La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Ils sont bien tous crev'es, se disait-il… Il 'etait temps car je commencais singuli`erement `a m’ennuyer, je voyais le moment o`u j’allais ^etre oblig'e de les achever tous au revolver. Mais non, ils y ont mis de la bonne volont'e, c’est bien fini, plus rien ne remue.
Tout en monologuant ainsi, il avait atteint le pied d’un m^at et, machinalement il regardait vers la grande hune. Il poussa soudain une exclamation :
— Mais je ne me trompe pas, il y a quelqu’un l`a-haut, qui cela peut-il bien ^etre. Juve, peut-^etre ? Non, il y a longtemps qu’il a d^u partir. H'e, l`a-haut, de la hune, pr'eparez-vous `a descendre, si vous ne descendez pas, je vous br^ule la cervelle.
Sa voix r'esonnait 'etrangement au milieu du silence, et il braquait son revolver vers le milieu du m^at…
Le r'esultat ne se fit pas attendre. On vit appara^itre un enfant de quinze ans, d'eguenill'e, maigre, les yeux pleins de terreur, qui d'egringola rapidement du m^at et vint tomber au pied de l’inconnu.
— Qui es-tu ?
— Je suis Popsy, le petit mousse.
— Que faisais-tu l`a-haut ?
— J’attendais que la maladie ait cess'e.
— Combien y a-t-il de temps que tu es l`a ?
— Depuis le d'ebut. Lorsqu’on m’a dit qu’il y avait la peste `a bord, j’ai pens'e qu’il n’y ferait point bon rester et que l’air l`a-haut 'etait meilleur que partout ailleurs ; alors j’ai fait un paquet de provisions, je l’ai port'e avec moi, j’ai v'ecu dans la hune jusqu’au moment o`u vous m’avez appel'e.
— Et tu n’as jamais rien ressenti ?
— Non.
— Tu es bien maigre pourtant…
— C’est qu’il y a deux jours que je n’ai rien mang'e, mes provisions 'etaient 'epuis'ees, et je n’osais pas aller en chercher d’autres.
L’inconnu lui tendit un morceau de biscuit et un gobelet d’eau.
— Mange, bois, dit-il, j’ai besoin de toi.
Le mousse s’empressa d’ob'eir, cependant que son sauveur r'efl'echissait :
« Qu’est-ce que je vais pouvoir faire de ce gosse ? Il faudra bien que je le tue comme les autres. C’est dommage pourtant, il a l’air intelligent. Il a 'et'e, avec sa petite cervelle, plus d'ebrouillard que tous les passagers du British Queenr'eunis. C’est curieux, il me semble que j’aurais de la r'epugnance `a d'emolir ce pauvre mousse, maintenant que je l’ai fait causer. J’aurais mieux fait de m’en d'ebarrasser avec une balle de revolver, quand il 'etait en haut du m^at. Mais, apr`es tout, pourquoi le tuer, il faut que je songe `a sortir d’ici et qui sait s’il ne pourra pas m’aider. Lorsque nous serons sur la terre ferme, il sera temps de r'efl'echir `a ce qu’il convient de faire de lui.
Le mousse cependant avait fini de se restaurer et relevait la t^ete, interrogateur :
— Viens avec moi, dit l’homme, nous allons visiter le navire pour voir s’il ne reste pas de vivants. Commencons par ici.
Ils mont`erent sur la passerelle, mais il n’y avait rien `a cet endroit. Ils parcoururent ensuite le premier pont, nul cadavre ne bougea sur leur passage.
Ils se pr'eparaient `a descendre `a un 'etage inf'erieur, quand tout `a coup, derri`ere les deux promeneurs, un grincement aigu se fit entendre :
L’inconnu se retourna brusquement :
— On a remu'e, dit-il, il n’y a pourtant que des morts ici. Qui a fait ce bruit ?
— Ah ! ne vous affolez pas, r'epondit le mousse, ce ne sont pas des
— Par suite de la mar'ee, qu’est-ce que tu veux dire ?
— Eh bien, voil`a. C’est maintenant la mar'ee montante et le courant pousse le bateau vers le large. Alors, vous comprenez, comme les ancres restent toujours au m^eme endroit, ca tire sur les cha^ines et elles crient, comme vous avez entendu…
— Tiens, voici une chose `a laquelle je n’avais pas song'e. L’effort de la mar'ee, mais alors… si on l^achait les cha^ines, le bateau irait aussi s’'echouer `a la c^ote ?…
— Pourvu qu’on choisisse bien son moment… si on le l^achait `a la mar'ee montante, il irait se promener vers le large, du c^ot'e du pays des requins.
— Crois-tu qu’`a nous deux nous pourrions d'efaire les cha^ines.
— Ah ! ce n’est pas bien difficile, je me charge bien de le faire tout seul.
— Eh bien, 'ecoute, tu tiens `a sortir d’ici, n’est-ce pas ?… moi aussi, mais nous sommes en quarantaine et si nous 'equipions une barque, les soldats de Durban nous tireraient des coups de fusil. Voici ce que nous allons faire. Tu me diras le moment de la prochaine mar'ee, nous l^acherons alors les cha^ines, le courant nous portera vers la c^ote, et au moment d’'echouer ce sera bien le diable si nous n’arrivons pas `a nous 'echapper `a la nage.
— Oui, je veux bien, mais il y a une petite difficult'e. Croyez-vous que lorsque les gens de Durban verront que le bateau d'erive, ils ne se douteront pas que quelqu’un a d'efait les cha^ines, qu’ils ne prendront pas leurs pr'ecautions pour nous emp^echer de d'ebarquer ?
— Mais crois-tu que les cha^ines ne pourraient pas se casser toutes seules ?
— Ah ! non, ce sont de grosses cha^ines d’acier qui ne rompent pas, m^eme quand le temps est mauvais. Je n’ai vu qu’un bateau comme celui-ci d'eriver qu’une seule fois et encore. C’est parce qu’il 'etait en feu et que le cabestan, o`u sont enroul'ees les cha^ines, avait br^ul'e.
— Mais alors nous n’avons qu’`a mettre le feu au British Queen, et tout semblera naturel. On ne songera pas `a s’opposer `a notre 'echouage… Cours vite dans les soutes et apporte du p'etrole, de l’alcool, tout ce que tu trouveras qui puisse br^uler… d'ep^eche-toi et `a la prochaine mar'ee, nous allumerons l’incendie, nous abandonnerons les ancres.
Comme ils l’avaient d'ecid'e, ils le firent. `A peine le flux descendant commenca-t-il `a gonfler les vagues, qu’ils se pr'ecipit`erent sur les cabestans, puis ils mirent le feu au navire.
Une flamme immense s’'eleva dans les airs. Le British Queen, dross'e par le courant, commenca `a avancer lentement vers la c^ote.
Il y avait d'ej`a deux heures qu’il progressait d’une facon lente mais s^ure.
L’inconnu allait, d’une longue-vue marine, chercher d'ej`a `a distinguer `a quel endroit approximatif ils allaient s’'echouer, quand tout `a coup, il e^ut un sursaut d’'etonnement. Il voyait dans sa lorgnette que des mouvements insolites se pr'eparaient sur la c^ote. Une foule de gens semblait se pr'ecipiter `a l’endroit vers lequel le navire vraisemblablement, se dirigeait.