La mort de Juve (Смерть Жюва)
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Herv'e Martel, toutefois, ouvrit le coffre-fort, fouilla :
— Je n’ai rien remis l`a-dedans. Regarde mon portefeuille est vide.
— Cent mille francs, c’est une somme, et cela vaut la peine qu’on y pr^ete attention. Voyons, tu es s^ur, Maurice, de ne pas les avoir pris ?
— Je te dis que j’en suis absolument certain.
L’agent de change machinalement, se fouillait. Non, il n’avait pas les billets sur lui :
— Ils ne se sont pas envol'es, que diable, et en tout cas, ils n’ont pas pu sortir d’ici, puisque fen^etres et portes sont ferm'ees.
— Mais bon Dieu de bon Dieu, jurait le courtier, c’est inadmissible cette aventure. Nous 'etions l`a tous les deux, et il y avait dix paquets, dix liasses, tu en es t'emoin. S’il ne manquait qu’un paquet, qu’une liasse, j’admettrais `a la rigueur qu’un coup de vent, un mouvement maladroit… Mais nous 'etions tous les deux loin de la petite table.
— C’est vrai.
Maurice de Cheviron, gagn'e `a l’inqui'etude de son ami, montait sur le bureau, soulevait les cadres des gravures, comme s’il se f^ut attendu `a trouver les cent mille francs cach'es derri`ere l’un d’eux.
Rien.
Herv'e Martel, de son c^ot'e, soulevait la trappe de la chemin'ee, bouleversait les coussins du canap'e. Rien.
— Bon Dieu, c’est `a se demander si tu n’avais pas raison tout `a l’heure, et si quelque fant^ome ?
— Des fant^omes ? allons donc, des fant^omes ? c’est bon pour les vieilles femmes, tu le disais tout `a l’heure toi-m^eme, Maurice. Des fant^omes ? ce n’est pas une explication. Pourtant, il n’y a pas `a dire, mes cent billets ont disparu en une seconde. Disparu le temps d’ouvrir ce tiroir. Ah, j’en deviendrai fou, ma parole.
— C’est de la prestidigitation, Herv'e.
Mais Herv'e Martel n’avait gu`ere envie de plaisanter. Au rire de l’agent de change, brusquement, il 'eclatait en impr'ecations :
— Cela te va bien de faire l’imb'ecile sur mon bureau, hurla-t-il, descends donc, sapristi, remue-toi, aide-moi `a chercher. Il n’y a pas de quoi rire, que diable.
Maurice de Cheviron descendit :
— Si, il y a de quoi rire, car enfin, mon vieux, 'etant donn'e que nous 'etions seuls dans la pi`ece, il faut bien admettre que tes billets n’ont pas pu dispara^itre. Donc, toute cette affaire n’est pas grave, ne peut pas ^etre grave. Tu vas retrouver ton argent.
— Je ne sais pas si je retrouverai mes billets, criait-il, se tra^inant `a genoux sur le tapis, pour regarder encore sous les meubles, mais en attendant, je ne les retrouve pas et je te pr'eviens, Maurice, que si c’est toi qui les as cach'es pour me faire une farce, je trouve cela de tr`es mauvais go^ut. Voyons, Maurice, criait le courtier, en voil`a assez, n’est-ce pas ? C’est dr^ole pendant cinq minutes, mais ca finit par ne plus ^etre dr^ole du tout. C’est toi qui as pris ces billets ? dis-le, nom d’un chien !
Doucement, Maurice de Cheviron se d'egageait :
— Tu es fou, tu es absolument fou, ma parole, pourquoi veux-tu que je t’aie fait une plaisanterie de cette nature ? Je ne comprends m^eme pas que tu y penses, et en tout cas, puisque je te dis que je n’ai pas ton argent, c’est que je ne l’ai pas. Tu ne devrais pas insister.
L’agent de change, malheureusement, eut beau protester, il ne put convaincre le courtier. Herv'e Martel, au point de col`ere o`u il 'etait arriv'e, n’'etait plus en 'etat, 'evidemment, d’appr'ecier sainement les choses.
— Alors, si ce n’est pas une plaisanterie, dit-il, furieux, c’est un vol.
— Tu m’accuses, ma parole.
— Non, je ne t’accuse pas, mais enfin. Enfin, tu constates toi-m^eme que nous venons de fouiller de fond en comble tout mon cabinet de travail, les billets y 'etaient. Ils n’y sont plus. Donc, forc'ement, fatalement, ils sont sur l’un de nous, toi ou moi.
— Comme ce n’est pas moi qui les ai pris.
— Eh oui, c’est stupide `a la fin cette aventure. Tu viens de dire des absurdit'es, mais, en effet, il y a quelque chose de s^ur. Les billets ne sont pas dans la pi`ece, `a moins d’^etre sur nous. Il n’y a que nous, qui ne nous soyons pas fouill'es, eh bien, finissons-en, retournons nos poches.
Maurice de Cheviron paya d’exemple. En un tournemain, avec une rapidit'e qui 'etait un peu f'ebrile, il se d'epouilla de sa veste, dont il vida les poches, avec un soin extr^eme, il la secoua, il l’agita. Les billets ne tomb`erent pas du v^etement.
— Nous allons bien voir dans le pantalon.
De plus en plus 'enerv'e, l’agent de change se d'epouilla de son pantalon, le secoua en tous sens, en retourna les poches. Sans plus de r'esultat.
— Es-tu convaincu ?
Herv'e Martel haussa les 'epaules :
— Tu vas voir que je ne les ai pas non plus, fit-il. `A son tour, il se d'eshabilla. En calecon, en chemise,
les deux amis se regard`erent.
— C’est tout de m^eme fort, commenca Maurice de Cheviron, mais j’en aurai le coeur net, que diable.
Il d'eboutonna son faux-col, se d'ev^etit compl`etement :
— L`a, maintenant, je pense qu’il est bien prouv'e que les cent mille francs ne sont pas sur moi.
Herv'e Martel l’avait imit'e :
— Ni sur moi.
Or, tandis qu’ils 'etaient ainsi d'eshabill'es, un coup discret fut frapp'e `a la porte du cabinet de travail.
— Entrez, cria Herv'e, machinalement.
Le visiteur poussa la porte, la visiteuse plut^ot, car c’'etait Rosalie, la vieille bonne qui venait avertir son patron que l’automobile l’attendait.
Ayant vu les deux hommes en petite tenue, Rosalie partit au galop dans le corridor, criant :
— Ils sont devenus fous. Ce sont des satyres. Au secours, au secours !