que ceux de la capitale.
L’'egout, en effet, o`u se trouvait Juve, 'etait relativement propre. `A coup s^ur, il n’'etait pas tr`es vaste et le policier allait ^etre oblig'e de se baisser pour pouvoir y avancer, mais les murs en 'etaient blanchis `a la chaux et le long de l’un d’eux, un petit trottoir permettait d’'eviter de marcher `a m^eme les eaux empuanties comme l’avait d’abord redout'e l’inspecteur de la S^uret'e.
— C’est le paradis ici, songea Juve, on n’a m^eme pas `a prendre un bain de pied. J’ai la chance pour moi d'ecid'ement.
Juve, pourtant, tenant sa lampe de la main gauche, venait de prendre son revolver de la main droite. S’il se croyait au paradis, ainsi qu’il venait de l’avouer, il devait ^etre persuad'e que ce paradis 'etait bien mal fr'equent'e, car c’'etait avec des pr'ecautions extr^emes, en faisant de tr`es grands arr^ets pour 'ecouter si le bruit de ses pas n’'eveillait dans le lointain aucun 'echo intempestif, que Juve se d'ecidait `a avancer, `a longer l’'egout :
— Voyons, comptait-il en apercevant un croisement o`u un autre 'egout venait d'eboucher dans celui qu’il suivait, il s’agit que je ne fasse pas de b^etise et que je ne me trompe pas de route. Je ne vois pas `a qui je demanderai mon chemin. Ce n’est pas encore l`a que je tourne, c’est `a la prochaine.
Une centaine de m`etres plus loin, il trouvait une nouvelle voie souterraine, un petit 'egout qui devait 'evidemment ^etre celui d’une rue de second ordre :
— Si je ne me trompe pas, pensait Juve, me voici sous la rue Christine, c’est-`a-dire exactement o`u je d'esirais parvenir.
Le policier, avant de s’engager dans la voie souterraine qu’il avait maintenant `a sa droite, s’arr^eta encore une fois pour 'ecouter. N’entendant rien il tira sa montre, regarda l’heure : sept heures et demie et, avec un petit claquement de langue, satisfait et intrigu'e, il reprit sa marche :