La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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C’'etaient les machines 'electriques qui se mettaient en branle.
— Cette fois, conclut Fandor, je suis foutu.
La porte de l’atelier s’ouvrit.
— Hands up !
Haut les mains. Fandor connaissait l’ordre.
Les mains hautes, c’est-`a-dire l’impossibilit'e de r'esister, de prendre une arme, d’effectuer le moindre geste sans ^etre imm'ediatement consid'er'e en 'etat de r'ebellion et frapp'e par une balle meurtri`ere.
Fandor leva donc les mains, r'esign'e, attendant son sort lorsque soudain ses doigts dress'es au-dessus de sa t^ete 'etaient fr^ol'es par quelque chose, qu’instinctivement Fandor regardait. C’'etait une grosse courroie de transmission d'eclench'ee quelques instants auparavant par la maladresse du journaliste.
Embray'ee sur une poulie, la large courroie montait jusqu’au sommet de l’atelier, passait `a travers la toiture, pour aller se perdre on ne savait o`u.
En l’espace d’une seconde, le journaliste comprit le parti qu’il pouvait en tirer.
Avant que les policiers qui allaient se pr'ecipiter sur lui aient eu le temps de comprendre son intention, Fandor, qui de ses deux mains nerveuses et robustes s’'etait agripp'e au cuir de la courroie de transmission, 'etait enlev'e par celle-ci comme un f'etu de paille.
La courroie l’entra^inait vers la toiture de l’atelier, Fandor b'en'eficia d’une ouverture m'enag'ee dans le vitrage pour le passage de la transmission.
Il passait ainsi cependant que du bas de l’atelier, on tirait `a coups de revolver sur cet audacieux 'evad'e.
— Ouf.
Mais l’'elan qui lui avait 'et'e imprim'e au moment de son d'epart se multipliait, et tandis que la courroie continuant `a courir sur la poulie redescendait `a l’int'erieur de l’atelier, Fandor 'etait pr'ecipit'e dans le vide. Le malheureux eut une seconde la sensation qu’il allait s’'ecraser sur le sol.
Fandor ne tomba pas sur un sol de terre ou sur de la pierre, mais il s’effondra au milieu d’un mar'ecage de boue grasse et l'eg`ere qu’agitait une grosse meule de pierre.
Fandor suivait le chemin des terres que l’on remuait sans cesse pour leur faire rendre des diamants. La grosse meule de pierre l’entra^inait avec une violence irr'esistible, Fandor tombait sur les palettes de bois d’une 'enorme roue `a aube, comme une roue de navire sur laquelle il effectuait un parcours acrobatique, involontaire et en arc de cercle.
Le journaliste moulu, aveugl'e, `a demi 'etouff'e, ayant de l’eau, du sable et de la boue dans les yeux, les oreilles, la bouche et les narines, 'etait incapable de faire le moindre effort pour r'eagir, pour lutter contre la tourmente qui l’emportait. Une fois de plus cependant Fandor jugeait avec un imperturbable sang-froid la situation dans laquelle il se trouvait :
Il avait vu quelque part des herses 'enormes, des roues dent'ees aux engrenages se m^elant les uns aux autres. Il avait remarqu'e d’effroyables plateaux broyeurs h'eriss'es de pointes. Il se disait que peut-^etre, d’ici quelques instants, d’une seconde `a l’autre, le hasard de la machinerie inconsciente allait le livrer `a l’un de ces monstres de fer, et qu’apr`es cet effroyable contact, son corps sortirait des m^achoires horribles, r'eduit `a l’'etat de bouillie.
Mais soudain, Fandor qui peu `a peu perdait la notion des choses et se sentait d'efaillir, fut brusquement plong'e dans une eau d’une fra^icheur extr^eme et emport'e par un courant de flots tumultueux. Le journaliste suffoqua.
Faisant pourtant d’inimaginables efforts, il r'eussit `a deux ou trois reprises `a revenir `a la surface de ce tourbillon d’eau glac'ee. Mais le courant soudain plus rapide encore l’entra^ina.
Les eaux tonitruaient, r'esonnant dans un tube sombre et sonore, Fandor fut emport'e.
Dans l’espace d’une seconde, il avait vu le gouffre ou chavirait son corps impuissant `a r'esister.
— Le siphon se dit-il, je suis pris dans le siphon des eaux qui alimentent les machines `a vapeur.
Puis ce fut la nuit.
22 – `A LA D'ERIVE
Cependant sur le British Queen, la peste continuait ses ravages.
La lutte contre l’'epid'emie devenait chaque jour plus difficile. Les nombreux cadavres qui pourrissaient sur le navire rendaient l’air absolument irrespirable, les bo^ites de conserves qui avaient fait jusqu’alors l’unique nourriture 'etaient 'epuis'ees et il allait falloir manger des aliments suspects.
C’est pr'ecis'ement ce qui faisait l’objet de la conversation des quatre passagers r'eunis dans la salle `a manger.
C’'etait un Belge appel'e Le Clain qui parlait. Ancien 'etudiant en m'edecine, il avait quitt'e l’art de soigner les malades pour embrasser la carri`ere d’explorateur, plus en rapport avec ses go^uts aventureux.
Il se rendait en Australie pour dresser la carte des r'egions inexplor'ees. Ses premi`eres 'etudes l’avaient qualifi'e pour prendre la direction des mesures sanitaires, apr`es la mort des m'edecins `a bord. Il 'etait second'e dans son oeuvre de d'evouement par le naturaliste Towtea, le jeune et d'ej`a c'el`ebre auteur de travaux nombreux sur les capillaires, par le professeur francais, Raymond, et enfin par la toujours gracieuse et active Miss Dorothea.
— La lutte est impossible, disait Le Clain. Ce matin j’ai constat'e quinze cas nouveaux. Nous n’avons plus les locaux suffisants pour isoler les derniers malades, et ils vont ^etre oblig'es de rester parmi nous, cela revient `a dire que nous sommes tous condamn'es et que nous n’avons plus qu’`a attendre notre tour. Si nous avions du s'erum, peut-^etre pourrions-nous essayer de r'esister encore. Mais nous n’en avons pas et notre dernier espoir d’en avoir s’est 'evanoui avec le d'epart du m'edecin de Durban.
— Mais est-ce qu’il n’y a vraiment plus moyen de communiquer avec la terre ? demanda Towtea en se tournant vers miss Dorothea.
— C’est compl`etement impossible, r'epondit la jeune t'el'egraphiste. Par suite de la mort de presque tous les hommes d’'equipage, les machines du bord se sont arr^et'ees et personne parmi nous n’est capable de les mettre en mouvement. Il n’y a plus de courant. Mes appareils sont morts.
— Il faut donc nous r'esigner ?
— Peut-^etre avons-nous encore un peu d’espoir, r'epondit Raymond.