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La mort de Juve (Смерть Жюва)
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La jeune dactylographe sourit gracieusement. Puis, subitement, une id'ee lui vint.

— Pardon, Monsieur, le paquet de titres que je dois emporter pour le faire recommander. O`u est-il ?

Herv'e Martel se dirigea vers le bureau sur lequel il avait plac'e les papiers. Tout `a coup, il s’arr^eta net :

— Vous les avez pris, Mademoiselle, ces titres ? Ils 'etaient l`a-dessus il y a quelques instants,

— Il m’a sembl'e les voir, en effet, Monsieur. Mais il faut croire que je me suis tromp'ee, puisqu’ils n’y sont pas.

— C’est exact, ils n’y sont pas. J’aurais cependant jur'e que…

— Ma foi, moi aussi.

— Je sais bien que je suis distrait, mais `a ce point-l`a cependant.

Le courtier regarda autour de lui, souleva les coussins de son canap'e, remua quelques dossiers, entrouvrit deux ou trois fois le tiroir dans lequel il avait mis, quelques jours auparavant, les titres en question, et qu’il croyait bien avoir repris. Mais il ne retrouva rien.

— Voyons, c’est impossible, grogna-t-il. Vous faites erreur, ou moi. Ou alors, je me trompe, ce paquet n’est pas bien gros. Regardez donc si, par hasard, dans vos feuilles de st'enographie.

La jeune fille d'efit vivement le rouleau de papier. Les titres n’y 'etaient pas. Cependant que la jeune fille rougissait, quelque peu agac'ee, Herv'e Martel semblait de plus en plus pr'eoccup'e, et sur sa physionomie tr`es franche, tr`es mobile, ses impressions se manifestaient tr`es nettement.

— C’est curieux, grommela-t-il encore, absolument invraisemblable.

Jusqu’alors, Herv'e Martel 'etait all'e et venu dans la pi`ece, en proie, semblait-il, `a une impatience f'ebrile. Brusquement, il s’arr^eta, consid'era la jeune fille.

— Enfin, dit-il en se croisant les bras, ne trouvez-vous pas cela extraordinaire ?

— Mais si, Monsieur, dit H'el`ene.

— N’est-ce pas, reprit le courtier, c’est extraordinaire. Ces titres n’ont pas pu s’en aller tout seuls. C’est `a se demander si quelqu’un ne les a pas pris ? `A la rigueur, on pourrait penser `a Prosper, au cocher, mais il me semble qu’apr`es son d'epart les titres 'etaient encore l`a. Qu’en pensez-vous ?

— Je n’ai pas fait attention, mais il me semble, en effet, que vous avez raison.

— J’ai raison, mais alors ?

Et son regard interrogeait la jeune fille, qui ne broncha pas. Apr`es un silence, elle dit :

— Il est temps que je parte, Monsieur, si vous d'esirez que je vous rapporte votre courrier avant l’heure du d'ejeuner.

— En effet. Allez, Mademoiselle.

Mais `a peine avait-il dit ces mots qu’il se ravisait :

— Mademoiselle H'el`ene, appela-t-il.

— Monsieur ?

— Mademoiselle, un petit renseignement, s’il vous pla^it ? J’ai omis de vous le demander lorsque vous ^etes entr'ee comme dactylographe il y a six mois, et chaque jour je voulais le faire, puis je l’oubliais. J’ai tellement de choses dans la t^ete…

— De quoi s’agit-il, Monsieur ?

— Oh, rien, figurez-vous que je n’ai pas votre adresse. Il est n'ecessaire, n’est-ce pas, que j’aie votre adresse. Supposez que j’aie quelque chose d’urgent `a vous dire.

— J’habite 114, rue Lepic, Monsieur.

— Rue Lepic ? C’est `a Montmartre cela, n’est-ce pas ? Et alors, vous venez de l`a tous les matins, `a pied ?

— Oui, Monsieur.

— De Montmartre `a la Bourse, ce n’est pas tr`es loin. Et alors, rue Lepic, vous habitez avec votre famille, vos parents ?

— J’habite seule, Monsieur.

Mais, soudain, le rouge monta au front d’H'el`ene qui se rapprocha d’Herv'e Martel :

— Monsieur, demanda-t-elle avec un fr'emissement dans la voix, pourquoi me posez-vous ces questions ? Est-ce que ?

— Mais que voulez-vous dire, Mademoiselle ?

— C’est un interrogatoire ? n’est-ce pas. Ces titres que vous ne retrouvez pas ?

— Mais non, Mademoiselle, je vous affirme. Rien ne me permettrait de formuler sur vous un tel soupcon. Ah, c’est tr`es ennuyeux, 'evidemment, ce qui arrive. Mais enfin, je n’ai aucune raison.

— Monsieur, le soupcon suffit, il me serait impossible de rester une minute de plus.

— L`a, l`a, doucement, ne vous emballez pas. Je n’ai rien dit, en somme, qui soit de nature `a vous vexer. Je vous ai demand'e des renseignements. Tout `a fait naturel de ma part.

— Sans doute, mais ces questions, aujourd’hui…

— Voyons, Mademoiselle, je vous en prie, n’insistez pas. Ces titres, je les retrouverai. Oui, je les retrouverai certainement.

Et pour couper court, Herv'e Martel, brusquement, changea de sujet :

— Mademoiselle, au lieu d’'ecrire la lettre que je vous ai dict'ee pour MM. Nalorgne et P'erouzin, je vous prie de leur t'el'ephoner de passer me voir, sans faute ce soir, ici, chez moi, `a partir de six heures. Je compte que la commission sera faite. C’est tr`es important.

— Vous pouvez y compter, monsieur, dit la jeune fille, qui paraissait avoir repris tout son calme.

2 – NALORGNE ET P'EROUZIN, CONTENTIEUX

— Un prospectus, un autre prospectus. Une demande d’emploi. Voici encore une dame qui voudrait emprunter de l’argent sur garanties. Parbleu, si c’'etait si facile que ca, nous serions les premiers `a le faire. Une feuille de couleur. Ah, ce sont les contributions. Tiens, un mot de Prosper. Vous savez bien, P'erouzin, Prosper, le cocher de notre client, M. Herv'e Martel. Encore un solliciteur. D'ecid'ement, il n’y a que de ces gens-l`a.

Le personnage qui monologuait ainsi s’arr^eta soudain. Son interlocuteur, qui l’'ecoutait jusqu’alors sans mot dire, venait de l’interrompre d’un signe de la main.

— Je crois qu’on a sonn'e, dit l’un des deux hommes.

Nalorgne et P'erouzin, les deux associ'es, occupaient, rue Saint-Marc, `a l’entresol d’une vieille maison, un appartement sur la cour, 'etroit, mis'erable, sombre, obscur, dans lequel, depuis quelques semaines, ils avaient install'e un bureau d’affaires.

Une plaque sur la porte portait Contentieux, ce qui laissait place `a l’imagination.

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