Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Penses-tu, c’est pour les affaires s'erieuses que j’ai besoin de le voir, dit Juve.
— Les affaires ? interrogeait encore la ma^itresse de B'eb'e, as-tu donc des combines `a lui proposer ? Tu m’as l’air d’un dr^ole de type. Qu’est-ce que tu faisais `a Saint-Calais ? Pourquoi es-tu venu me relancer ?
— Pauvre gosse, fleur de tourte que tu es, si je me suis amen'e, et si je t’ai coll'e au train, c’est rapport `a la police qu’avait les yeux sur toi. Je ne voulais pas qu’il t’arrive du mal, et c’est ce que je leur dirai aux autres tout `a l’heure si des fois on m’interroge.
— Aux autres, tu es donc des… des…
— Des T'en'ebreux, c’est 'evident.
Rosa dite Mirette, sembla rassur'ee, et, c’est m^eme avec sympathie qu’elle regarda ce beau gars qui lui avait fait une cour empress'ee si galante et pendant toute la journ'ee.
Peut-^etre, si elle avait eu son sang-froid absolu, Rosa, dite Mirette, se serait-elle rendu compte de l’invraisemblance des affirmations de son compagnon. Mais Mirette 'etait encore sous l’impression un peu grisante des deux choses qui troublent le plus les femmes : les vapeurs du champagne et les propos d’amour.
Quelques instants plus tard, Juve suivait Mirette qui s’acheminait vers le fond du tunnel o`u devait avoir lieu la r'eunion des T'en'ebreux.
6 – O`U LES T'EN'EBREUX APPARAISSENT EN CLAIR
Ainsi que l’avait annonc'e B'eb'e `a ses sinistres camarades, les membres de la Bande des T'en'ebreux, l’insaisissable Fant^omas pour une fois avait 'et'e pris.
Le bandit, arr^et'e sur l’indication de Juve, et m^eme par les soins du c'el`ebre policier, au moment o`u il se faisait passer pour l’empereur de Russie, avait 'et'e appr'ehend'e `a la fronti`ere franco-belge.
Le monstre, toutefois, faisant preuve d’une stup'efiante pr'esence d’esprit, avait eu le soin de se faire arr^eter en territoire belge, et m^eme, de s’accuser d’un crime qu’il n’avait pas commis, ceci uniquement pour se rendre justiciable des tribunaux belges, qui continuent de condamner `a mort mais tout en sachant pertinemment qu’on n’ex'ecute plus dans le Royaume, depuis bient^ot un demi-si`ecle.
C’est ainsi que Fant^omas, sit^ot les formalit'es de la commutation de peine effectu'ees, avait 'et'e conduit `a la prison r'eserv'ee aux coupables de son esp`ece, `a la maison d’arr^et de Louvain, g'en'eralement connue sous le nom de
***
Un matin du mois d’avril, le directeur de la prison, M. Van den Grossen, 'etait avis'e par son courrier volumineux qu’il d'epouillait, d`es sept heures, qu’un lot de prisonniers assez important allait lui ^etre livr'e dans l’apr`es-midi, et en effet au moment indiqu'e, la grosse porte de la prison s’'etait ouverte `a deux battants pour laisser p'en'etrer, entre une haie de gendarmes, sabres au clair, une vingtaine de mis'erables encha^in'es qui 'etaient envoy'es au bagne par les diff'erentes prisons belges, o`u ils avaient 'et'e d'etenus en attendant leur condamnation d'efinitive.
Parmi ces prisonniers se trouvait un homme d’une quarantaine d’ann'ees, `a la silhouette robuste, au visage 'energique.
Lorsqu’on appela le D. 33, M. Van den Grossen releva la t^ete et le consid'era attentivement. Le D. 33 c’'etait l’homme au visage 'energique.
Le directeur appela le gardien-chef de la division D.
— Major, dit-il, je vous recommande tout particuli`erement le 33.
Le gardien-chef feuilleta les papiers qu’il avait `a la main.
— Compris, monsieur le directeur. Eh bien, soyez tranquille, on l’aura `a l’oeil. D’ailleurs, les plus mauvaises t^etes sont vite mat'ees ici.
— Je sais, major, je r'eprouve toute brutalit'e, car les prisonniers apr`es tout sont des hommes, mais il faut avoir une main de fer.
Quelques instants plus tard, un sergent de section posait la main sur l’'epaule du 33.
— Allons en route, et `a la douche.
Le 33 ne broncha pas, mais on lut dans son regard comme un 'eclair de r'evolte. Il baissa les yeux. Toute r'esistance 'etait inutile.
Quand il eut pris le bain obligatoire, il voulut regagner la sorte de cabine dans laquelle il s’'etait d'ev^etu, son gardien l’en emp^echa :
— Pas de ce c^ot'e, mais en face, droit devant vous.
Le 33 alla droit devant lui, p'en'etra dans un vestiaire, le long des murs duquel pendaient des v^etements tous identiques.
Sans un mot, sans un geste de protestation, l’homme endossa la livr'ee d’infamie. Mais ce n’'etait pas tout. On l’introduisit chez le coiffeur qui, en l’espace de quelques secondes, d’une tondeuse n'egligente, fit tomber chevelure, barbe et moustache.
Une voix hurla :
— Le 33 `a sa cellule, division D.
Un gardien se pr'esentait :
— C’est pour moi, fit-il, mais auparavant, ne faut-il pas le conduire `a M. le directeur des ateliers ?
— Vous avez raison, r'epliqua le surveillant, qui avait donn'e l’ordre. Nous avons tellement de monde en ce moment qu’on ne sait plus o`u donner de la t^ete.
Sous la conduite de son gardien, le 33 parcourut un long couloir, puis il arriva dans une grande pi`ece, o`u se trouvait un bureau, derri`ere lequel un petit vieillard `a lunettes d’or tr^onait dans un amoncellement de paperasses.
— Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-il de la voix 'enerv'ee de quelqu’un qu’on d'erange perp'etuellement.
Puis apercevant le gardien et son prisonnier :
— Encore un nouveau, ca fait le trenti`eme, que je vois aujourd’hui.
Le petit vieillard se redressa, toisa le d'etenu.
— Approchez, dit-il. Que savez-vous faire ?
— Monsieur j’ai fait un peu tous les m'etiers, et je m’efforcerai de faire celui qui vous conviendra le mieux.