La mort de Juve (Смерть Жюва)
Шрифт:
— On vous suit.
***
— Qu’est-ce qui se passe, Rosalie ? qu’est-ce que c’est ?
Rosalie 'etait `a l’abri, derri`ere la silhouette bedonnante d’un superbe ma^itre queux.
— Je ne sais pas, monsieur, r'epondait Rosalie, mais bien s^ur que c’est le diable ou un d'emon, la maison en a trembl'e.
— Vous savez, dit Martel, ne vous attendez pas `a une surprise, ca ne fait nullement partie du programme des f^etes. Ah ca, par exemple, la porte est donc ferm'ee ?
Mais Herv'e Martel se trompait. Devant la r'esistance impr'evue de la porte du cabinet de travail, il avait fait un violent effort et soudain elle s’ouvrit :
Le cabinet de travail si bien rang'e il y a un moment, offrait un spectacle de champ de bataille.
L’'etag`ere, charg'ee de petits vases pr'ecieux, 'etait 'ecroul'ee sur le sol, les coussins du canap'e gisaient, 'eventr'es, pr`es de la chemin'ee, les chaises 'etaient renvers'ees, les fauteuils crev'es montraient le crin. Sur le bureau, les papiers en tas, en tra^in'ee, jonchant la pi`ece. Les tableaux arrach'es, jet'es sur le sol. Un rideau de la fen^etre accroch'e aux cand'elabres de la chemin'ee. La biblioth`eque avait sa vitre lamentablement bris'ee. La corbeille `a papiers 'etait vid'ee de son contenu r'epandu `a travers la pi`ece. Sur la petite table o`u d’ordinaire la dactylographe travaillait, le pot de colle perdait son liquide naus'eabond.
Il semblait vraiment qu’on se f^ut battu dans la pi`ece, qu’on y e^ut cambriol'e, qu’on l’e^ut mise au pillage, `a sac.
— Nom d’un chien de nom d’un chien, disait le ma^itre de maison.
Et il appela :
— Baptiste. Rosalie. Qui est entr'e ici ?
— Personne, monsieur.
— Personne ? Allons donc. Ca ne s’est pas fait tout seul tout de m^eme.
— Non, monsieur, mais enfin…
— Enfin, quoi ? vous voyez bien que tout est cass'e.
— C’est des esprits, dit la vieille Rosalie, le plus s'erieusement du monde.
— C’est pas ordinaire, disait Irma de Steinkerque, dont le gros bon sens n’'etait qu’`a demi rassur'e, c’est pas ordinaire, qu’est-ce qui a pu flanquer tout ca par terre ?
Charley, les mains derri`ere le dos, m'editait :
— Bougre, c’est qu’il y en a pour des sous dans le dommage caus'e. On a certainement voulu vous cambrioler, mon cher Herv'e.
— En une minute ?
Charles Charley ne r'epondit point.
C’'etait exact, en effet. De la salle `a manger ils avaient tous entendu le fracas caus'e par le bouleversement de la pi`ece. Ce fracas n’avait dur'e que quelques secondes. C’est en quelques secondes seulement que tout avait 'et'e boulevers'e, mis sens dessus dessous.
Mais comment ? Cela d'epassait vraiment les forces humaines.
Maurice de Cheviron, qui jusqu’alors n’avait rien dit, interloqu'e par ce qu’il voyait, essaya le premier d’apporter un peu de clart'e dans les myst`eres pr'esents :
— Ma foi, commencait-il, il faut bien pourtant que ce soit quelqu’un qui ait fait cela. Seulement comment a-t-il pu le faire ?
L’agent de change se tourna vers la vieille bonne :
— Dites-moi, Rosalie, vous ^etes arriv'ee combien de temps apr`es le bruit, devant la porte du cabinet de travail ?
— Monsieur, quand le bruit s’est fait, j’'etais justement l`a, dans la galerie, je passais pour aller chercher les cigares dans le cabinet de monsieur.
— Vous 'etiez devant la porte ?
— Oui, monsieur, j’allais entrer quand ca s’est produit, j’en ai encore les sangs tout retourn'es.
— Mais alors, personne n’est sorti ?
— Ce n’est pas possible, commenca M. de Cheviron, se tournant vers Herv'e Martel, ce n’est pas possible, mon vieux, ce qu’elle dit, ta cuisini`ere. Tu entends ?
— C’est bizarre, c’est absolument bizarre et totalement incompr'ehensible. Voil`a la deuxi`eme chose extraordinaire qui se passe dans cette pi`ece, car, tu te rappelles, Maurice, ce que je t’ai dit au sujet du vol dont j’ai 'et'e victime ?
De la cuisine, un homme `a figure de fournisseur s’approchait, accompagn'e d’un gilet ray'e :
— Monsieur Martel, s’il vous pla^it ?
— Hein ? quoi ?
'Enerv'e, le ma^itre de maison allait se f^acher. Non. Il 'eclatait de rire :
— Allons bon, s’'ecriait-il, c’est vous, monsieur Nalorgne ? c’est vous, monsieur P'erouzin ?
Le fournisseur et le domestique n’'etaient autres en effet que les deux
Ils 'etaient ravis, fiers, triomphants :
— Parfaitement, monsieur Martel, r'epondait P'erouzin, jetant des regards satisfaits sur l’assistance qui se demandait qui pouvait bien ^etre ce nouvel arrivant, parfaitement, c’est bien moi P'erouzin, d'etective, et voici mon associ'e Nalorgne, d'etective aussi. Cher monsieur, vous nous avez pri'es, il y a quelques jours, de nous occuper d’une affaire myst'erieuse qui s’est produite chez vous, vous voyez que notre sollicitude est grande et que nous n’'epargnons rien pour vous donner satisfaction. Nous savions que vous receviez du monde aujourd’hui, nous avons pens'e qu’il 'etait possible que quelque 'ev'enement f^acheux intervint, et, vous le voyez, nous sommes venus pour vous garantir de tout danger.
— Je vous remercie beaucoup, Messieurs, mais que savez-vous ? que s’est-il pass'e ? vous avez vu ce qui est arriv'e ?
— Nous ne savons rien du tout, nous n’avons rien vu, rien entendu, nous nous tenions dans la cuisine, pour ne pas nous faire remarquer.
— Mais alors votre surveillance ?
— Elle n’a pas lieu de s’exercer tant qu’il ne se passe rien.
— H'e fichtre de bon Dieu, il est bien temps d’arriver quand tout est fini. Au moins vous comprenez quelque chose `a ce qui s’est pass'e ? Vous allez nous donner une explication ?